Un joueur français élu meilleur joueur de cette Coupe du monde 2022 ? “Ce qu’il réalise est exceptionnel"
Le numéro 7 de l’équipe de France marque la Coupe du monde 2022 de son empreinte. Au point d’être couronné meilleur joueur du tournoi ?
Publié le 16-12-2022 à 07h12 - Mis à jour le 16-12-2022 à 11h24
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Waouw. Difficile d’utiliser un autre mot pour qualifier la prestation d’Antoine Griezmann face au Maroc. Impliqué sur le premier but des Bleus, il a toujours été dans le bon tempo durant 90 minutes. Et défensivement, il a récupéré de nombreux ballons à des moments chauds. C’est bien simple : il était partout. Sa “heat map” en est la parfaite illustration.
Les chiffres en attestent aussi. Lors de la demi-finale, Griezmann a parcouru 11,16 kilomètres, dont 45 sprints, avec une pointe à 30,7 km/h. Il a également réussi 21 passes sur 25 (84 %), il a donné quatre passes clés, il a été impliqué sur 59 phases de pressing, il a réussi quatre tacles, il a gagné six duels au sol, il a dégagé trois ballons, il a bloqué un tir et il a réalisé deux interceptions. Des statistiques folles.
”Depuis le début du Mondial, Griezmann est le Bernardo Silva français”, estime notre consultant Alex Teklak. “Il a une capacité hors norme à reconnaître les espaces libres et à s’y engouffrer. Sa lecture du jeu est impeccable. Il n’y a pas beaucoup de joueurs qui savent faire ça. Il a aussi la capacité de demander le ballon très bas et il est présent à la récupération. Dans le système de Deschamps, il est le joueur de liaison par excellence. C’est un joueur multifacettes.”
"Pour les spécialistes, Griezmann est le MVP du Mondial."
Depuis le début de la Coupe du monde, y a-t-il un joueur qui a été plus impressionnant ? “Non”, rétorque notre consultant, qui verrait bien le Français être sacré meilleur joueur du tournoi à l’issue de la finale, dimanche soir. “En le récompensant, on récompenserait le football. Mais le titre de meilleur joueur est également lié à l’émotion et, peu importe le résultat de la finale, personne ne trouverait scandaleux que Messi le reçoive, car il s’agirait de récompenser un mythe pour la dernière Coupe du monde de sa carrière. Cependant, pour les spécialistes, le MVP (most valuable player), c’est Griezmann. Ce qu’il réalise est exceptionnel.”
Une énorme préparation en amont
C’est d’autant plus exceptionnel que depuis la Coupe du monde 2018, où il a déjà joué un rôle majeur, Antoine Griezmann avait vu sa carrière un peu s’enliser. Entre son passage raté au FC Barcelone et un retour en demi-teinte à l’Atlético, la route n’a pas été facile. “Beaucoup l’avaient même enterré”, indique Alex Teklak.
Il était presque raillé, l’été dernier, lorsqu’il ne pouvait jouer que 30 minutes par match suite à un imbroglio juridique avec le FC Barcelone (sa clause de prêt limitait son temps de jeu). “Mais durant cette demi-heure, il était souvent bon”, reprend notre consultant. “Il marquait, il donnait des assists. Il n’a pas fait que des bons matchs mais certaines de ses prestations étaient sous-cotées. Il a été un peu victime des soucis collectifs de l’Atlético.”
"Je prépare ce Mondial depuis le mois de juin."
Cette situation compliquée n’a pas empêché le Français de penser qu’il pourrait être à son meilleur niveau durant le premier Mondial hivernal de l’histoire. “Je me suis bien préparé physiquement. Depuis le mois de juin, durant mes vacances, je travaille pour être prêt au bon moment”, précisait-il mercredi soir au micro de TF1. “Je suis content que le travail paie car c’est l’équipe qui en profite. Je suis à son service, tant offensivement que défensivement.”
Un nouveau rôle qui lui va bien
Si Griezmann est si impressionnant, c’est parce que Didier Deschamps est parvenu à le positionner dans un rôle qui semble magnifier ses qualités : celui d’un numéro 8 assez libre. Offensivement, “Grizou” est d’une justesse inouïe. Tous ses appels sont bons et il a déjà offert trois passes décisives depuis le début du Mondial, dont deux contre l’Angleterre en quarts de finale (pour Tchouaméni et Giroud). Meilleur passeur du tournoi avec trois passes décisives – comme Messi –, le joueur de l’Atlético a battu, face au Three Lions, le record de passes décisives en équipe de France : 28. Pour l’occasion, celui qui a également marqué 42 buts a reçu un maillot floqué de ce numéro dans le dos. “Merci à tous les buteurs, sans vous, il n’y aurait pas de passes décisives”, s’est marré le numéro 7 des Bleus lorsque Noël Le Graet lui a remis sa tunique souvenir.
