Décès de Jules Bianchi: Une longue liste noire de 35 pilotes en F1
Jules Bianchi est le dernier pilote de F1 victime de sa passion pour la vitesse, vingt et un ans après le triple champion du monde brésilien Ayrton Senna.
- Publié le 19-07-2015 à 10h04
- Mis à jour le 19-07-2015 à 12h44
Jules Bianchi est le dernier pilote de F1 victime de sa passion pour la vitesse, vingt et un ans après le triple champion du monde brésilien Ayrton Senna. Avant Jules Bianchi, victime de son accident du 5 octobre 2014 sur le circuit de Suzuka, Ayrton Senna et l’Autrichien Roland Ratzenberger, décédés, respectivement, le 1er mai et le 30 avril 1994 sur le circuit italien d’Imola, avaient été les deux derniers noms d’une liste de désormais 35 pilotes de F1 victimes de leur passion :
Années 50 : 6 (hors 500 Miles d’Indianapolis, voir note) - Charles de Tornaco (Bel/Ferrari), essais privés, Modène (1953) - Onofre Marimon (Arg/Maserati), essais du GP d’Allemagne, Nürburgring (1954) - Eugenio Castellotti (Ita/Ferrari), essais privés, Modène (1957) - Luigi Musso (Ita/Ferrari), GP de France, Reims-Gueux (1958) - Peter Collins (G-B/Ferrari), GP d’Allemagne, Nürburgring (1958) - Stuart Lewis-Evans (G-B/Vanwall), GP du Maroc, Casablanca (1958)
Années 60 : 12 - Harry Schell (USA/Cooper), essais de l’International Trophy, Silverstone (1960) - Chris Bristow (G-B/Cooper) et Alan Stacey (G-B/Lotus), GP de Belgique, Spa-Francorchamps (1960) - Giulio Cabianca (Ita/Cooper), essais privés, Modène (1961) - Wolfgang von Trips (All/Ferrari), GP d’Italie, Monza (1961) - Ricardo Rodriguez (Mex/Lotus), essais du GP du Mexique, Mexico (1962) - Carel Godin de Beaufort (P-B/Porsche), essais du GP d’Allemagne, Nürburgring (1964) - John Taylor (G-B/Brabham), GP d’Allemagne, Nürburgring (1966) - Lorenzo Bandini (Ita/Ferrari), GP de Monaco (1967) - Bob Anderson (G-B/Brabham), essais privés, Silverstone (1967) - Jo Schlesser (Fra/Honda), GP de France, Rouen Les Essarts (1968) - Gerhard Mitter (All/BMW), essais du GP d’Allemagne, Nürburgring (1969)
Années 70 : 10 - Piers Courage (G-B/De Tomaso), GP des Pays-Bas, Zandvoort (1970) - Jochen Rindt (Aut/Lotus), essais du GP d’Italie, Monza (1970) - Jo Siffert (Sui/BRM), World Championship Victory Race, Brands Hatch (1971) - Roger Williamson (G-B/March), GP des Pays-Bas, Zandvoort (1973) - François Cevert (Fra/Tyrrell), essais du GP des USA, Watkins Glen (1973) - Peter Revson (USA/Shadow), essais privés du GP d’Afrique du Sud, Kyalami (1974) - Helmut Koinigg (Aut/Surtees), GP des USA, Watkins Glen (1974) - Mark Donohue (USA/Penske), essais du GP d’Autriche, Osterreichring (1975) - Tom Pryce (G-B/Shadow), GP d’Afrique du Sud, Kyalami (1977) - Ronnie Peterson (Suè/Lotus), GP d’Italie, Monza (1978)
Années 80 : 4 - Patrick Depailler (Fra/Alfa Romeo), essais privés, Hockenheim (1980) - Gilles Villeneuve (Can/Ferrari), essais du GP de Belgique (1982) - Riccardo Paletti (Ita/Osella), GP du Canada (1982) - Elio de Angelis (Ita/Brabham), essais privés, Circuit Paul Ricard (1986)
Années 90 : 2 - Roland Ratzenberger (Aut/Simtek), essais du GP de Saint-Marin, Imola (1994) - Ayrton Senna (Bré/Williams), GP de Saint-Marin, Imola (1994)
Années 2000 : 1 - Jules Bianchi (Fra/Marussia), après neuf mois de coma suite à son accident au GP du Japon, circuit de Suzuka, le 5 octobre 2014 (2015).
