Étudiant brillant, un "super tsar": qui est Domenico Tedesco, le futur sélectionneur des Diables rouges ?
Le parcours du successeur de Roberto Martinez vaut le détour. Entre ascension fulgurante et claques retentissantes. Avec même un air de Bonnie Tyler.
Publié le 01-02-2023 à 08h09 - Mis à jour le 01-02-2023 à 09h03
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À son âge, la carrière de ses prédécesseurs n’en était qu’à ses balbutiements. Domenico Tedesco, 37 ans, s’apprête à devenir le nouveau sélectionneur des Diables. Le plus jeune de toute l’histoire. Ce qui n’empêche pas ce parfait polyglotte qui maîtrise l’allemand, l’italien, l’anglais, le français, l’espagnol et le russe d’avoir déjà eu plusieurs vies avant d’en embrasser une nouvelle. Embarquement pour un voyage entre l’Italie et l’Allemagne. Avec une escale en Russie.
Le prédestiné acharné
D’une certaine manière, son histoire était déjà écrite. Puisque Tedesco signifie en italien l’Allemand, voir la famille du technicien quitter sa Calabre natale et Rossano quand le petit Domenico n’avait que deux ans pour la région de Stuttgart n’avait rien de surprenant. À l’époque, en 1987, Tedesco père décroche un emploi dans l’imprimerie d’un journal local. La maman, elle, fait des ménages dans un club de tennis et dans des bureaux. Et chez les Tedesco, le plus doué balle au pied est Umberto, cinq ans plus jeune que son aîné, qui n’a pas percé mais qui a été sélectionné chez les U18 allemands dans la génération de Bernd Leno, Jonas Hofman, et Kevin Volland.
Le principal fait d’armes du grand frère sur les terrains ? Quelque part entre humour et lucidité, Tedesco a évoqué dans le Süddeutsche Zeitung un splendide retourné à l’entraînement contre son camp, lui qui n’est jamais allé plus haut que lors d’un essai non concluant pour les Kickers de Stuttgart, à l’époque en D3.

Mais habiter à seulement 500 mètres de la Mercedes Benz Arena a naturellement influé sur son destin en l’attirant dès 2008 dans le giron du grand Vfb Stuttgart. Encore fallait-il le forcer ce destin. Lui qui s’occupe à l’époque des U9 d’Aichwald, son premier et dernier club de joueur, sollicite Thomas Albeck pour lui demander l’autorisation d’assister aux séances des U9 du Vfb. Celui qui n’a alors que 23 ans fera mieux qu’observer puisque son discours enthousiasme le coordinateur des jeunes du club qui en fait de lui l’assistant d’un certain Thomas Schneider qui a, lui, épaulé Joachim Löw avec la Mannschaft…
L’étudiant brillant
S’il possède un diplôme en génie industriel et en gestion de l’innovation, Tedesco a d’abord été un élève médiocre pas forcément motivé par la chose, trop occupé à penser au football. De quoi expliquer qu’il se soit imaginé journaliste sportif quand il a effectué un stage au Esslinger Zeitung où travaillait son père en vivant son moment de gloire quand il a interrogé en conférence de presse l’entraîneur des Kickers de Stuttgart. Lui en a gardé depuis une certaine aisance dans l’exercice médiatique. Mais Tedesco est devenu un étudiant brillant, trouvant sa voie dans l’apprentissage comme de nombreux Allemands. Ce qui l’a amené a piloté un projet de développement sur le confort du passage pour l’un des sous-traitants de Mercedes. Jusqu’à 2013, quand concilier ses deux carrières s’est révélé impossible. “J’ai pris alors la décision la plus importante et la plus risquée de ma vie”, a-t-il avoué au Spiegel quand il a justifié son choix de devenir entraîneur à plein temps pour prendre la tête des U17 de Stuttgart.

