Neuville: “Cinq rallyes pour montrer qui est le patron”

Douze mois après être passé très proche de son premier succès à domicile, Thierry Neuville est de retour à Monte-Carlo avec le champion en titre Ott Tanak comme nouvel équipier et un sextuple champion Sébastien Ogier mieux armé que jamais chez Toyota. Pas de quoi inquiéter outre mesure notre compatriote plus zen et déterminé que jamais. Après cinq titres de vice-champion, le Belge parviendra-t-il enfin à décrocher la couronne ?

Thierry, l’arrivée d’Ott Tanak à vos côtés chez Hyundai va-t-elle changer votre approche de cette première épreuve de la saison ?

"Non, pas du tout. Je ne pense pas que notre approche ait été mauvaise ces dernières années. En 2019, on a terminé deuxième à 2.2 secondes du vainqueur Sébastien Ogier. Il a fait une dernière toute belle spéciale et on n’a sans doute pas pris assez de risques sur ce secteur chrono. Mais après, on était plutôt contents de se retrouver deuxième sur la route et non pas premier en Suède."

Mais le Monte-Carlo est tout de même l’épreuve la plus prestigieuse du championnat, celle que tout le monde veut gagner ?

"Oui, bien sûr qu’on aimerait une fois l’emporter à domicile même si on ne bénéficie évidemment d’aucun avantage en tant que résident monégasque (rire) . Mais on n’a pas plus de points quand on gagne ici. Et en termes de stratégie, c’est parfois mieux de terminer deuxième ou troisième pour ensuite ne pas devoir ouvrir la route en Suède ni au Mexique si possible. En gros, le vainqueur du Monte-Carlo n’est pas nécessairement celui du championnat."

Il n’est donc, selon vous, pas primordial de terminer d’emblée devant Tanak pour montrer qui est le patron dans le team ?

"Non, tout le monde sait que sur ce rallye, on ne roule pas à 100 %. Les choix de pneus, la prise de risques sont déterminants. Et le pire qu’on peut faire c’est un zéro pointé. Il sera trop tôt pour tirer des conclusions dimanche. Celui qui l’emporte ici termine souvent troisième ou quatrième en Suède. À moins qu’il fasse très froid et qu’il y ait beaucoup de glace en Suède, il est quasi impossible de remporter les deux premières épreuves. On tirera un premier bilan après cinq ou six rallyes. Et il sera important à ce moment de montrer que nous sommes devant, comme toujours depuis six ans chez Hyundai."

Pensez-vous que Tanak aura besoin d’un temps d’adaptation pour s’habituer à la i20 WRC ?

"Non, je crois qu’il sera tout de suite à niveau. C’est un des trois pilotes jouant le titre depuis quelques années avec Seb et moi. Les voitures sont tout de même proches les unes des autres. Cela s’annonce encore serré, surtout avec le système d’ordre de départ empêchant généralement un pilote de s’envoler au championnat car le leader a toujours le handicap de devoir ouvrir la route lors de la première étape, ce qui nivelle un peu tout."

Pouvez-vous bien vous entendre avec un équipier qui a la même ambition que vous ?

"Cela dépendra plus d’Ott que de moi, je pense. J’ai peu de craintes sur le fait qu’il puisse être avantagé. Je suis généralement très ouvert au niveau des débriefings, de l’échange d’informations, mais je lui demanderai évidemment la même chose."

Des consignes pourraient-elles vite être imposées entre vous ?

"Non, pas en début de saison même si garder notre titre constructeur est, bien sûr, un des objectifs prioritaires."

Si vous êtes deuxième à 2 secondes d’Ott dimanche à l’entame de la dernière journée du Monte-Carlo, loin devant le troisième, et qu’Andrea Adamo veut que vous assuriez le doublé et fige les positions, l’accepterez-vous ?

"Non, mais il ne le fera pas. Il nous dira simplement de rouler sans prendre de risques et de ramener les deux autos à l’arrivée. Je continuerai à rouler vite avec une certaine réserve. Tout dépend aussi des circonstances dans lesquelles je me suis retrouvé dans cette position et du rythme de chacun."

"Sébastien Ogier est favori pour le titre 2020"

Le pilote belge redoute plus la rivalité du sextuple champion français que celle de son nouvel équipier.

Thierry, qui considérez-vous comme votre principal rival cette année ? Seb Ogier ou Ott Tanak ?