Note : les huit pilotes décédés pendant les 500 Miles d’Indianapolis entre 1953 et 1959 n’ont pas été comptabilisés, pendant cette période où la fameuse mais très spécifique épreuve américaine, disputée sur un anneau de vitesse, était intégrée au Championnat du Monde de Formule 1… que ne disputaient pas la plupart des pilotes américains.
D’Ayrton à Jules, une génération à l’abri…
Nous sommes le 1er mai 1994, troisième et dernier jour d’un week-end horrible. Sauf Spa, c’est mon premier Grand Prix depuis deux ans.
Jusqu’en 1992, je les ai couverts à peu près tous pour la DH et la RTBF. Avec un plaisir non dissimulé, je retrouve mes anciennes amours. Mon jeune confrère Olivier de Wilde ne peut se rendre à Imola et je profite de l’aubaine. Pourtant, dès le vendredi, l’ambiance est au tourment. Barrichello est victime d’une sortie de route terrifiante. Un miracle, pourtant, s’est produit : il s’en tire avec un bras en écharpe. Samedi, une chape de plomb s’abat sur la F1. Après avoir commis une petite erreur sur un vibreur et sans doute cassé son aileron avant, Roland Ratzenberger arrive plein pot au virage Gilles Villeneuve. Sa Simtek, plutôt que de suivre le mouvement imprimé, s’éclate dans le mur de l’au-delà. L’Autrichien meurt sur le coup.
Comme s’il y avait une ritournelle de la peur, le réalisateur local s’arrête constamment sur le visage d’Ayrton Senna. Le regard vide, la mine terne, il ne va pas bien. Il y a eu l’accident de son compatriote Barrichello, beaucoup de discussions techniques chez Williams et, en leader d’opinion, il n’a pas manqué de prendre contact avec le professeur Sid Watkins, le médecin de la F1. Ensemble, ils se sont rendus sur les lieux des accidents. Le samedi, il a étudié la sortie de route de Ratzenberger : détruit, il revient au motor-home Williams. Seul moment de joie du week-end, Senna officialise sa réconciliation avec Alain Prost et, devant les caméras de TF1, lui dira : "Tu m’as manqué, Alain" . Sa voix n’est pas assurée et son cœur a rejoint les tréfonds de l’abîme. Pourquoi piloter ce week-end ? Sans doute parce que tel est son métier, sans doute aussi parce que, égoïstement, il ne veut pas et ne peut pas se laisser manger tout cru par ce gamin de Schumacher, vainqueur des deux premiers Grands Prix de l’année. Watkins lui dira même : "Tu es riche et adulé, tu n’as plus rien à prouver, prends ta retraite, Ayrton" .
Dimanche, tout va mal. Accrochage Lehto-Lamy, des ambulances se rapprochent, la peur s’accroche. Neuf spectateurs sont blessés. Sixième tour, Tamburello attise les craintes. Il se prend à fond, certes, mais le virage est maudit et la Williams ne peut éviter le rempart de béton. Un élément de suspension, sans doute, a cédé. Senna n’est plus. De mystique, instantanément il devient mythique. En salle de presse, les hommes, figés, pleurent en silence, les femmes hurlent de douleur. Personne n’agit ou ne réagit. Il faudra du temps, parfois une vie, pour s’en remettre. Au Brésil, ils seront des millions à accueillir le cercueil de leur héros. Funérailles nationales pour champion planétaire. Il fut le dernier à passer de vie à trépas en Grand Prix et puis, après une génération à l’abri, il y eut le gamin Bianchi.