Mathieu van der Poel avait tout prévu sur Milan-Sanremo : “Le plan était que je démarre plus tôt”
Son exploit digne d’Eddy Merckx a permis au Néerlandais de remporter un troisième monument. En attendant les autres ?
Publié le 20-03-2023 à 08h56
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Dites-moi qui vous avez battu et je vous dirai quel champion vous êtes.
Samedi, pour enlever le 114e Milan-Sanremo en solitaire, Mathieu van der Poel a devancé Filippo Ganna, Wout van Aert et Tadej Pogacar, trois des plus grands champions actuels.
Épinglant un troisième monument, après ses deux Tours des Flandres (2020 et 2022), Mathieu van der Poel a réussi une énorme prestation. Avant le Néerlandais et depuis Giorgio Furlan, en 1994 (l’Italien avait gagné sur le Corso Cavalotti, à l’entrée de la ville), seul Vincenzo Nibali avait triomphé en 2018 en démarrant dans le Poggio et en terminant seul sur la Via Roma.
L’attaque, ponctuée par MvdP (elle lui vaut le record de l’ascension du Poggio en 5:40, soit six secondes de mieux que Maurizio Fondriest et Laurent Jalabert en 1995), avait été tentée par beaucoup par le passé sans qu’ils puissent le plus souvent maintenir leur avantage.

Exactement soixante-deux ans, jour pour jour, après la victoire dans la Classicissima de son grand-père maternel Raymond Poulidor, van der Poel a reproduit avec succès une manœuvre qu’Eddy Merckx avait faite sienne, parmi ses sept victoires, à trois reprises (en 1969, 1971 et 1972) ou qui lui avait également permis de revenir et de déborder un petit groupe échappé en 1975.
"Cela me fait plaisir de succéder à mon grand-père, surtout parce qu’il s’agit d’un monument que tout le monde veut gagner.”
“Gagner seul, ça n’arrive pas souvent, disait MvdP. Cela représente beaucoup pour moi. Cela me fait plaisir de succéder à mon grand-père, mais c’est surtout parce qu’il s’agit d’un monument que tout le monde veut gagner.”
Si quelqu’un pouvait réaliser cet exploit athlétique et acrobatique, c’est bien lui, l’adepte des finales folles. Comme un dernier tour en cyclo-cross. Comme celle qui lui avait offert la victoire sur le fil à l’Amstel Gold Race 2019 après un retour qui semblait totalement impossible. Ou comme ce succès acquis dans l’émotion deux ans plus tard au Tour de France, à Mûr-de-Bretagne, avec le maillot jaune à la clé.
À 28 ans, depuis le 19 janvier, il ne remportera sans doute pas la Primavera à six autres reprises, mais comme pour Merckx, Milan-Sanremo est taillée à la mesure du fils d’Adrie. Dans cette course que le Néerlandais qualifie de “facile mais tellement difficile à gagner”, il y a tous les ingrédients qui subliment ses qualités. C’est une épreuve de très longue haleine, disputée souvent à un rythme élevé (samedi, il a réalisé la deuxième moyenne la plus rapide avec 45,773 km/h contre 45,806 km/h pour Gianni Bugno en 1990), à la difficulté allant crescendo dans une finale menée tambour battant, sur des pentes pas trop rudes (5 % maximum) et avec, juste avant l’arrivée, une descente sinueuse où ses qualités techniques font merveille.
“Le plan était que je démarre plus tôt, avouera-t-il. Je voulais un plus grand avantage mais ce fut suffisant. C’était risqué mais je me sentais très bien alors que je n’étais pas encore au mieux à Tirreno, et ce n’était pas du cinéma car ce n’est pas mon genre. Sincèrement, je ne pensais pas être aussi bien. Je n’ai pas effectué la descente à la limite, mais à 80 %, car je ne voulais pas tout perdre. Si j’avais été repris, j’aurais pu encore gagner. Je ne me suis pas retourné, pas écouté les oreillettes, mais simplement roulé à fond jusqu’au bout.”

Le coureur d’Alpecin-Deceuninck a également démontré samedi qu’il n’est plus le feu follet qui attaquait parfois en dépit du bon sens. Au contraire, il a fait preuve d’intelligence, prenant le risque de laisser van Aert mener la poursuite du tandem Pogacar-Ganna, avant de les contrer au risque d’être repris par ces trois excellents rouleurs dans la descente ou sur la Via Aurelia.
"Je n’ai pas effectué la descente à la limite, mais à 80 %, car je ne voulais pas tout perdre."
Avec des succès dans deux des cinq monuments, Mathieu van der Poel prend également date pour réaliser le grand chelem un jour. Ce que seuls Rik Van Looy, Eddy Merckx et Roger de Vlaeminck ont réussi jusqu’ici. Paris-Roubaix semble le prochain monument sur la liste du coureur de Kapellen. Mais van der Poel peut aussi s’imposer à Liège-Bastogne-Liège, où il s’est déjà classé 6e en 2020, et même au Tour des Lombardie, où il fut 10e la même année, selon les circonstances et s’il s’y prépare spécialement.
Ce week-end, Mathieu van der Poel disputait le 12e monument de sa carrière, tous terminés avec, comme moins bon résultat une 13e place à… Milan-Sanremo 2020. Dans ces plus grandes, il a conquis onze top-10, parmi lesquels ces trois succès précités. Il compte aussi une 2e place (Ronde 2021), deux 3es (Sanremo 2022 et Roubaix 2021), une 4e (Ronde 2019), une 5e (Sanremo 2021), une 6e (Liège 2020), une 9e (Roubaix 2022) et une 10e (Lombardie 2020).
Une exceptionnelle série, à notre époque, que seuls van Aert et Pogacar approchent, mais approchent seulement même si le Slovène compte également trois monuments à son crédit pour un seul au Belge.