"Je n’ai jamais eu un équipier aussi coriace qu’Ott. Cela va être chaud entre nous. Mais le favori pour le titre reste à mes yeux Ogier. Il a l’expérience et la Toyota conserve un léger avantage. Cela dit, il est clair que je vais encore essayer de décrocher cette satanée couronne. Cette fois, c’est notre tour !"

La Hyundai a-t-elle encore évolué depuis fin 2019 ?

"Oui, dans des détails. Mais aujourd’hui c’est l’accumulation de ces petites choses qui peut faire une différence. On gagne 3 kg par là, on change un phare, un fond plat. On a aussi modifié notre échappement et le diffuseur."

Le parcours du Monte-Carlo 2020, c’est du connu et archi connu ?

"Non, il y a deux nouvelles spéciales cette année, dont la première de jeudi soir."

En tant que spécialiste de l’asphalte, vous êtes plutôt content que la saison se termine cette année au Japon sur le goudron ?

"Il est clair que si vous abordez l’ultime épreuve au Japon en tête du championnat, vous aurez plus de chances d’y rester que lorsqu’on terminait sur la terre en Australie."

Que pensez-vous du calendrier 2020 ?

"Je suis très heureux d’aller au Japon, de retourner en Nouvelle-Zélande et surtout de découvrir le Safari. Je regrette bien sûr l’absence de la Corse. J’ai espéré qu’elle puisse revenir suite à l’annulation du Chili, mais ce ne sera pas le cas."

Hormis les trois candidats désignés au titre, Ogier, Tanak et vous, qui voyez-vous capable de remporter une manche cette année ?

"Je dirais Evans et peut-être Lappi. Sans oublier Dani (Sordo), le seul hors de nous trois à avoir remporté une épreuve en 2019 en Sardaigne. Au volant de la Toyota, Elfyn devrait pouvoir aller gagner une course comme l’Allemagne où il a toujours été très rapide. Mais il aura Ogier comme équipier et l’on sait généralement comment cela se passe pour les membres de son équipe… Kalle Rovanpera est jeune. Il ira vite et signera ses premiers scratchs mais je ne l’imagine pas encore gagner. On peut par contre peut-être s’attendre à une surprise d’Esapekka Lappi avec la Ford."

En 2019, Ott Tanak a remporté six courses, soit le double de vous. Imaginez-vous que cela puisse se reproduire cette année maintenant que vous roulez à armes égales ?

"Non, pas du tout !"

"Tous droit à un grain de folie"

Thierry, que pensez-vous des retraits officiels de Citroën et de Skoda ?

"C’est bien sûr dommage pour le WRC. La FIA doit trouver des solutions pour attirer de nouveaux constructeurs. Cela passera par l’hybride en 2022. J’espère que cela marchera car il est indéniable que les marques ont besoin que le sport auto reste un laboratoire et un outil de marketing. Il faut arrêter de changer sans cesse les noms des catégories. WRC1, WRC2, WRC2 Pro, WRC3, Rally1, 2, 3, moi-même je n’y comprends plus rien, alors imaginez-vous le grand public."

Et quid des interdictions, des amendes que vous avez cumulées pour excès de vitesse, donuts ou photos prises en liaison ?

"C’est ridicule. Bientôt, on nous interdira de faire un ‘pipi nature’ en liaison ou de fumer dans son jardin. Tout le monde a le droit à son petit grain de folie. On n’est pas des robots. J’avoue que je ne comprends toujours pas certaines décisions."

L’an dernier, vous avez disputé quatre courses en Belgique. Quand vous reverra-t-on sur nos spéciales cette année ?

"Déjà pas aux Legend Boucles. Cela tombe mal dans notre calendrier de début de saison. On préfère se concentrer sur le WRC. Je ne sais pas si on sera de retour à Ypres, en WRC ou peut-être en R5 même si la nouvelle voiture ne sera pas encore prête. Le Rallye des Crêtes par contre est une réelle possibilité. Je m’y suis beaucoup amusé l’an dernier. Après, suite à mon succès en ADAC l’an dernier au Nürburgring, on discute aussi d’une participation en TCR Europe ou en WTCR. Je sais que le championnat d’Europe passera par Zolder et Francorchamps, mais je n’ai pas encore regardé si c’était possible au niveau de mon agenda."