Ce que Remco Evenepoel doit encore améliorer pour briller au Tour de France
Meilleur grimpeur et super combatif, Remco Evenepoel tirera, avec son staff, les leçons de cette Vuelta terminée avec 3 victoires et une 12e place finale.
- Publié le 18-09-2023 à 11h28
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Ce dimanche soir, quand il a paradé dans les rues trempées de Madrid, ce n’était cette fois pas avec le maillot rouge. Mais Remco Evenepoel n’est quand même pas passé inaperçu lors de cette Vuelta. Vainqueur de trois étapes et deuxième à autant de reprises, il a été élu super combatif en plus de meilleur grimpeur. Il est, donc, monté à deux reprises sur le podium final.
Samedi, il a frôlé une 4e victoire
À Guadarrama, Remco Evenepoel a bien failli coiffer une quatrième victoire et égaler, ainsi, la performance réussie par Primoz Roglic en 2021. Dans un sprint à quatre, avec l’excellent Lennert Van Eetvelt (4e), il n’a été surpris que par Wout Poels. “J’avais vu sur Veloviewer que l’arrivée était en pente légèrement ascendante, dit-il, réconforté par sa femme Oumi. Mais c’était l’inverse. Du coup, Wout a pu maintenir une vitesse très élevée. Il a bien joué le coup tactiquement en sortant très tôt de ma roue et j’ai réagi deux à trois secondes trop tard. Finir deuxième de cette façon n’est vraiment pas une honte.”
"J'ai eu une préparation beaucoup trop agitée. L'an dernier, ça avait été nettement plus calme et limpide."
Jusqu’au bout, le champion de Belgique aura, donc, été l’un des acteurs majeurs de cette Vuelta, même s’il en espérait plus. “J’ai fait la course et je me suis montré très souvent à mon avantage, poursuit-il tout en ayant un goût de trop peu dans la bouche. J’ai eu une préparation beaucoup trop agitée. Entre les voyages, les stages, les courses, je n’ai presque jamais pu me reposer. L’an dernier, ça avait été nettement plus calme et limpide.”
Le chef de file de Soudal Quick-Step aura aussi appris au contact des Jumbo-Visma. “Ils ont eu une préparation méticuleuse. Rien n’a été laissé au hasard, assure-t-il. Ils n’ont presque pas fait de course avant… Bref, ils ne sont pas éparpillés. Nous devons en tirer des leçons.”
La défaillance du Tourmalet : autant mentale que physique
Même si le staff technique de Soudal Quick-Step analysera cela à tête reposée, une fois que la saison sera terminée, certains avancent déjà quelques éléments de réponse qui donnent de l’épaisseur à une défaillance autant mentale que physique.
"Le fameux jour du Tourmalet, l'élastique a fini par lâcher."
Patrick Lefevere estime que le champion de Belgique, bourreau de travail, a trop tiré sur la corde. “Il s’entraîne et travaille dur depuis le Mondial de l’année dernière, assure le patron du Wolfpack. Dès cet hiver, il a effectué un nombre inimaginable d’efforts pour être au sommet de sa forme en mai lors du Tour d’Italie. Lui ne voyait pas ça comme des sacrifices mais c’en était. Puis, il a dû quitter le Giro à cause du Covid. Et à peine était-il sur pied qu’il a repris l’entraînement pour essayer de gagner au Tour de Suisse. Parce qu’il veut toujours être le meilleur. Il a enchaîné avec le championnat de Belgique, qu’il a remporté. Puis, il est reparti en stage, afin d’être compétitif à la Clasica San Sebastian et aux championnats du monde. Tout ça lui a réussi. Et pour se donner une chance de viser la victoire à la Vuelta, il a fait un énième stage en altitude. C’est un investissement énorme. Or, on l’oublie parfois, mais Remco n’est qu’un être humain. Le fameux jour du Tourmalet, l’élastique a fini par lâcher. En fait, c’était prévisible. ”
Pour Klaas Lodewyck, le vainqueur de la Vuelta 2022 a peut-être aussi fait un blocage mental. “À un moment donné, Remco a compris que personne ne pouvait rivaliser collectivement avec les Jumbo-Visma et que, donc, le scénario serait différent de celui de 2022, pense son directeur sportif. En voyant qu’une autre équipe que la sienne dominait les débats, il a pu se poser des questions qui ont débouché sur une sorte de blocage mental. Cela pourrait expliquer avec quelle facilité il a retrouvé ses jambes dès le lendemain.”
