Alonso dans la cour des grands

Nous ne dirons pas qu'une nouvelle étoile est née, car voilà quelque temps déjà que Fernando Alonso, malgré son jeune âge, semblait mûr pour décrocher la lune comme il l'a fait ce dimanche à l'Hungaroring.

DANIEL STRIANI
Alonso dans la cour des grands
©Belga/AFP

ENVOYÉ SPÉCIAL EN HONGRIE

BUDAPEST Nous ne dirons pas qu'une nouvelle étoile est née, car voilà quelque temps déjà que Fernando Alonso, malgré son jeune âge, semblait mûr pour décrocher la lune comme il l'a fait ce dimanche à l'Hungaroring. «Vous savez, ce gaillard-là recèle une faculté incroyable à enchaîner, dans la durée, de vrais tours de compétiteur, nous confiait hier Denis Chevrier, responsable de l'exploitation des moteurs Renault sur les GP. Il peut s'y employer pour passer de la 8e à la 6 e place ou, comme ce week-end, pour effectuer le cavalier seul que l'on sait. Il possède en lui une confiance inébranlable. Sans vouloir accabler Jarno Trulli, vous pouvez constater par vous- même qu'en finissant par le doubler, Fernando lui a pratiquement mis une seconde au tour. Et sur ce circuit de l'Hungaroring plus qu'ailleurs, si vous n'êtes pas habité par une force naturelle, vous ne pouvez pas réaliser ce genre d'exploit!»

Voilà brossé là le portrait tout craché de... Michael Schumacher lorsque l'actuel quintuple champion du monde débarqua en Formule 1. «Il lui ressemble en tout cas très fort », énonce, sans rire, Denis Chevrier.

En taillant en premier le drapeau à damiers ici à Budapest, Fernando Alonso est devenu le premier Espagnol à remporter un GP, le plus jeune pilote à s'imposer en F 1 (22 ans et 26 jours exactement hier) et il a, aussi et surtout, gommé dans le chef de l'écurie Renault une abstinence au succès qui remontait à plus de vingt ans, au 14 août 1983 et à la victoire d'Alain Prost à Zeltweg. «Cela fait beaucoup en une fois, sourit le garçon originaire d'Oviedo, dans les Asturies. C'est comme dans un rêve. Il me faudra quelques jours avant de réaliser ce qui m'arrive, même si je sentais, depuis le début de la saison, que je me rapprochais chaque fois un peu plus d'une victoire similaire.»

Auteur de sa 2e pole samedi, Fernando Alonso, aidé par le launch control le plus performant du plateau, ne pouvait raisonnablement que sortir en tête de la meute après le premier virage, sauf accident. «J'ai aperçu que Mark Webber me suivait pendant les deux ou trois premiers tours mais ensuite, aux alentours du neuvième tour, ne voyant plus personne dans mes rétroviseurs, j'ai demandé des renseignements à mon stand. On m'a aussitôt dit que je possédais déjà quinze secondes d'avance!»

La suite de son ascension ne sera jamais mise à mal. Sa stratégie à trois arrêts au stand n'était, à l'autopsie, pas autrement différente de celle des autres voitures. «Les dix derniers tours ont été les plus longs à vivre, car j'avais toujours l'impression que quelque chose allait lâcher, comme mon moteur par exemple! J'ai eu du mal à empêcher mon imagination de fuir vers des pensées négatives.»

Pour s'occuper sur la fin de son parcours, l'Espagnol eut heureusement l'occasion de mettre un tour dans la vue à Michael Schumacher. «J'ai ressenti alors une sensation spéciale. Ce n'est pas tous les jours qu'on met un tour... à la régulière à Schumi ! Comme il était en lutte avec Trulli pour la 7e place, j'ai essayé de ne pas trop le... perturber. Il a été d'une correction extrême et m'a laissé tranquillement passer. Il faut dire qu'avec les problèmes qui sont les siens pour l'heure, il a d'autres chats à fouetter!»

Avec un package châssis-pneus aussi performant tout au long de ce week- end hongrois, Renault joue désormais officiellement dans la cour des grands. «Nous ne sommes plus seulement la quatrième force en puissance de la F 1. Nous sommes bien plus que ça aujourd'hui. Et l'an prochain, j'espère remporter beaucoup plus de GP. Avant 2004, du reste, je pourrais bien remettre ça...»

On avait tous l'impression, hier, que ce n'est effectivement qu'un début pour ce diable d'Alonso...

© Les Sports 2003


Historique Avouons-le tout de go: ce n'est pas un GP comme les autres que nous avons vécu à l'Hungaroring. A la sortie, il s'est même révélé historique. Il pourrait difficilement en être autrement, du reste, dès l'instant où on a célébré simultanément la victoire du plus jeune pilote en F 1 (22 ans et 26 jours), le premier succès d'un pilote espagnol et le retour sur la plus haute marche du podium de l'écurie Renault, dont l'ultime succès datait du 14 août 1983 en Autriche avec Alain Prost, à une époque où Fernando Alonso apprenait à peine à jouer avec des monoplaces en miniature dans un jardin d'enfants à Oviedo! Ce week-end, en signant coup sur coup la pole position -sa 2e après celle de Malaisie- et la victoire, le petit prodige espagnol a simplement confirmé ce qu'on pensait de lui depuis quelques mois déjà, à savoir qu'il s'inscrit comme le successeur tout désigné de Michael Schumacher et, par corollaire, comme un champion du monde en puissance. A propos de Championnat du Monde, on peut considérer que tous les compteurs sont remis à zéro après cette 13e manche. Avec trois pilotes regroupés en deux petits points seulement, on ne pouvait pas rêver plus beau scénario à trois GP de la fin. Plus que jamais, Michael Schumacher semble un leader en sursis. Sa Ferrari F 2003-GA est aux abois et son talent naturel ne peut compenser les différents manquements, surtout au niveau des pneus Bridgestone, même si ces derniers n'expliquent certainement pas tout!

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...