Remco Evenepoel vu par ses grands-parents maternels: "À 5 ans, il roulait déjà 50 kilomètres"
Rencontre avec Liliane et Eduard, les grands-parents maternels d’Evenepoel.
- Publié le 27-08-2022 à 08h56
- Mis à jour le 29-08-2022 à 09h48
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Dans la famille de Remco Evenepoel, j'appelle Liliane et Eduard. Ce couple de sexagénaires, sagement installé à Herne, terre de vélo et de balle pelote, ne louperait pour rien au monde une course du petit-fils prodige. Sur la table du salon, six classeurs sont disposés soigneusement. "J'ai au moins un article de presse ou une photo de chaque course que Remco a faite depuis ses débuts en 2017", lance fièrement Eduard, ancien junior d'Anderlecht. Sa femme et lui vouent une admiration sans borne au vainqueur de Liège-Bastogne-Liège. Ce sentiment, omniprésent depuis son enfance, s'est encore accentué après le décès de leur propre fils, il y a sept ans. Depuis, ils ont reporté leur amour sur le protégé de Patrick Lefevere. "Il est notre seul petit-fils", disent-ils à l'unisson. "Dès qu'il en a l'occasion, il vient nous dire bonjour."
Eux cherchent un peu à rattraper le temps perdu parce qu’un différend familial les a tenus éloignés de lui durant près de deux lustres, avant qu’il revienne chez eux à l’adolescence. Dès lors, on peut comprendre l’émotion qui transpire de chacune de leurs paroles au cours d’un entretien de près d’une heure autour d’une tasse de café et de biscuits.
Quel genre de gamin était Remco ?
Liliane : "Remco était très brave, très calme. Du moins quand il était chez nous. Lorsqu'il allait à l'école, c'était différent. Jusqu'à ses 5 ans, il a passé beaucoup de temps avec nous parce que ses parents, indépendants, travaillaient énormément. Honnêtement, on n'a jamais eu à se plaindre de Remco. Durant dix ans, il n'est plus venu dormir à la maison. Quand il est revenu vers nous, nous avons considéré Remco comme notre propre fils. C'est encore le cas aujourd'hui."
Eduard : "J'ai tout de suite construit une relation très forte avec Remco parce que nous avions la même passion, celle du ballon rond. J'ai aussi joué à Anderlecht, jusqu'en juniors et six mois en réserve. Après, je me suis sérieusement blessé. Pour en revenir à Remco, il se débrouillait très bien et j'étais convaincu qu'il deviendrait footballeur professionnel."
Liliane : "Entre le vélo et le foot, il n'arrêtait jamais. Sans arrêt, il faisait le tour du pâté de maisons. Et quand son grand-père revenait à la maison après sa journée de boulot, il n'avait pas le temps de ranger ses affaires que Remco lui demandait de jouer avec lui au foot."
Eduard : "Il m'appelait même au boulot pour me demander à quelle heure je rentrerais. Il était impatient de frapper dans la balle. Et quand c'était l'heure d'aller dormir, il prenait place dans notre lit. Ma femme devait aller dans une autre chambre. Remco, c'était le petit-fils à son papy !"
Liliane : "Ils ont toujours entretenu une relation très fusionnelle. C'est encore un peu le cas aujourd'hui."
Eduard : "Il faut dire que je passais mon temps à jouer avec lui."
Avait-il déjà un certain potentiel physique ?
Eduard : "Écoutez, un jour, il m'a dit qu'il voulait participer au Gordel, une compétition de plusieurs itinéraires qu'on peut faire à pied ou à vélo. Et pas sur la plus petite distance, non ! Il a tenu à rouler 50 kilomètres. Il avait 5 ans. Il s'est à peine arrêté deux fois. Je n'en croyais pas mes yeux. C'était fou. On avait à peine retiré les deux petites roues latérales de son vélo depuis quelques mois."
Demandait-il beaucoup de câlins ?
Liliane : "Non, pas vraiment, mais il ne quittait pas son papy."
Eduard : "Quand on allait au restaurant avec toute la famille, il voulait toujours s'asseoir à côté de moi. Un jour, ce ne fut pas le cas. De colère, il a alors piqué une vraie crise."
Liliane : "Il était tellement content près de nous que quand il entendait le bruit de la voiture de son papa qui venait le chercher, il lui arrivait de se cacher. Encore aujourd'hui, il communique avec son grand-père avant chaque course. Quand il n'a pas le temps de l'appeler, il lui envoie un SMS."
Eduard : "Mais je le laisse tranquille. Je ne veux pas être sur son dos."
Remco a-t-il toujours été têtu ?
Liliane : "J'entends ça tout le temps. Avec nous, Remco n'a jamais été comme ça. Mais ma fille m'a déjà dit qu'il n'est pas le même quand il s'agit de rouler à vélo."
