Docteur Seb, Mister Vettel

Ce week-end, en Inde, un quatrième sacre lui tend les bras.

Thibault Vinel
Docteur Seb, Mister Vettel
©Photo News

La Belgique a vite compris qu’elle devra attendre longtemps avant d’assister à l’éclosion de la nouvelle Justine Henin. L’Allemagne n’est pas confrontée à ce type de problème. Le départ de Michael Schumacher n’a pas laissé un grand vide dans le cœur des Teutons qui s’extasiaient déjà devant les coups de volant d’un gamin à la gueule d’ange alors que le quadra Schumi faisait des heures supp’ chez Mercedes.

Surnommé ‘Baby Schumi’, l’élève Sebastian Vettel s’attaque un à un à tous les records de son maître. Son surnom est désuet. A 26 ans, le pilote de Red Bull fascine, agace et… lasse. Les fondements d’un mythe qui se construit au fil des virages. Comme son aîné. Sa quatrième couronne ne marquera pas la postérité. A vaincre sans péril… Qu’à cela ne tienne, il n’est pas responsable de la faiblesse de ses rivaux. Alonso, Raikkonen, Hamilton, la brochette de stars est particulièrement épicée. Seul Vettel a réussi à doser tous les ingrédients pour que la sauce prenne.

Comme Schumi, Vettel chauffe ses premiers pneus sur le bitume des pistes de karting. Happé par le ‘Red Bull Junior Team’ à l’âge de 9 ans, il est placé dans un cocon aussi confortable que compétitif. Derrière les meilleurs volants, le natif du Land de Hesse vole d’un circuit à l’autre.

Sa trajectoire suit la même courbe que celle du "Baron rouge" à qui on le compare chaque jour. Il affole les chronos dans les catégories de promotion qui mènent à la seule taillée pour son talent : la F1. En World Series by Renault, il n’achève pas la 2e saison car la F1 s’attache ses services.

A 20 ans, il découvre le baquet d’une F1 lors du GP des Etats-Unis. En réalité, il avait goûté à la F1 deux ans plus tôt lorsque le patron de BMW lui a offert une séance d’essai sur le tracé de Jerez. Ses tours de piste en Formule BMW et en F3 l’ont sorti de l’anonymat. Il gravit les échelons de manière fulgurante.

Pilote d’essai puis 3e pilote chez Williams-BMW, il frappe les esprits. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, il profite de l’accident de Kubica pour disputer sa première course. Le retour du Polonais impose une petite valse des baquets. Sous la bannière de Toro Rosso, il s’installe définitivement sur la grille de départ.

A 20 ans, deux mois et 27 jours, il mène le bal lors du GP du Japon. L’année suivante, il devient le plus jeune poleman. Malgré une Toro Rosso n’évoluant pas dans la cour des Ferrari, McLaren et autres Renault, il remporte sa première course dans la catégorie ultime. Les records de précocité tombent les uns après les autres.

Schumacher a remporté son 3e titre de champion du monde à 33 ans. Vettel a pris une grande avance sur son idole.

Des sifflets et des huées

La froideur des chiffres n’élève aucun individu au rang de mythe vivant. Vettel l’a compris. L’homme suscite la controverse. Comme le Baron rouge, il s’attire la foudre de son coéquipier qui n’assume plus ce statut de numéro 2. Barrichello n’avait jamais osé remettre "Schumi" à sa place. Webber a choisi l’option de se taire jusqu’à la fin de sa carrière c’est-à-dire dans quatre courses.

Comme Sebastien Loeb ou Roger Federer ou encore Michael Schumacher, Sebastian Vettel a tué le suspense pour la première place. L’ennui s’est installé dans les paddocks. Une forme de résignation s’est même emparée de la marque au Cheval cabré qui a accepté son rôle de dauphin.

Au plus fort de sa domination, Sebastian Vettel assiste, depuis le podium, à une baisse de sa popularité. Sifflets et huées accompagnent les célébrations de ses victoires. La jalousie et la frustration servent de moteur à ces broncas. Schumacher est aussi passé par là. L’amoureux de la F1 s’enflamme devant les batailles sans merci, les dépassements audacieux et les duels à couteaux tirés. Le suspense présent ces dernières saisons s’est évaporé.

Vettel tourne le dos à ces critiques. Il se rachète une conduite depuis l’affaire de Sepang où Seb a volé une victoire qui tendait les bras à son coéquipier. Son équipe lui avait intimé l’ordre de rester sagement derrière Weber. Le jeune rebelle a outrepassé les ordres. A l’arrivée, il a remis de l’huile sur le feu en affirmant que "je ne m’excuse pas d’avoir gagné. Mark ne méritait pas la victoire."

Une vie très privée

Enfin, l’Allemand manie l’art de l’éloquence. Le "Bild" avait retranscrit ses propos à l’aube de la saison. "Quand les autres rentrent à la maison ou se la coulent douce dans la piscine, nous nous travaillons encore sur la voiture." Ou comment se mettre tout seul au ban du paddock.

Last but not least, Vettel préserve un maximum sa vie privée ce qui a le don d’agacer dans un monde où chacun livre ses pensées dans un poème de 140 signes ou sur un mur.

Ce quatrième titre mondial le place à la table d’Alain Prost qui avait conquis son dernier titre à 38 ans. Si Red Bull gère le changement de réglementation en 2014, il se rapprochera encore de l’ultime record : les 7 titres de Schumacher. Un chiffre que l’on pensait figé pour l’éternité.

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