Capacité à tourner le bouton
Même si le compétiteur qu’il est a mal vécu cette désillusion, la capacité avec laquelle il s’est fixé d’autres objectifs est aussi impressionnante que rare. “Ça, c’est tout Remco. Il parvient à se servir d’une expérience négative pour en faire quelque chose de positif”, explique son équipier Pieter Serry.
Gagner le plus d’étapes possible et monter sur le podium à Madrid avec le maillot à pois sur le dos et le statut de super combatif ont montré qu’il a été l’un des acteurs majeurs de cette Vuelta.
Jeudi à la Cruz de Linares, il a fait un pas de plus dans l’histoire de son sport en remportant la 50e victoire de sa carrière. À son âge, seuls Giuseppe Saronni (78), Peter Sagan (58), Eddy Merckx (53) et Freddy Maertens (50) avaient fait mieux ou aussi bien. Il a donc raison d’affirmer qu’il a réussi son Tour d’Espagne.
Pas à San Juan ni au Tour Down Under
Même s’il n’y a pas pris part dans un but d’apprentissage, Remco Evenepoel pourra se servir de cette expérience pour être en mesure de jouer un rôle en vue au Tour de France, qu’il découvrira l’an prochain. “Je reste persuadé que je suis un coureur capable de monter sur le podium des grands tours”, a-t-il asséné à plusieurs reprises au cours des trois semaines de course. Dans la tête du champion du monde du chrono, la préparation à la Grande Boucle 2024 a déjà commencé. “J’ai aussi mon idée sur la question, glisse Lodewyck. Mais on va d’abord laisser Remco se reposer, retrouver toute la fraîcheur mentale et nous dire quand il se sent prêt à se remettre au travail.”
"Dans l’optique du Tour de France, nous devrons sans doute un peu le freiner."
Patrick Lefevere se montre encore plus prudent concernant le futur de son protégé. “Remco a son caractère. C’est une bête de travail et il en veut toujours plus, dit celui qui a eu une bonne conversation avec le papa du Brabançon pour aplanir leurs différends. Dans l’optique du Tour de France, nous devrons sans doute un peu le freiner. Cette année, il aurait peut-être fallu en faire un peu moins. S’il veut faire la Grande Boucle l’été prochain, nous devrons limiter ses autres objectifs. Pour moi, il pourrait arrêter sa saison maintenant, mais il aime tellement courir… En outre, il nous reste beaucoup de temps avant qu’il entame vraiment sa préparation pour l’année prochaine.”
Le manager flandrien ne semble pas se faire de mouron quant aux coureurs qui épauleront Evenepoel en juillet. “Ce n’est pas parce qu’il a connu un jour sans lors de l’étape du Tourmalet que l’on va changer nos plans, précise-t-il. Landa a montré durant cette Vuelta que l’on n’a pas acheté un chat dans un sac. Et regardez tout le boulot que Cattaneo a effectué durant trois semaines. Honnêtement, je pense que nous aurons dix candidats crédibles pour accompagner Remco sur les routes du Tour.”
Une chose semble acquise : Evenepoel commencera la saison plus tard que d’habitude et son staff veut lui éviter des trop longs déplacements inutiles. Il ne devrait participer ni au Tour de San Juan, en Argentine, ni au Tour Down Under, en Australie, mais entamer son exercice 2024 plus tard en Europe.
Dernier objectif de l’année : le Tour de Lombardie
Il lui reste, néanmoins, un objectif en 2023 : le Tour de Lombardie, auquel il prendra part le 7 octobre. On sait que la classique des feuilles mortes lui tient à cœur et qu’il veut s’y illustrer. Pour arriver en forme en Italie, il se contentera d’entretenir sa forme à Schepdaal après quelques jours de repos bien mérités. Mais il ne fera aucune autre course italienne avant ce monument qu’il rêve de gagner. Il ne participera pas, non plus, aux critériums de Saitama et de Shanghai qui étaient prêts à lui faire un pont d’or. En revanche, il devrait bel et bien achever son année au chrono des nations, le 15 octobre aux Herbiers.
Viendront alors les habituels galas et autres sollicitations de fin d’année avant des vacances bien méritées. “Je ne dis pas qu’il devra recommencer de zéro mais il faut qu’il puisse entamer sa préparation pour l’année prochaine dans un état de fraîcheur extrême”, conclut Klaas Lodewyck.
2024, c’est déjà demain.