Rattrapé par les bancs de l’école et animé par ce souci d’être très bien formé, Tedesco manifeste l’envie de passer ses diplômes d’entraîneur à Cologne, au sein de la prestigieuse Hennes-Weisweiler-Akademie qui a façonné des générations de techniciens, comme Hansi Flick avant lui. Lui s’imagine pouvoir mener de front ce cursus tout en s’appuyant sur son adjoint Andreas Hinkel. Sauf que le Vfb n’est pas convaincu par le projet. Et voilà comment Tedesco s’en va alors à Hoffenheim à l’été 2015 pour y retrouver un certain Julian Nagelsmann qu’il remplacera à la tête des U19 à l’été 2016, juste après avoir été major de sa promo devant l’actuel entraîneur du Bayern Munich. Sans pour autant s’en vanter : “avoir eu les meilleures notes ne signifie pas que vous êtes le meilleur entraîneur.”
Le diamant des mines
Mars 2017. Le vénérable et imprononçable Erzgebirge Aue se bat pour ne pas descendre en D3 allemande avec ses misérables 19 points pris en 23 journées. À la recherche d’un coach, le président Helge Leonhardt a déjà fait son choix quand quelqu’un lui glisse à l’oreille le nom de Tedesco. Qui est reçu le lendemain par le dirigeant charmé par la présentation du jeune technicien convaincu de son opération maintien échafaudé en une nuit. De la théorie à la pratique, Aue amasse 20 unités sur 33 possibles pour terminer tranquillement à la quatorzième place du championnat, à trois points du premier relégable. Dans le Spiegel, Leonhardt évoque un “diamant” et prédit qu’il entraînera un jour “la Juventus.” Mais son joyau va quitter le Schalke de l’est pour la version originale, pour une autre terre de mineurs dans la Ruhr où Christian Heidel, l’homme qui a lancé Jürgen Klopp et Thomas Tuchel à Mayence, le voit capable de perpétuer le filon. Ce qui ne sera qu’à moitié le cas.

Le (lap) top qui fait flop
L’arrivée de Tedesco à Schalke est une source de curiosité. Au moins autant à cause de son âge que de son parcours atypique. Pour Heidel, ne pas être issu du sérail est une chance “parce que cela permet aux entraîneurs d’avoir un point de vue différent, une autre façon de traiter avec les gens. Et la chose la plus importante pour un entraîneur, c’est l’intelligence”, a expliqué le dirigeant dans The Independent “quand Domenico est arrivé à Schalke, dès le deuxième jour, les joueurs l’avaient accepté, il a ce charisme que vous n’avez ou pas.”

Mehmet Scholl, lui, n’avait pas hésité à taxer Tedesco de symbole de ce qu’il appelle les “laptopstrainer” en VO ou entraîneur de PC portable pour désigner cette nouvelle génération de techniciens qui pour lui sortent de nulle part. Jamais le principal intéressé n’a cherché à polémiquer, préférant laisser ses résultats parler pour lui. Sa première saison à Schalke a été une franche réussite quand il a transformé une équipe sortant d’une dixième place en un fringant vice-champion derrière l’intouchable Bayern.
Avec en point d’orgue ce 4-4 mythique arrachée sur la pelouse du grand rival Dortmund le 25 novembre 2017 quand, après avoir été mené 4-0 à la pause, il est sorti vainqueur moral de ce duel avec un certain Peter Bosz qui était le plan B de la fédération pour le poste de sélectionneur. “Normalement, quand vous revenez aux vestiaires en étant mené de quatre buts, votre coach débarque et hurle, a narré dans Die Welt Naldo auteur ce jour-là de l’égalisation. Il était très calme, nous a dit d’oublier la première période et que nous devions gagner la deuxième. Qu’importe comment. Il nous a juste dit de mieux jouer.”
Plutôt que de confirmer la saison suivante, Schalke s’est enlisé. La Ligue des champions réussie dans un groupe aux airs de Ligue Europa avec le Lokomotiv Moscou, Galatasaray et le FC Porto a longtemps servi de cache-misère au quotidien du championnat où les Königsblauen étaient quatorzièmes quand ils se sont fait exploser par Manchester City en 8es de finale, ce qui a été fatal à Tedesco.
Sa deuxième expérience en Bundesliga a suivi le même canevas. Quand en décembre 2021, Tedesco a pris la suite de Jesse Marsch à Leipzig, il a redonné des ailes au RB qui, avec lui, a pris 40 points en 20 journées, sur une période où seul le Bayern (43 unités) a fait mieux, en remportant en plus la Coupe d’Allemagne, le premier trophée du club. Mais à la reprise, Leipzig n’a plus décollé, ne prenant que cinq points en cinq journées et une nouvelle énorme claque en Ligue des champions, 1-4 à la maison face au Shakhtar Donetsk, a été fatale au technicien.
Un super tsar
Si son image en Allemagne apparaît brouillée, la cote en Russie de Tedesco est au plus haut. Entre ces deux expériences mitigées en Bundesliga, le coach a vécu une parenthèse dorée sur le banc du Spartak Moscou qui, à son arrivée en octobre 2019, se traînait à une indigne neuvième place, pour finir par lutter pour le titre 18 mois plus tard en terminant deuxième. Six mois après avoir annoncé son départ en raison des restrictions sanitaires liées au Covid qui ont compliqué la vie de ce papa de deux filles, la soirée du 10 mai 2021 a marqué son avènement au pays des tsars. Les 9649 personnes présentes ce soir-là à l’Otkrytie Bank Arena ont longtemps célébré leur technicien ému, parti avec un maillot floqué à son nom, avec en bande-son le tube de Bonnie Taylor “I’m holding out for a hero until the end of the night” ou “J’attends un héros au bout de la nuit.” Tout un programme.