Licenciement de Peter Bossaert : les raisons d’un départ soudain
Le licenciement du CEO de la fédération Peter Bossaert, sur fond de différend financier principalement, de management trop esseulé aussi, est un signal fort envoyé par le conseil d’administration, mené par Paul Van den Bulck, le président.
Publié le 24-03-2023 à 09h50
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Peter Bossaert devait monter dans l’avion, ce jeudi, avec Paul Van den Bulck et quelques autres membres du conseil d’administration de l’Union belge, pour suivre les Diables rouges en Suède, où ils débuteront leur campagne de qualification à l’Euro 2024.
Le désormais ex-CEO de la fédération est resté en Belgique, et son histoire avec l’Union belge s’est terminée dans le fracas, avec un débarquement aussi surprenant sur le timing qu’il était devenu inévitable, sur le fond, au terme d’un conseil d’administration, mercredi soir, qui a validé la fin de la collaboration.
Le CA, réuni en urgence par visioconférence, a été amené à voter pour maintenir, ou non, sa confiance au CEO, qui s’était notamment octroyé un bonus qui a du mal à passer. Après s’être défendu pendant une vingtaine de minutes, Bossaert a laissé la parole à Paul Van den Bulck, le président de la fédération, au tempérament offensif.
Le conseil d’administration, ensuite, a voté la fin de la collaboration avec Peter Bossaert, peu avant 23h.
Que s’est-il passé, comment la situation a-t-elle évolué pour en arriver à ce point de non-retour, et quelle sera la suite ?
Le bonus qui ne passe pas

C’est une histoire qui avait bien débuté, mais le fil s’est distendu au fur et à mesure. Paul Van den Bulck est le président de l’Union belge, depuis un peu moins d’un an. Il a été élu le 21 juin 2022, mais il était déjà dans la place, comme administrateur indépendant, avec Pascale Van Damme, depuis 2021, pour donner une autre image de la fédération, entre indépendance, transparence et diversité.
Van den Bulck, un avocat aux origines congolaises, est décrit comme un “homme” de Peter Bossaert. Mais quand il endosse le costume du président, Bossaert prévient déjà : le président, désormais, a un rôle protocolaire, plus qu’opérationnel. L’opérationnel revient au CEO. C’est partiellement vrai, puisque le CEO doit rendre compte à son conseil d’administration, composé de onze personnes.
Or, des tensions existent entre Bossaert et certains membres du CA, qui estiment que le CEO travaille trop seul, sans consulter. Dans un premier temps, Van den Bulck joue l’intermédiaire, pour rapprocher les positions, mais la ligne devient de plus en plus difficile à tenir, et un élément va tout précipiter.
100 000 €, le maximum possible
Avec la signature de deux membres du conseil d’administration, Robert Huygens et Michael Verschueren, Peter Bossaert s’octroie un avenant à son contrat, lui permettant de toucher 100 000 € de bonus, le maximum prévu, en complément de son salaire annuel, estimé à 500 000 €, indexé.
Huygens et Verschueren pensaient avoir agi de bonne foi, après s’être informés auprès du management de l’Union belge, pour s’assurer qu’ils pouvaient valider le bonus. Paul Van den Bulck, lui, a découvert le document plus tard, et l’a soumis à un cabinet d’avocats indépendant, qui a émis de sérieuses réserves sur la manière dont le bonus a été obtenu.
Bossaert avait un accord avec Bart Verhaeghe et Mehdi Bayat, lui garantissant un bonus s’il respectait trois conditions : réunir six fois par an le conseil d’administration, commander un audit sur la bonne gouvernance de la fédération et remplir des objectifs de revenus commerciaux. Les deux premiers points relèvent toutefois du CA, pas du CEO.
Les départs de Verhaeghe et Bayat ont isolé Bossaert, que certains soupçonnent d’avoir manœuvré pour obtenir ce complément, malgré les départs du président du Club Bruges et du secrétaire général de Charleroi, avec l’accord de Huygens, ancien président de l’Union belge, et Verschueren, qui se plaçait pour obtenir un poste de vice-président.
Paul Van den Bulck, lui, veut faire la lumière sur ce bonus et estime que cet épisode est celui de trop, pour un CEO dont le management a déjà été remis en question en interne. Peter Bossaert est tombé à cause de ce bonus, mais pas seulement.
L’après-Coupe du monde, le début des ennuis