Plus passeur que buteur, cela résume bien le nouveau Griezmann. Celui qui avait terminé la Coupe du monde 2018 avec quatre buts et quatre passes décisives est désormais moins présent dans le rectangle adverse. Mais plus précieux. “Je ne suis pas un joueur qui va tirer 50 fois par match. J’essaie surtout de trouver la meilleure solution parce que l’équipe a besoin de moi dans le cœur du jeu, pour faire le lien entre les défenseurs et les attaquants. Je ne vais pas me casser la tête. Je veux plutôt trouver mes attaquants, les mettre dans de bonnes situations, et aider ma défense quand on n’a pas le ballon”, expliquait-il avant la rencontre face à la Pologne.
"Le rôle d'Antoine a un peu changé mais il a toujours les mêmes qualités."
Et c’est justement face aux Polonais que le Français a eu le déclic. “En première mi-temps, il s’était positionné un peu haut mais à la pause, Deschamps lui a demandé de reculer et il a été très, très fort. Il s’est rendu compte qu’il était plus utile à l’équipe en jouant un peu plus bas. Pour lui, c’était nouveau. Mais il s’est tout de suite montré à l’aise”, souligne Teklak.
C’est surtout dans la composante défensive de sa position que des doutes pouvaient être permis. Il les a rapidement balayés. “À ce poste, il faut savoir jouer simple et juste mais aussi savoir défendre quand il le faut. Cela dépend ce dont l’équipe a besoin”, expliquait-il après la victoire face au Maroc.
Sans négliger sa participation offensive. “Si le rôle d’Antoine a un peu changé durant cette Coupe du monde, il a toujours les mêmes qualités”, ajoutait Varane, séduit. “Il peut couvrir beaucoup de terrain, il met toujours beaucoup de cœur, il a toujours sa justesse technique et il continue de donner le tempo des matchs par ses passes, ses déviations. Il permet d’accélérer un match ou, au contraire, de temporiser.”

La gestion des temps forts et des temps faibles, il en fait son affaire. “Il a les qualités pour jouer dans une équipe qui n’a pas le ballon”, assure Teklak. “Ses statistiques face au Maroc, ce sont des stats de numéro six.”
Notre consultant n’est pas le seul à l’avoir constaté. Après la demi-finale de mercredi, Pogba l’a surnommé “Griezmannkanté”, en référence à la sentinelle des Bleus en 2018. Un bel hommage.
Un statut de patron qu’il assume
De Pogba à Griezmann, la transition est facile. Le joueur de l’Atlético a repris le flambeau de patron de celui de la Juventus, blessé au genou et forfait pour la Coupe du monde. Sur le terrain comme en dehors, il est le boss. Au vu de son âge (31 ans) et de son expérience (116 sélections), ce n’est pas illogique. “C’est un leadership contenu car il n’est pas un gueulard”, précise Teklak. “Mais il a une vraie légitimité à reprendre ce rôle. C’est également lié à la qualité de ses prestations. Il suffit de le voir faire la petite faute intelligente pour empêcher la contre-attaque adverse pour comprendre qu’il a pris ses responsabilités. Ce sont des choses qu’on ne voyait pas chez lui, avant.”
Ce qu’on ne voyait pas non plus, c’est cet échange permanent avec Deschamps sur la tactique. Face au Maroc, Griezmann a vu qu’il y avait un souci sur le flanc gauche et en a directement discuté avec son sélectionneur. Il s’est presque mué en adjoint pour accélérer la sortie d’Olivier Giroud et la montée de Marcus Thuram, côté gauche, à la 65e minute. “On a eu beaucoup de mal sur ce côté gauche et le coach a fait un changement judicieux. À partir de là, on a mieux géré leurs attaques”, résumait le numéro 7 français au micro de TF1 après le match. “Je ne sais pas s’il oserait faire la même chose avec Diego Simeone mais c’est un signe de légitimité, de confiance et de respect”, indique Teklak.
"En 2018, je pleurais après la Belgique. Là, je suis plus concentré"
Sa qualité de leader, Griezmann l’a également démontée en après-match, lorsqu’il est apparu très calme et posé devant les journalistes. “En 2018, je pleurais après la victoire face à la Belgique. Là, je suis plus concentré et j’ai davantage les pieds sur terre pour préparer le match de dimanche. Ce qu’on est en train de faire est assez exceptionnel mais le Maroc nous a fait souffrir. C’est bien de voir qu’il n’y a rien de simple, et maintenant, il reste le plus beau match du monde à jouer.”
Un match qu’il aurait pu ne jamais disputer, lui qui a envisagé de quitter la sélection à plusieurs reprises, comme l’a révélé L’Équipe. Ce fut le cas au printemps 2019, juste avant son transfert au Barça, puis en 2021, après l’Euro loupé des Bleus (élimination en huitièmes de finale face à la Suisse). Mais sa réflexion n’a jamais abouti. Aujourd’hui, c’est tout un pays qui s’en réjouit.
