Evenepoel taille patron sur les hauteurs de Malhao
Vainqueur du chrono de samedi, Evenepoel a dominé ses rivaux dimanche pour asseoir sa victoire au général d’une épreuve qu’il aura contrôlée d’un bout à l’autre.
Publié le 21-02-2022 à 07h19
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Dimanche soir, sur les hauteurs de Malhao, Remco Evenepoel aurait pu s'allumer un cigare du diamètre d'un bâton de chaise pour accompagner la plus célèbre réplique du colonel John "Hannibal", le patron de Barracuda et de L'Agence tous risques, qui adorait "qu'un plan se déroule sans accroc".
Débarqué sur ce Tour d'Algarve avec la ferme volonté d'y répéter son succès final de 2020, le coureur de chez Quick-Step Alpha Vinyl aura su se montrer parfaitement fidèle à la stratégie échafaudée avec le staff de la formation belge en amont de l'épreuve portugaise. "Le chrono de samedi sera l'étape la plus déterminante pour la victoire au général", avait soufflé le Brabançon sous le soleil de Portimao, théâtre du départ de la première étape.
Un exercice dans lequel le médaillé de bronze du dernier Mondial de la spécialité a écœuré la concurrence, en ce compris le Suisse Küng (pour rappel champion d’Europe du contre-la-montre) rejeté à… 58 secondes sur 32 kilomètres (!), pour prendre les commandes de sa deuxième course de la saison. Assis sur un matelas de plus d’une minute au matin de l’ultime étape, Evenepoel a pu se contenter de contrôler les grimpeurs sur une ultime arrivée au sommet où il a franchi la ligne en cinquième position, les bras tendus vers le ciel. Une maîtrise et une sérénité qui ne constituent qu’une des leçons d’une semaine riche en enseignements.
1.Une maturité tactique
En amont de la 4e saison du prodige de Schepdaal dans le peloton pro, son patron Patrick Lefevere avait soufflé début janvier l'avoir vu profondément évoluer au cours d'un hiver qu'il avait traversé sans le moindre pépin. "Physiquement comme humainement, il devient un homme", avait alors jugé le manager flandrien qui ne s'était une nouvelle fois pas trompé.
Tout au long de ce Tour d'Algarve, Evenepoel a fait preuve d'une maîtrise de la course et de ses émotions qu'il savait devoir ajouter à la palette de son talent protéiforme. "Tout le monde aime gagner et lever les bras, mais il faut parfois courir en étant intelligent et concentré sur des perspectives plus globales", commentait ainsi celui qui a épinglé la 25e victoire de sa carrière pro dimanche. "Sur des courses par étapes, chaque effort compte et il convient de savoir saisir les opportunités que l'on juge les plus cruciales. Attention, je ne suis pas en train de prôner une forme de passivité. Je dis juste qu'il faut parfois savoir s'en tenir à l'essentiel de sa mission…"
Directeur sportif de l'équipe Quick-Step Alpha Vinyl, Tom Steels abondait dans le sens d'un Yves Lampaert qui jugeait son leader "plus calme". "La sérénité, c'est une des qualités les plus essentielles pour un coureur de courses par étapes et encore plus de grands tours", analysait l'ancien multiple champion de Belgique. "Et c'est vrai que Remco a grandi sur ce point. Dans le peloton, il évolue désormais avec plus de tranquillité. Cela peut paraître anecdotique, mais un coureur passe 90 % de sa journée au sein de la meute et peut y laisser beaucoup d'énergie…"
Signe de cette transformation, Remco n'a pas cherché à se mêler au sprint dimanche. Sa victoire au général acquise, il s'est relevé dans les 200 derniers mètres "pour profiter pleinement de ce maillot jaune".
2.Un rouleur encore plus puissant
Régénéré par ses premières véritables vacances depuis qu'il est passé pro, Evenepoel a profité de sa longue préparation hivernale pour effectuer un travail très spécifique. "Nous avons bossé sur certains de mes muscles (NdlR : ses cuisses apparaissent plus développées) de manière ciblée. Sur des efforts intenses et longs comme le contre-la-montre de samedi, cela porte visiblement ses fruits et c'est assez gratifiant."
Un entraînement qui vise à le rendre encore plus efficace dans le chrono. "Je pense m'être encore amélioré dans cet exercice. La mission pour moi sur les courses qui comprennent un contre-la-montre sera donc le plus souvent de tenter d'y opérer une différence et de suivre autant que possible les meilleurs grimpeurs du peloton en montagne, même si je ne m'interdirai évidemment pas d'y faire une différence quand une occasion pourra s'offrir à moi."
3.Une position de chrono encore plus efficace
Le coureur de Schepdaal inaugurait sur ce Tour d'Algarve une nouvelle position travaillée à l'occasion d'un voyage en Californie, dans la soufflerie du constructeur Specialized, l'automne dernier. Si les changements tiennent à "de petits réglages", le nouveau guidon ainsi que les manivelles légèrement raccourcies permettent au Brabançon d'être encore plus efficace et aérodynamique sur sa machine.
"Après ma chute sur le Tour de Lombardie, nous avons longtemps cherché le bon équilibre entre confort, aérodynamisme et efficacité dans le transfert de ma puissance. Je pense désormais que nous l’avons trouvé. Je n’ai jamais été aussi bien posé sur mon vélo de chrono, et c’est cela qui m’a aidé à livrer ce que je considère comme le meilleur chrono de ma carrière samedi. C’est encourageant pour les chronos du reste de la saison."
Pour la petite histoire, celui de la Vuelta ne fera qu’un petit kilomètre de moins que le contre-la-montre portugais, alors que le parcours du prochain Mondial de la spécialité en fera au maximum cinq de plus…
4.Le plein de confiance avant Tirreno-Adriatico.
Autrefois occasionnellement trop rapidement absorbé par la perspective de son prochain objectif, le coureur de chez Quick-Step Alpha Vinyl irradiait dimanche de bonheur et d’une confiance dont il a rempli son réservoir à ras bord, avant la prochaine épreuve à son calendrier : Tirreno-Adriatico.
"Ce succès sur le Tour d’Algarve est très prometteur pour la suite. Samedi, j’avais vraiment de super jambes sur le chrono et j’espère bien pouvoir compter sur le même type de sensations dans cet exercice tout au long de la saison. Jouer la victoire finale sur la Course des deux mers ? Le premier objectif sera de tenter de remporter le chrono inaugural de 13,9 kilomètres tracé autour de Lido di Camaiore. Mon objectif est d’arriver sur cette épreuve avec un bon niveau de forme et je pense être sur le bon chemin. J’ai très envie de faire un beau truc sur cette belle épreuve WorldTour. Me frotter à un gros plateau sur une course comme Tirreno est important dans la suite de mon développement. Un duel se profile-t-il avec Pogacar ? Oui, c’est vrai que j’y retrouverai le Slovène avec qui je n’ai couru que sur des courses d’un jour jusqu’ici. Tadej est un exemple dans l’évolution vers laquelle je veux tendre."