Remontada, insinuations et larmes d’adieu: en 1999, trois équipes se disputaient aussi le titre à la dernière journée
En 1999, la dernière fois où trois équipes ont joué le titre lors de la dernière journée, le Racing Genk et le Club Bruges ont failli se faire coiffer sur le fil par un Anderlecht déchaîné.
- Publié le 31-05-2023 à 10h42
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Douze jours avant la naissance de Mike Trésor, le Racing Genk a remporté le premier titre de son histoire. Mais ce sacre du 16 mai 1999 aura fait souffrir les cardiaques. Tout comme cette saison, trois clubs pouvaient encore remporter le titre à la dernière journée du championnat.
9 mai 1999 : Radzinski et Ban relancent le championnat
Retour à l’avant-dernière journée de championnat. Tout comme dimanche passé à l’Antwerp, Genk a mis le champagne au frais. En cas de victoire contre Anderlecht, l’équipe d’Aimé Anthuenis peut déjà faire la fête. Mais le Sporting, coaché par son duo magique Dockx-Vercauteren, pète la forme. Une semaine après le 0-6 au Standard, le RSCA balaie Genk du terrain : 2-5.

L’homme du match est – une fois de plus – Tomasz Radzinski, auteur de huit buts en trois rencontres. “Et dire que j’ai envisagé de subir une nouvelle opération à la jambe”, dit le Canadien, qui avait loupé le début de saison à cause d’une fracture encourue à Germinal Ekeren, son club précédent.
200 kilomètres plus loin, à Mouscron, Eric Gerets donne un coup de poing dans le mur du vestiaire visiteur après le 2-0 de l’Excelsior contre son Club Bruges. Les deux buts ont été inscrits par Zoran Ban, qui a déjà signé… à Genk. “C’est fini, on a perdu le titre”, est la conclusion de Gerets, qui n’en revient pas que son équipe n’ait pas profité du faux pas de Genk.
Je suppose que le Club Bruges va proposer des primes à Harelbeke?
Mais à Genk, le stress est énorme. “Je suppose que Bruges va proposer des primes à Harelbeke, notre dernier adversaire ?”, lance Anthuenis, qui a déjà signé à Anderlecht. Tout comme Van Bommel le week-end passé, Anthuenis se fait critiquer pour avoir fait de mauvais changements.
Vu les défaites de Genk et de Bruges, un troisième candidat vient soudainement se mêler dans la course au titre, et c’est Anderlecht. Pourtant, le Sporting vient de loin. Après le 2 sur 15 sous Arie Haan, dont le 6-0 à Westerlo, les Mauves étaient avant-derniers au classement. La remontada sous Dockx et Vercauteren est historique. Anderlecht peut décrocher un test-match comme en 1986 s’il bat Courtrai, que Genk perd à Harelbeke et que Bruges ne gagne pas contre Westerlo.
”Un titre serait le plus grand miracle de l’histoire du football belge, dit Pär Zetterberg. Il est clair que si le championnat avait duré un rien plus longtemps, on aurait remporté le 25e titre de l’histoire du club.” Jean Dockx, lui, ne s’enflamme pas : “Essayons d’abord de battre Courtrai, qui se bat encore pour le maintien. On n’est même pas encore sûrs de notre ticket européen, vu que Mouscron nous suit de près. Le titre, je n’y pense pas.”
10 mai 1999 : Oulare absent au Joueur Pro
Au lendemain de cette avant-dernière journée de folie, la Pro League organise le Gala du Footballeur Pro dans le Casino de Knokke. Le lauréat Souleymane Oulare brille par son absence. Est-ce la preuve de la panique qui règne à Genk ? Anthuenis, élu coach de l’année, dément. “J’ai dit aux gens de notre club qu’ils ne devaient pas démonter les tentes et les comptoirs où on allait faire la fête. Ce n’est que partie remise.” Paul Heylen, manager de Genk à cette époque, ajoute : “Je veux qu’on joue un match à domicile à Harelbeke. J’ai proposé à notre adversaire d’acheter tous les tickets – 10 000 – pour ce match.”
Anderlecht rentre avec deux prix de Knokke. Walter Baseggio est élu meilleur jeune de la saison et Zetterberg reçoit 100 000 francs belges (2 500 euros) en plus de son trophée de joueur le plus fair-play. Bruges rentre les mains vides.
14 mai 1999 : 5 Mauves à la Kirin Cup, 4 adieux
Deux jours avant “Super Sunday”, le coach fédéral Georges Leekens annonce sa sélection pour la Kirin Cup au Japon, où les Diables affronteront le Pérou (1-1), le Japon (0-0) et la Corée du Sud (victoire 2-1). La liste illustre l’état de forme actuel des clubs belges : Anderlecht a cinq représentants (De Wilde, Crasson, De Boeck, Staelens et Goor), Genk en a deux (Delbroek et Hendrikx) et Bruges seulement un (Verheyen). Scifo, pourtant étincelant ces dernières semaines, n’est plus disponible, après son clash avec Leekens à la Coupe du monde 1998.
Je ne jette pas encore l'éponge, mais disons qu'on a 10% de chances d'être champions.
Entre-temps, Eric Gerets change légèrement son discours. “Je ne jette pas encore l’éponge. Disons qu’on a 10 % de chances d’être champions.” Le coach de Bruges confirme aussi que ce sera son dernier match, il part au PSV. “J’ai tout gagné et tout vécu en Belgique.”
Gerets n’est pas le seul à faire ses adieux. Jean Dockx, lui aussi, coachera son dernier match. À sa demande, il devient chef scout d’Anderlecht. Il sera donc remplacé par Anthuenis, qui claque la porte à Genk après quatre saisons inoubliables. Mais c’est à Bruges que le plus de larmes vont couler. Après 15 saisons et 805 matchs au Club, Franky Van der Elst (38 ans) met un terme à sa carrière. Gerets dit à ce sujet : “J’ai déjà les larmes aux yeux en pensant que je devrai remplacer Franky pour lui offrir une standing ovation.”
16 mai 1999 : une demi-heure de suspense
15h08, Bruges – Westerlo 1-0. Ilic met la pression sur Genk. C’est Bruges qui marque en premier contre Westerlo. Auteur du but, Aleksandar Ilic rejoindra Anderlecht en 2000.
15h31, Anderlecht – Courtrai 0-1. Demkine joue un sale tour à Anderlecht. Contre le cours du jeu, le Russe qui est prêté par le Sporting à Courtrai, se retrouve face à face avec Filip De Wilde et n’hésite pas (0-1). Le Stade Vanden Stock, où le match se joue à guichets fermés, n’en croit pas ses yeux.
15h32, Anderlecht – Courtrai 1-1. Après un une-deux avec le Grec Anastasiou, Van Diemen égalise rapidement.
15h33, Harelbeke – Genk 0-1. Oulare libère Genk. Pourtant, paralysés par les nerfs, les Limbourgeois n’en touchaient pas une. Mais sur une passe de son ami Strupar, le Guinéen ouvre le score (0-1).
15h41, Bruges – Westerlo 2-0. Elos Ekakia, qui partira à Anderlecht, double la mise pour Bruges (2-0). Mais le 0-1 de Genk à Harelbeke a refroidi le public, qui préfère entonner des chants pour mettre à l’honneur Franky Van der Elst.
16h06, Anderlecht – Courtrai 2-1. Sur un centre de ce même Anastasiou, Enzo Scifo inscrit le 2-1. Mais le public ne se fait pas d’illusions, vu le score à Harelbeke et à Bruges.
16h26, Bruges – Westerlo 5-2. Bruges reçoit un penalty. Le public scande le nom de Franky Van der Elst. Contre ses principes, il accepte et trompe le gardien Diallo. Il inscrit le 22e et dernier but de sa carrière. “Je n’aurais pas frappé si le marquoir avait indiqué 0-0", avouera Franky par après.
16h27, Harelbeke – Genk 0-2. Gudjonsson met définitivement un terme au suspense en doublant l’écart. Onze ans après la fusion entre Winterslag et Waterschei, Genk est champion.

