"Que ça doit être frustrant pour lui": Lukaku n'est pas mis dans les bonnes dispositions par Tuchel, la preuve en chiffres
Le Lukaku de Chelsea n'a plus rien à voir avec celui de l'Inter Milan. Au delà de son simple rendement, toutes les statistiques le prouvent. Analyse.
- Publié le 19-01-2022 à 13h48
- Mis à jour le 19-01-2022 à 13h50
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Ce mardi, contre Brighton, Romelu Lukaku a fêté sa 10e titularisation en Premier League depuis son retour à Chelsea. Avec, pour résultat, un nul décevant et une note personnelle de 5/10 dans la plupart des médias britanniques. En bernes depuis son retour à Londres, ses statistiques semblent confirmer que le Diable n'est pas (encore ?) épanoui chez les Blues. Mais poussons l'analyse un peu plus loin en comparant le Lukaku de l'Inter et celui de Chelsea.
Les statistiques ci-dessous, fournies par Wyscout, concernent uniquement les matches de Premier League 2021-2022 (10 titularisations et 5 montées au jeu) et de la Serie A 2020-2021 (32 titularisations, 4 montées au jeu). Elles mettent en lumière les rôles très différents du Lukaku qui semble frustré sous Tuchel et de celui qui prenait son pied sous Conte.
Deux fois moins dangereux avec Chelsea
Big Rom est beaucoup moins dangereux à Chelsea qu'il ne l'était à l'Inter. Le Diable en est actuellement à 0,34 "expected goal" par 90 minutes avec les Blues, alors qu'il en totalisait 0,68 (deux fois plus) avec les Nerazzurri. Cela se traduit de façon proportionnelle dans les chiffres puisqu'il marque toutes les 220 minutes avec Chelsea alors qu'il inscrivait un but toutes les 128 minutes avec l'Inter. Si l'on ajoute les assists au calcul, Lukaku est décisif toutes les 183 minutes outre-Manche alors qu'il l'était toutes les 93 minutes avec les Lombards.
Sous Tuchel, le Diable ne touche que 3,76 ballons dans la surface adverse en 90 minutes, alors qu'il en recevait 5,69 sous Conte. Une autre statistique qui explique sa baisse de régime.
Beaucoup plus "joueur" à l'Inter
Paradoxalement, Lukaku évoluait pourtant plus loin du but à l'Inter. Il décrochait beaucoup plus pour participer aux remontées de balle et aux contres supersoniques comme il les aime. Ses longues chevauchées balle au pied ont été légèrement réduites (1,72 par match avec Chelsea contre 1,85 avec l'Inter) et son nombre de passes a considérablement chuté: 14,6 par match, contre 21 en Italie.
Mais la statistique la plus parlante est sans doute celle qui concerne ses dribbles. Il en tente un toutes les 60 minutes (pour 50% de réussite) avec Chelsea alors qu'il en était à un toutes les 19 minutes à l'Inter (55% de réussite). Evoluer aux côtés de Lautaro Martinez en attaque lui permettait également d'adresser plus de centres lorsqu'il n'était pas lui-même dans la surface : un centre toutes les 106 minutes (34% de réussite dans l'exercice), alors qu'il n'en tente que toutes les 220 minutes à Chelsea (20% de réussite).
Et si Tuchel lui reprochait après le match contre Manchester City d'avoir eu trop de déchet dans son jeu, ses pourcentages d'actions (46% à Chelsea comme à l'Inter) et de passes (77% à Chelsea contre 75% à l'Inter) réussies sont on ne peut plus stables.
Plus "pivot" à Chelsea
Dans son rôle d'unique attaquant de pointe à Chelsea, l'ex-Anderlechtois évolue beaucoup plus haut, et généralement dos au but. Cela se traduit par un duel aérien disputé toutes les 16 minutes à Chelsea, alors qu'il n'en jouait qu'un toutes les 28 minutes à l'Inter. Autre preuve que Lukaku est beaucoup moins libre sur le terrain: 71% des ballons qu'il récupère avec Chelsea le sont dans la moitié de terrain adverse, contre 58% à l'Inter où il redescendait beaucoup plus en perte de balle.
Ces deux statistiques sont appuyées par ses "heatmaps", qui montrent que sa zone d'activité s'est nettement réduite depuis son transfert:

Le système n'est pas la seule explication
A l'Inter, Conte faisait jouer son équipe en 3-5-2 avec deux attaquants de pointe : Lukaku et Martinez.La plupart du temps, Chelsea évolue dans un 3-4-2-1 qui laisse le Belge seul aux avant-postes. Cet isolement du reste de l'équipe est-il l'explication toute trouvée aux problèmes de Romelu ? Le raccourci semble un peu facile. D'autant plus que ce système de jeu est plus proche de celui de Roberto Martinez en équipe nationale.
"Ce n'est pas la tactique qui compte mais plutôt l'animation." On a tous déjà entendu cette phrase dans la bouche d'un entraîneur et les statistiques actuelles de l'attaquant en sont la meilleure illustration.
Avec 0,7 "expected goal" toutes les 90 minutes et un but par match en moyenne en 2021, le Lukaku de l'équipe nationale est d'ailleurs plus menaçant que n'importe quel autre. On pourra toujours discuter du niveau des adversaires (même s'il y a eu le Danemark, l'Italie, le Portugal ou la France en dix rencontres) mais cela fait plusieurs années que Roberto Martinez montre qu'il sait mettre son attaquant dans les meilleures dispositions.
Comme à l'Inter, Big Rom' a tenté un dribble toutes les 19 minutes avec les Diables en 2021. Et il dispute nettement moins de duels aériens (un toutes les 40 minutes) qu'en club.Il tente 17 passes par match (dont un centre toutes les... 307 minutes), un chiffre plus proche de son rendement à Chelsea que de celui de l'Inter. Sur les heatmaps ci-dessus, on voit que sa zone d'activité n'est pas aussi étendue qu'à Milan mais il obtient tout de même plus de libertés qu'en Premier League.
Si le Diable a énormément progressé dans son jeu dos au but ces dernières années, il a besoin de plus que d'un simple rôle de pivot pour s'épanouir et gagner en efficacité. Reste à savoir si Tuchel finira par adapter son animation aux qualités du Belge ou s'il mourra avec des idées qui lui ont permis de remettre les Blues sur le toit de l'Europe la saison dernière.
En attendant, nos confrères britanniques du Evening Standard résument parfaitement le mal-être actuel de Romelu après le match de ce mardi face à Brighton: "Que ça doit être frustrant pour lui d'être si peu servi."