Deux fois moins d’arbitres pour les équipes féminines de hockey

Lettre ouverte de Mathilde Haine.

Contribution externe
Deux fois moins d’arbitres pour les équipes féminines de hockey
©BELGA

Le dimanche 24 janvier, nous fêtions la journée internationale du sport féminin. Ce jour-là, j‘ai demandé à l’Association Royale Belge de Hockey (ARBH) pourquoi deux fois plus d’arbitres étaient placés dans le championnat masculin que dans le championnat féminin. Je n'ai, à ce jour, pas encore reçu de réponse de l'ARBH. Lorsque vous jouez au hockey en Belgique, la qualité du service que vous donnera l’ARBH varie en fonction de votre sexe. Une femme ne profite pas des mêmes services que son homologue masculin. Pourtant tout deux paye la même cotisation et une part identique de cette cotisation est destinée à l’ARBH. Autrement dit, une joueuse finance autant l’ARBH qu’un joueur mais n’en tire pas le même profit.

Si les arbitres nationaux sont correctement repartis au sein des catégories de jeunes joueurs, certains seront surpris d’entendre que dans la catégorie dite des adultes, les matchs masculins sont deux fois plus arbitrés par des arbitres nationaux que les matchs féminins. Plus précisément: l’ARBH assure l’arbitrage de la DH, la D1, la D2 et l’Open-League DH (OLDH ) chez les hommes, soit quatre divisions, tandis que chez les femmes, l’ARBH se charge de l’arbitrage uniquement de la DH et de la D1, soit deux divisions. Aujourd’hui, il est dommage de constater un déséquilibre entre un championnat féminin et masculin au sein du hockey belge qui connaît « un triple équilibre parfait : linguistique, générationnel et de sexe » Le hockey belge est bel et bien un sport féminin, en 2019 nous comptons un taux de 45% de joueuses inscrites, un taux dont l’ARBH devrait être fière.

Une femme qui quitte l’école des jeunes de son club, est rapidement confrontée à l’enfer de l’arbitrage: tant sur le terrain qu’en dehors. Nombreuses sont les équipes féminines qui, en début d’année, établissent un calendrier clair de leurs matchs à venir. Il faut alors anticiper les matchs qui nécessitent de grand déplacement pour lesquels il est dur de trouver une personne motivée à sacrifier une grande partie de son week-end pour arbitrer une équipe. Pour ce qui concerne notre équipe, nous débloquons également un budget, en plus de notre cotisation, pour payer certains arbitres. Chaque semaine, le groupe de messagerie Whatsapp de l’équipe s’agite : à la recherche d’un arbitre correct ayant passé son examen théorique d’arbitrage pour valider la feuille de match (au risque de payer les amendes de l’ARBH: payer pour un service qui nous est refusé). Nous remercions toutes ces personnes qui nous dépannent et nous accompagnent dans notre championnat.

« Pourquoi mon équipe ne mérite-elle pas la même qualité d’arbitrage ? » « Pourquoi une joueuse qui évolue en DH, qui est sélectionnée en OLDH le temps d’un week-end n’est pas mise dans les mêmes conditions que son homologue masculin ? » « Pourquoi en 2021, un tel déséquilibre existe-il entre un championnat féminin et masculin ? » Des tentatives de réponses au sein du club et au bord du terrain nous ont déjà été présentées. Malheureusement, aucunes d’entre elles nous ont convaincues.

1. « Les arbitres masculins sont plus nombreux que les arbitres féminins » — Une réponse qui laisse perplexe : en matière de sport, la fourniture d’un service n’est jamais fonction du genre de son destinataire. Ce n’est pas parce qu’une profession attire plus un genre qu’un autre que cela affecte sa manière de professer. Ainsi, une équipe féminine ne nécessite pas nécessairement un arbitrage féminin et inversement. La selection de duos mixtes pour des rencontres internationales par Fédération Internationale de Hockey (FIH) en est une preuve. Récemment, Laurine Delforge a relevé le défi d’arbitrer en duo mixte un match international messieurs.

2. « Les femmes financent moins la fédération que les hommes » — Comme mentionné ci-dessus, le montant qu’investit directement une joueuse à l’ARBH est le même que son homologue masculin. Sur votre cotisation, la somme d’argent que transfère votre club à l’ARBH en début de championnat ne dépend pas de votre sexe mais de votre âge : plus vous êtes âgés, plus vous soutenez la fédération. À 25 ans, l’inscription d’un joueur coute 69,10€ à son club, il en est de même pour une femme, à 25 ans, l’inscription d’une joueuse coute 69,10€ à son club. Le prix ne varie donc pas entre les joueurs, mais bien entre les équipes. L’inscription d’une équipe en DH coûte plus cher à votre club que l’inscription d’une autre division, alors pourquoi une D2 femme coute autant qu’une D2 homme si elle n’en tire pas le même service ?

3. « Il n’y a pas assez d’arbitres dans le hockey belge » —D’un point de vue égalitaire, l’ARBH devrait traiter les genres sur un même pied d’égalité : un même service pour un même prix. Il suffirait de retirer certains arbitres aux hommes pour pouvoir en donner aux femmes: c’est le principe du vase communiquant.

4. « Le jeux des femmes est moins rapide que celui des hommes » — Dans le cas où cet argument justifierait la facilité pour une équipe femme à trouver un arbitre ‘non officiel’, car son jeu est plus lent, nous restons dans l’incompréhension. Pour arbitrer un match correctement, il ne s’agit pas de courir vite, ni d’avoir le souffle grand pour siffler souvent mais bien d’avoir une connaissance parfaite du règlement et de la discipline sportive. Le défi de l’arbitre ne réside pas dans le nombre de coups de sifflet mais bien dans la capacité à rester impartial, objectif et à prendre des décisions en peu de temps et au bon moment. Qu’un jeu soit plus lent qu’un autre ne change en rien la qualité de ces compétences requises. Les femmes et les hommes ont incontestablement des caractéristiques physiques différentes qui influencent leurs jeux respectifs … mais n’oublions pas que « les records en sport masculin sont plus haut que dans le sport féminin, mais que de nombreuses performances et records féminins font rêver beaucoup d’hommes qui ne pourront jamais atteindre ces sommets de performances… »

Quand bien même il existerait des différences physiologiques qui expliqueraient une différence de performance entre les hommes et les femmes, revenons à la raison et au bon sens : la nature physique de la femme devrait-elle motiver et justifier des inégalités ? Les ressources de l’ARBH sont inégalement réparties entre les femmes et les hommes et ce, de manière non-justifiée. Cependant, il suffit de peu pour établir un équilibre entre les deux championnats et permettre à chacun et chacune de partager cette passion commune sur un même pied d’égalité.

Mathilde Haine

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