Ott Tanak, Le "Iceman" du rallye à force de persévérance
Il est devenu dimanche le premier champion du monde des rallyes non Français depuis Petter Solberg en 2003. Premier Estonien sacré au plus haut niveau, Ott Tanak succède à son ancien et équipier et ami Seb Ogier duquel il dit avoir beaucoup appris. Retour sur le parcours chaotique d'un rallyman venu du froid.
Publié le 28-10-2019 à 07h45
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Il est devenu dimanche le premier champion du monde des rallyes non Français depuis Petter Solberg en 2003.
Premier Estonien sacré au plus haut niveau, Ott Tanak succède à son ancien et équipier et ami Seb Ogier duquel il dit avoir beaucoup appris. Retour sur le parcours chaotique d'un rallyman venu du froid.
Ott Tanak est né le 15 octobre 1987 à Karla, sur la petite île estonienne de Saaremaa. Son papa Ivar est un rallyman amateur. Il bricole ses autos dans le garage familial avec son fiston, un blondinet très peu bavard mais très vite intéressé par le pilotage.
Ainsi, à 14 ans à peine, il dispute son premier rallysprint chez lui au volant d'une VW Scirocco et sans copilote. Il enchaîne les années suivantes dans le championnat Junior ouvert aux pilotes de moins de 18 ans aux commandes d'une VW Golf puis d'une Clio. Son équipier conduit sur la route en liaisons car il n'a pas de permis de conduire.
Une fois majeur, il passe à la catégorie supérieure, d'abord au volant de Subaru. En 2009, il y a déjà dix ans, il dispute au Portugal sa première épreuve mondiale. Il passe ensuite à la Mitsubishi puis à la Ford Fiesta S2000.
A pied en 2013 avant que Wilson investisse sur lui
Malcolm Wilson est le premier à lui donner sa chance avec un volant officiel Ford en 2012. Mais après de trop nombreuses sorties de route, l'histoire s'arrête et Ott se retrouve à pied en 2013, année où il est totalement absent du WRC.
Aidé par son compatriote devenu ami et manager Markko Martin, le premier Estonien à avoir remporté cinq épreuves du Mondial avant d'arrêter sa carrière suite à un malheureux accident dans lequel son équipier Michael Park perd la vie, Ott rebondit en 2014. Il parvient à trouver du soutien et Malcolm lui donne une seconde chance, moyennant un deal financier. En gros, le Gallois investit personnellement sur la carrière du bouillant Estonien en échange d'un pourcentage sur ses gains futurs.
Masque et tuba après le plongeon au Mexique
Mais la malchance poursuit Ott qui se distingue au Mexique en 2015 en effectuant un plongeon dans un lac où sa Fiesta coule entièrement. Sain et sauf, il revient au parc le lendemain avec un masque et un tuba et repart en Rally2 aux commandes d'une voiture repêchée et séchée par M-Sport en moins de quatre heures ! Qui a dit que Tanak n'avait pas d'humour ?
L'année suivante, il croit détenir enfin sa première victoire en Pologne où il domine l'épreuve avant de crever dans l'ultime spéciale. On se souvient de ces images cruelles d'Ott en pleurs, consolé par le champion Sébastien Ogier qui devient son équipier l'année suivante chez Ford. « J'ai beaucoup appris de lui » avoue Ott.
Première victoire mondiale en Sardaigne 2017
Et c'est là qu'il explose, plus au sens propre, en remportant en Sardaigne sa première victoire mondiale toujours au volant d'une Ford et en donnant du fil à retordre en plusieurs occasions à Ogier. Les deux hommes s'entendent bien, mais Tanak veut devenir champion et ne peut plus accepter d'être numéro 2. Il décide donc d'accepter l'offre de Toyota revenant en Mondial et dont il devient très vite le leader naturel en prenant d'emblée le meilleur sur l'expérimenté Jari-Matti Latvala. Un sacré défi payant très vite. Trouvant son équilibre dans une vie de famille simple avec ses deux enfants, papa Tanak est plus mature, commet beaucoup moins d'erreurs et devient le meilleur performer du championnat. Discret, souvent froid et peu souriant, Ott est un grand sportif. Ainsi, lorsque Julien Ingrassia (l'équipier d'Ogier) oublie malencontreusement son carnet au point-stop d'une spéciale au Mexique, son ami Ott joue au facteur et lui rapporte pour éviter sa mise hors course. Pas question de gagner hors de la piste.
2019 est l'année de la consécration. A 32 ans, 18 ans déjà après ses débuts en rallye, le taciturne à la tête toujours juvénile remporte six rallyes et décroche son premier sacre : "L'objectif de toute une vie," avouera-t-il. "J'ai ai toujours cru, je n'ai jamais lâché le morceau. Et j'y suis arrivé."
Sa maman témoigne dans un documentaire consacré à son fils intitulé "Ott Tanak, the movie" : "Tout ce qu'il veut, il finit par l'obtenir. C'est un coriace..."
Et aujourd'hui ce qu'il veut c'est un salaire digne d'un champion comparable à ceux d'un Seb Ogier, Loeb ou même d'un Thierry Neuville. C'est pour cette raison, pour tripler ses gains, qu'il aurait décidé apparemment de quitter Toyota l'an prochain pour rejoindre Hyundai. "Vous en saurez plus avant le Monte-Carlo," sourit le nouveau champion du monde parfois très peu accueillant et à qui il vaut mieux ne pas poser une mauvaise question. "Ah si je pouvais ne plus devoir répondre aux journalistes," a-t-il déclaré en Espagne où "la pression était très forte car je ne voulais pas devoir payer des tickets pour l'Australie à toute ma famille."
Pince sans-rire, l'homme venu du froid a tout de même un bon sens de l'humour. Comme un certain Kimi Raikkonen, surnommé "Iceman", champion de la F1...