Remco Evenepoel tout près du week-end parfait à la Vuelta : “Je peux être fier de moi”
S’il ne pense plus au classement général, le champion de Belgique a profité du week-end pour gagner une étape et reprendre onze minutes aux favoris.
- Publié le 10-09-2023 à 20h04
- Mis à jour le 10-09-2023 à 20h05
Cela restera un souvenir bien moche et bien amer, de ceux qu’il ne parviendra sans doute jamais à ranger dans le placard aux oubliettes. Ces 27 minutes concédées vendredi ont changé la face de la Vuelta et ont dévoilé une nouvelle facette de Remco Evenepoel. “C’est le début d’une nouvelle réalité pour lui, a écrit Patrick Lefevere, son mentor, dans la colonne qu’il tient dans Het Nieuwsblad. Et cette situation ne s’est jamais présentée à lui.”
Ce que le boss du Wolfpack veut dire c’est qu’en étant hors-jeu pour le classement général depuis son jour sans, Remco Evenepoel a, pour la première fois de sa carrière, moins de pression sur les épaules. Il est un peu plus libre de ses mouvements. Et dès le moment où il a séché ses larmes et évacué les doutes qui lui ont pourri la nuit de vendredi à samedi, il est reparti de l’avant. “C’est grâce à Oumi. Elle m’a demandé de continuer pour elle”, confia-t-il, visiblement très touché par le drame qui frappe le Maroc.
Pendant ce temps, le staff qui l’entoure a essayé de trouver une explication à l’impensable. “Nous avions fait tout ce qu’il fallait, que ce soit la nutrition ou la récupération. Mais sa saison a été difficile et très longue. Il a commencé tôt (NdlR : fin janvier à San Juan), a gagné Liège-Bastogne-Liège en avril, a dû quitter le Giro en mai à cause du Covid. Il a, donc, fallu établir un nouveau programme pour qu’il soit compétitif à la Vuelta, tout en maintenant entre les deux tours, ses objectifs initiaux : la Clasica San Sebastian et le chrono des championnats du monde”, tente Klaas Lodewyck, son directeur sportif.
L’hypothèse du simple jour sans tient parfaitement la route, même si voir un favori perdre autant de temps n’est pas courant. “Au pied du col du Tourmalet, il ne comptait que huit minutes de retard sur le groupe du maillot rouge. Il en a pris 19 de plus dans la vue au cours de la dernière ascension, a calculé Jean-Louis Feys, un supporter belge venu assister aux deux étapes pyrénéennes. Quand il est passé devant nous, il parlait avec ses équipiers. Il donnait l’impression d’avoir laissé filer. C’est compréhensible.”
"Avec une solide préparation sans accroc, je sais que je peux être compétitif sur le Tour, le Giro ou la Vuelta."
Aller au bout de cette Vuelta le servira, en tout cas, mentalement et physiquement dans l’optique de la Grande Boucle. N’oublions pas qu’il n’a, jusqu’à présent, fini qu’un seul tour de trois semaines. Il pourra également se servir de cette défaillance pour revenir plus fort l’été prochain lorsqu’il découvrira le Tour de France, où il est persuadé – et pas que lui – qu’il pourra tenir un rôle en vue aux côtés de Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard. “Cette année, avec les Mondiaux juste avant la Vuelta, on se doutait que j’aurais une journée difficile, assure-t-il. Mais avec une solide préparation sans accroc tout en étant concentré à 100 % sur un objectif, je sais que je peux être compétitif sur le Tour, le Giro ou la Vuelta.”
Même si les doutes à son sujet ne seront pas levés tant qu’on ne l’aura pas vu en action lors de la grande échéance de juillet, il a d’ores et déjà confirmé qu’il est un champion hors-norme guidé par un orgueil exceptionnel. Un trait de caractère qu’il a en commun – désolé pour la comparaison – avec Eddy Merckx. “Connaissant Remco, il va tourner le bouton et transformer cette défaillance de vendredi en quelque chose de beau”, avait lancé Lodewyck.
"Je savais que Remco voulait gagner l'étape 'à la Merckx'."
Il ne croyait pas si bien dire. Puisque Remco Evenepoel est parti à l’attaque dès le début de l’étape de samedi. Et il s’est imposé au sommet du Puerto de Belagua avec 1:12 d’avance sur Romain Bardet, qu’il a lâché à quatre bornes de l’arrivée, et plus de huit minutes sur le groupe du maillot rouge. “C’est simplement qui je suis, ce que je suis”, dit-il avec philosophie, avant que le Français ajoute : “Je connais Remco et je savais qu’il ne voulait pas seulement gagner l’étape, mais surtout la remporter à la Merckx”.
Cela rappelle, en effet, le comportement du Cannibale au Tour 1971. Victime d’une panne d’essence dans l’ascension vers Orcières-Merlette, il avait attaqué dès le départ de l’étape suivante (après une journée de repos) et repris plus de 2 minutes à Luis Ocaña avant de gagner l’épreuve.
Remco Evenepoel ne remportera pas cette Vuelta mais il veut en animer la dernière semaine en essayant de s’adjuger d’autres étapes. “En deux jours, il a procuré beaucoup plus d’émotions à tout le monde que s’il avait terminé deux fois 5e”, pense Jean-Louis Feys, spectateur présent aussi à l’arrivée à Larra-Belagua.
Samedi, il a signé sa 49e victoire professionnelle. Porter le chiffre à 50 d’ici Madrid constitue une belle source de motivation – “Ce serait beau, en effet” -, comme rejoindre la capitale espagnole avec le maillot à pois sur le dos, sa sixième tunique différente depuis le départ de Barcelone, après celle de son équipe, les maillots blanc et rouge, ceux de champion du monde et de Belgique. “Comme ça, je serai sur le podium à Madrid et ma Vuelta sera sauvée.”
Une 50e victoire et le maillot à pois
Au vu de ce qu’il a montré à nouveau ce dimanche, c’est en bonne voie. Il est tout simplement reparti à l’attaque dès qu’il en a eu l’occasion. “Le plus important pour moi était de prendre des points pour consolider mon avantage au classement du meilleur grimpeur, dit-il, sous le regard fier de ses parents. Dans la dernière bosse (de 3e catégorie), je n’avais plus assez de punch pour rester avec les trois premiers.”
Du coup, celui qui fut élu combatif du jour a terminé 4e d’une étape remportée par Rui Costa. Mais il a surtout devancé le peloton des favoris de 2:50. Résultat : il a repris en deux jours 11 des 27 minutes perdues vendredi et se retrouve dans le top 15. “Je peux être fier de moi, mais je ne pense plus au classement général, croit-il bon de préciser. Maintenant, je veux garder le maillot à pois jusqu’au bout.” Pour ce faire, il entend prendre des points lors des 17e et 18e étapes et essayer d’en gagner “au moins une de plus”.
”Mais dans l’immédiat, j’ai envie de profiter de la journée de repos et de lever le pied mardi.” Tout ça avant une dernière ligne droite qu’il peut rendre très spectaculaire.