La maman de John-John Dohmen: "J’ai vraiment eu peur pour sa vie lors de son hospitalisation durant la Coupe du monde"
Dominique Morren retrace le parcours de John-John avec son cœur de maman. Un cœur fier et inquiet.
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Publié le 25-12-2022 à 17h16
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Être parents n’a rien d’une sinécure. Être parents d’un sportif professionnel ressemble encore moins à un long fleuve tranquille. Dominique Morren, qui a rencontré son mari sur les terrains d’Uccle Sport, n’exhibe pas sa fierté d’être la maman d’un champion d’Europe, du monde et olympique. Elle voit avant tout l’être humain qui se cache derrière l’un des plus beaux palmarès du sport belge.
“Bien sûr que je suis fière de lui au même titre que mes autres enfants”, lance-t-elle d’emblée avant de replonger dans l’album des trente-quatre dernières années de sa vie. Une vie rythmée notamment par la carrière XXL de John-John.
Ses premiers pas : “J’ai tout de suite compris”
John-John Dohmen ne fait rien comme les autres. Il a suivi sa propre voie. Né en janvier, il a été admis à cinq ans et demi au Léopold avec une coache particulière, sa maman. Bernard Lescot en personne avait alors expliqué à son mari que leur enfant avait des prédispositions. Sa maman en était déjà persuadée. “Mais c’est dur de rester totalement objective quand on parle de son fils. Il avait déjà une bonne vision. Il marquait beaucoup. C’était un voleur de buts.”
Quand il avait 10 ans, elle avait surtout été impressionnée par une de ses qualités : son altruisme. Sur son flanc, il doublait tous les postes pour apporter une solution à son défenseur et à son milieu.
Le hockey ne phagocytait pas encore tout son agenda. Il ne passait pas beaucoup de temps au Léo. “Nous ne regardions jamais les matchs de Division Honneur jusqu’à ce qu’il soit lui-même repris en DH. Mon mari préservait des moments en famille.”
Celui qui a été élu meilleur joueur de la planète en 2016 n’a pas toujours figuré dans les bons papiers de ses entraîneurs. En U14, il a été versé dans le noyau 2 ! La déception était très grande. Son papa a coaché l’équipe. “Cela a été vraiment dur. Ce passage a permis de le faire glisser vers le milieu et de lui donner le brassard de capitaine.”
En U19, il a pris la direction du Watducks, car le Léopold ne lui accordait pas une place de titulaire. En Division Honneur, il a vécu l’âge d’or du Watducks avec les Luycx, Vanden Balck, Van Hove, Vanasch, Gougnard et autres Boccard avant de rejoindre l’Orée il y a un peu plus de deux ans.
Une adolescence sans crise : “J’aurais même voulu qu’il sorte plus”
À l’approche des 16 ans, les adolescents ressentent ce besoin du grand frisson qui prend la forme des sorties. Alcool, tabac ou drogue, tels sont ces alliés réussis pour une soirée selon un certain diktat de la société. Le sport de haut niveau exige une hygiène de vie qui entraîne de lourds sacrifices. “Parfois, je voulais le voir sortir plus souvent. Mon fils était très sérieux. Il avait un autre rêve dans la vie : être champion olympique. Il n’a pas sacrifié sa jeunesse. Il le faisait naturellement.” Le sport lui procurait des émotions plus intenses qu’une bonne cuite.
À la maison, son papa Géry, qui a été président du Watducks, veillait à laisser le hockey à sa juste place. Ainsi, il n’a pas eu peur d’entamer de grandes discussions avec son fils au moment de certains choix, dont celui de l’année post-rhéto. Élève studieux au collège Cardinal Mercier, il a entrepris des études d’ostéopathe. “Il a d’abord réussi sa première session à Noël, mais il menait un double temps plein à cause des Red Lions. Il sentait qu’il ne pouvait pas être à 100 % sur les deux chemins.”
Il a étalé ses six années d’étude sur neuf ans. “Là aussi, nous avons beaucoup discuté. Quand ton enfant est doué au niveau des études, il n’est pas simple de laisser son sport prendre autant de place.”
Les peurs d’une maman : “À chaque match, je crains un accident”
Le hockey reste un sport dangereux à cause du poids et de la vitesse de la balle. Le jeu moderne va si vite qu’une balle ne peut pas toujours être évitée. Malgré les quinze années passées en DH par son fils, Dominique Morren n’est toujours pas sereine au coup de sifflet initial d’un match. “À chaque match, j’ai peur, surtout depuis l’introduction des tip-in. J’ai toujours ressenti cette peur. D’ailleurs, avant une rencontre, je souhaite toujours que le meilleur gagne et qu’il n’y ait aucun accident. Un mauvais coup est si vite arrivé. La phase de pc défensif reste stressante tout comme une déviation dans le cercle. En plus, les Red Lions sont souvent des cibles durant les matchs.” JJD7 n’a pas un jeu à risque. Ce milieu a toujours été épargné par les blessures les plus graves. “Je serai soulagée le jour où il arrêtera de jouer.”