16h42, Bruges – Westerlo. Comme promis, Gerets offre une standing ovation à son capitaine, qui parvient à maîtriser ses émotions.
16h47. Les trois matchs se soldent par une victoire pour les trois premiers du classement. Genk l’emporte finalement 1-2, Bruges 5-3 et Anderlecht 3-1. Le top 3 reste identique. Courtrai descend en D2.
Anthuenis, Dockx-Vercauteren et Van der Elst portés en triomphe
”Je n’ai même pas encore eu le temps de boire un verre de champagne !” Entouré par des caméras et des micros, Aimé Anthuenis est évidemment le Genkois le plus courtisé après le match. “Et dire qu’on a lancé des insinuations après mes changements effectués contre Anderlecht, se défend le futur coach des Mauves. Comment pourrais-je saboter un titre de champion de Belgique ? Anderlecht, c’est pour le mois prochain.”
Henk Houwaart, l’entraîneur d’Harelbeke, félicite son collègue. “Malgré mon passé au Club Bruges, je suis content que Genk soit champion. Sinon, tes supporters auraient démonté notre stade.”
Dans le trop petit vestiaire du Stade Forestier d’Harelbeke, Oulare annonce qu’il a un accord pour trois ans avec Metz… où il n’ira jamais. Il partira à Fenerbahçe, mais sera out pendant six mois.

À Anderlecht, la troisième place a la saveur d’un titre. La remontada est célébrée comme un sacre : le champagne coule à flots, le public scande le nom de ses idoles. “Si Staelens ne s’était pas injustement fait exclure à Bruges, on serait champions”, estime Scifo. Avec l’aide de Crasson, il prend Vercauteren sur ses épaules pour un tour d’honneur.
Je n'aurais pas pu rêver de plus beaux adieux comme coach.
Mais l’homme le plus acclamé est porté en triomphe par Zetterberg et Radzinski. Il s’agit de Jean Dockx, architecte de la remontada. “C’est un demi-miracle, ce qu’il a réalisé, dit Constant Vanden Stock. Il ne voulait pas reprendre l’équipe quand on a viré Haan. Heureusement, j’ai pu le convaincre. Il était déjà un grand monsieur. Maintenant, il est un très grand monsieur.”
Après avoir reçu des fleurs de Roger Vanden Stock, Dockx s’adresse aux journalistes. ” Je me souviens de mes adieux comme joueur. J’étais monté à la 87e pour… Vercauteren lors de la finale de la Coupe des Vainqueurs de Coupe au Parc des Princes, en 1978 contre l’Austria Vienne (4-0). Ici aussi, après avoir passé dix ans dans le staff, je n’aurais pas pu rêver de plus beaux adieux comme coach.”
Hélas, deux ans et demi plus tard, le brave Jean dira aussi adieu à la vie. Il avait à peine 60 ans…