L’élimination de la Belgique au premier tour de la Coupe du monde au Qatar a été un échec sportif. Elle a aussi ramené à la surface quelques tensions ou mauvaises habitudes. Certains s’étonnaient par exemple des dépenses, importantes, pour l’encadrement de l’équipe nationale et son logement, au point qu’une crainte était née pour les finances de la fédération, même si Peter Bossaert assurait que tout allait bien.
Si la qualification pour les huitièmes de finale n’avait pas été budgétisée, elle était souhaitable. En plus de l’élimination, la gestion de l’après-Roberto Martinez, par Peter Bossaert, a eu du mal à passer. Il lui était reproché un manque d’anticipation, tout comme une évaluation défaillante à la sortie de l’Euro 2021.
Le rappel de Verhaeghe, une idée qui ne passe pas bien
Le rappel de Bart Verhaeghe au sein de la task force et ses contacts avec Mehdi Bayat ont été moyennement appréciés par une partie du CA, qui a eu l’impression d’être mis devant le fait accompli, et trop peu consulté, jusqu’à la création d’une task force pour la nomination du nouveau sélectionneur.
Qui va prendre la main ?
Dans l’attente d’un remplaçant à Peter Bossaert, le conseil d’administration de l’Union belge “s’assurera que le bon fonctionnement de l’URBSFA sera assuré”, a commenté la fédération dans un communiqué publié jeudi matin.
Le CA, composé de onze membres, occupés par d’autres activités par ailleurs, s’appuiera sur le management en place, à Tubize, pour assurer le travail quotidien, le temps de trouver, dans les prochains mois, le nouveau CEO.
Un épilogue en justice ou à l’amiable ?
La procédure prévoit de lancer un appel à candidatures, interne et externe, puis de retenir trois candidats, qui seront auditionnés par le conseil d’administration. L’opération est souvent une manière, pour le football professionnel, de prendre un peu plus de pouvoir au sein de la fédération. Cela pourrait être encore le cas dans les prochaines semaines, et il sera intéressant de voir qui seront les candidats.
Licencié pour ce qui est estimé une faute grave, selon certains observateurs du dossier, Peter Bossaert pourrait vouloir régler le litige devant la justice. Ce sera un autre dossier à suivre, alors que la fédération lui aura trouvé un remplaçant d’ici là.
Un licenciement juste avant une nouvelle campagne, un timing qui interroge

Le prochain conseil d’administration de l’Union belge était prévu jeudi prochain, le 30 mars, après les deux matchs de la Belgique, en Suède ce vendredi en qualifications de l’Euro, puis en Allemagne, mardi prochain en amical.
Le CA a finalement été réuni en urgence ce mercredi soir, et le licenciement de Peter Bossaert, officialisé ce jeudi matin. Pourquoi cette précipitation alors que Domenico Tedesco va débuter son nouveau mandat, dans un climat de changement à la tête de la fédération, et avec les questions que cela suppose ?
La transparence à tout prix
Si l’impact sportif sera minime pour les Diables rouges, le sélectionneur pourrait être interrogé sur cette nouvelle actualité, loin du terrain. Peter Bossaert avait été l’interlocuteur de Tedesco, avec Jelle Schelstraete, directeur technique opérationnel, pour mener à terme les discussions afin de valider le contrat.
Paul Van den Bulck a voulu envoyer un message fort, et il ne voulait plus attendre. Il s’agit à la fois de l’image de la fédération et, d’une certaine manière, de la volonté de ramener de la transparence au sein de la fédération, ce qui est le premier travail d’un président qui sort tout d’un coup de l’ombre. Un hasard ?