Sa plus grande peur ? En Inde ! “J’ai cru qu’il allait mourir”
Les parents Dohmen se rendent volontiers sur les tournois à l’étranger, mais, en 2018, la formule de la Coupe du monde ne favorisait pas le déplacement des Belges. En plus, le coin était assez reculé. Pourtant, Dominique Morren regrette encore aujourd’hui de ne pas avoir rejoint son fils… qui était hospitalisé… en Thaïlande. Son récit est glaçant.
“L’Inde ne reste pas un bon souvenir. Vraiment pas. Il était parti avec ce qu’on pensait n’être qu’un gros rhume. Lui, il est plutôt taiseux et n’en parlait pas trop. Il a disputé les premiers matchs. Mon mari a vu contre l’Inde en phase de poule qu’il était limité, car il ne revenait pas en arrière pour défendre. Moi, je me suis inquiétée quand il ne répondait plus au téléphone. Il n’était plus capable de parler, car il était trop épuisé.”
L’inquiétude et l’angoisse ont alors pris le relais dans le cœur serré d’une maman qui se trouvait à 7 700 kilomètres. “En réalité, tu ne comprends pas. Mon mari restait confiant. Moi, j’étais morte d’inquiétude. Nous avons mis un peu de pression pour qu’il soit transféré par avion sanitaire vers la Thaïlande.” Il avait un taux d’éosinophiles de 8 000, soit quarante fois supérieurs à la norme. En d’autres termes, il ne parvenait plus à respirer. “La situation était vraiment grave. J’ai vécu une dizaine de journées d’inquiétude. Quand il est arrivé à l’hôpital avec un médecin belge, il a vite repris des forces. Il était sous oxygène et antibiotiques.”
Au bout d’une semaine, il a été rapatrié en Belgique avant d’apprendre qu’il souffrirait à vie d’une maladie auto-immune rare. “Il n’aime pas en parler. Il se soigne.”
Son autre inquiétude ? L’épisode des requins
Les Red Lions étaient en stage hivernal en Afrique du Sud. Lors d’une journée de repos, l’équipe avait embarqué dans un bateau pour rejoindre le large et descendre dans une cage au milieu des requins. La météo capricieuse et une embarcation légère ont provoqué des sensations fortes au cœur d’une équipe qui n’était pas encore championne du monde et olympique. “Le bateau a failli chavirer en pleine mer et au milieu des requins. Il m’a raconté cette histoire. J’ai eu vraiment très peur. C’était trop stupide.”
Au rayon des peurs, l’ancien capitaine des Red Lions n’apprécie toujours pas les vols en avion. “C’est toujours vrai. Il s’est habitué, mais il n’apprécie pas trop.”
Sa fierté ? Son retour à l’Euro 2019 : “Il a souffert de ses six mois d’écartement”
Bien évidemment, la médaille d’or à Tokyo appartient à l’éternité dans le grand livre du sport belge. Le titre européen occupe une place particulière dans le cœur de Dominique Morren. Lors du titre à Wilrijk en 2019, elle a assisté à la renaissance de son fils.
“À cause de sa maladie, il a été écarté du groupe durant six mois. Il s’est entraîné seul. Il avait l’impression de ne plus faire partie du groupe. Moi, je n’avais pas compris sa souffrance durant cette période. Je l’ai découverte en lisant son livre. Il ne pouvait même plus assister aux briefings. Il a travaillé sur son cardio.” John-John Dohmen s’est senti abandonné. “Il a le défaut de ne pas trop parler. Il s’est battu pour retrouver sa place. Dans ce contexte, Anvers est devenu magique. Il est revenu tout seul.”
Tokyo 2020, la consécration : “J’étais surtout soulagée”
Dominique Morren avait acheté des billets pour voir les matchs de l’équipe belge lors des Jeux olympiques de Tokyo. La pandémie de Covid en a décidé autrement. Là aussi, la famille Dohmen a assisté à l’exploit à distance. “Quand je l’ai conduit à l’aéroport à Rio en 2016, je lui avais demandé de bien s’amuser. Il m’avait répondu qu’il partait pour gagner une médaille. La pression était déjà grande. Lors des Jeux de Tokyo, ils ne visaient ni plus ni moins que l’or. Imaginez la pression durant les mois qui précédaient. Elle était palpable. Alors, quand Vanasch a stoppé le dernier shoot out en finale, j’ai ressenti un immense soulagement. J’étais contente. C’était fait. J’ai pleuré.”
La maman n’a pas encore vécu sa dernière émotion avec son fils qui a pris la décision de repartir au combat à 34 ans. “Qu’est-ce qu’il veut encore prouver ? Il aime le hockey. C’est tout. Il ne cédera sa place que s’il y a un jeune plus fort que lui. Moi, je me disais que ce n’était pas possible. Je ressens moins de stress, car cette génération a tout gagné. J’ai toujours peur d’un accident sur le terrain.”