Eduard : "Je suppose qu'il a dû s'endurcir au fil des années et que, pour atteindre le niveau qu'il a, il doit faire preuve de caractère."
Liliane : "Mais quand on se voit, on ne parle pas trop de vélo. Je me dis qu'il doit déjà en avoir assez comme ça pour qu'on vienne encore aborder ce sujet."
Eduard : "C'est vrai mais, parfois, il en parle spontanément. Et je saisis l'occasion pour lui demander comment il se sent ou partager mes impressions avec lui."
Vous souvenez-vous de cadeaux précis de Remco ?
Liliane : "Il en fait souvent à son grand-père. Je vais finir par être jalouse. (elle rit)"
Eduard : "Il me donne certaines tuniques qui ont de la valeur. J'ai encore le maillot blanc de meilleur jeune qu'il avait gagné au Tour de San Juan (en 2019). C'est le premier qu'il m'a donné."
On imagine que vous êtes très fiers de votre petit-fils.
Liliane : "Oui, oui, je suis fière de qui il est, comme jeune homme. On a sans doute un tel sentiment de fierté parce que c'est notre seul petit-fils."
Êtes-vous surpris par le champion qu’il est devenu ?
Liliane : "C'est clair qu'on ne s'y attendait pas. Honnêtement, quand il nous a dit qu'il arrêtait le football, nous n'étions pas rassurés quant à son futur. On se demandait vraiment ce qu'il allait faire. En plus, le cyclisme peut être si dangereux. Moi, j'ai toujours peur qu'il chute. Heureusement, Remco ne prend pas part aux sprints massifs. C'est une chance pour moi qu'il ne soit pas un sprinter. Sinon, je ne verrais jamais ses fins de course."
Quel souvenir gardez-vous de sa chute au Tour de Lombardie 2020 ?
Liliane : "Quand on a vu un vélo posé contre le muret, on a commencé à avoir peur. On ne savait pas encore que c'était lui, mais la crainte grandissait au fil des secondes. Lorsque le journaliste a dit que c'était la machine de Remco, nous nous sommes accrochés à l'espoir qu'il se trompait."
Eduard : "Moi, j'ai tout de suite reconnu son vélo, au numéro, le 111. Mais on ne savait rien."
Liliane : "L'attente a alors paru interminable. On savait que c'était lui, mais on n'avait aucune idée de son état."
Eduard : "Quand ils ont dit qu'il bougeait les orteils, j'ai poussé un grand ouf de soulagement. Cela voulait dire qu'il ne serait pas paralysé."
Très vite, certains ont voulu comparer Remco à Eddy Merckx…
Liliane : "Au début, je trouvais ça sympa, même si je me disais que ça allait beaucoup trop vite. Il ne comptait que quelques victoires et on le comparait déjà au plus grand. Cela n'avait pas de sens."
Eduard : "Eddy Merckx a longtemps tenu des propos négatifs sur Remco. Il lui en voulait de ne pas avoir rejoint l'équipe de son fils Axel et d'avoir préféré la formation de Patrick Lefevere. Mais comparer Remco à Merckx ne ressemble à rien. On sait bien qu'il est impossible qu'il gagne autant de courses. Si je devais le comparer à quelqu'un, je dirais Claudy Criquielion. Quand il attaquait, il était aussi difficile d'aller le chercher. Puis, il se débrouillait bien dans les grands tours et est devenu champion du monde."
Pourquoi est-il si populaire, pensez-vous ?
Eduard : "Il est devenu plus mature, ne s'énerve plus comme avant."
Que pensez-vous de son exposition dans les médias ?
Liliane : "Même s'il n'est pas gai de lire certaines critiques qu'on ne comprend pas toujours, nous sommes très fiers de le voir si souvent dans la presse. C'est qu'il réussit des choses pas ordinaires."
Dans quel état êtes-vous quand vous regardez ses courses ?
Eduard : "Je ne tiens pas en place. C'est parfois très difficile. Heureusement, il me procure plus de joie que de déception."
Tout son arrière grand-père
Le cyclisme, c'est une passion qui se transmet de génération en génération dans la famille de Remco Evenepoel. Son papa, Patrick, fut coureur professionnel. En 1993, il gagna le Grand Prix de Wallonie. Frans Van Eeckhout, son arrière-grand-père maternel, auquel il ressemble comme deux gouttes d'eau, a fait une petite carrière également. "Il a roulé contre Rik Van Steenbergen", dit fièrement Eduard.
Sur un cliché noir et blanc datant de 1954, on voit que la ressemblance physique avec le vainqueur de Liège-Bastogne-Liège est effectivement saisissante. "Sur le vélo, Remco a la même position que mon papa. Je le revois un peu à travers lui. D'ailleurs, ma maman me fait encore souvent la remarque. Elle a l'impression de voir son mari à l'œuvre."