L'origine influence-t-elle la performance?
Le sujet est dérangeant. Car lier performance physique et origine revient presque à appuyer certaines thèses eugénistes ou raciales. Mais pourquoi les Jamaïcains sont-ils imbattables au sprint ? Pourquoi les Kényans et les Éthiopiens dominent-ils les courses de fond ?
Publié le 19-08-2016 à 08h54 - Mis à jour le 19-08-2016 à 10h06
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Le sujet est dérangeant, voire carrément gênant. Car lier performance physique et origine revient presque à appuyer certaines thèses eugénistes ou raciales. Mais pourquoi les Jamaïcains sont-ils imbattables au sprint ? Pourquoi les Kényans et les Éthiopiens dominent-ils les courses de fond ?
Il parait évident que la prouesse sportive dépend de l'entrainement et de l'engouement populaire, propre à certaines régions, pour des disciplines particulières. Pourtant, quels que soient la motivation et les efforts, la performance va plafonner si les limites biologiques sont atteintes. N'importe qui ne peut donc pas devenir un athlète olympique dans la discipline qu'il affectionne.
Car des variants génétiques vont davantage favoriser la pratique de certains sports demandant soit un effort soutenu, comme les courses de fond, soit un effort maximal, comme les sprints. "Cette distinction est régie par des gènes, dont le gène ACTN3, qui va inciter le corps à produire une protéine appelée l'Actinin 3. Celle-ci va agir sur une molécule qui régule en partie la manière dont le muscle consacre ses ressources à la contraction musculaire", explique Marc Abramowicz, chef de service de génétique à l'hôpital Erasme. Cette protéine arbitre donc le choix entre effort soutenu ou maximal.
Mais pourquoi certaines nations dominent-elles l'une ou l'autre discipline ? Car des individus présentent, dans leur ADN, le gène ACTN3 muté, et sont donc plus aptes à pratiquer des courses d'endurance. A l'inverse, d'autres n'ont pas connu cette mutation et sont donc avantagés pour le sprint. Ces derniers proviennent essentiellement d'Afrique, car les facteurs de sélection y ont été différents au moment de la mutation. "Même si on ne peut pas parler de races humaines, il faut tout de même constater que des différences apparaissent chez les noirs américains plutôt que chez les blancs américains. Ce sont ce qu'on appelle des 'groupes ethniques', qui sont déterminés par la biologie, la langue, la religion,...", poursuit le spécialiste en génétique.
Ne disposant pas du gène muté, les Kényans et les Éthiopiens devraient donc s'illustrer par leur vitesse sur les courtes distances. Or, ils dominent les courses de fond. Une aberration ? "C'est parce qu'il pourrait y avoir une autre manière pour le muscle de procéder au même arbitrage génétique, sans passer par cette molécule-là", souligne le professeur Abramowicz. "Cela est bien connu dans bon nombre d'autres systèmes biologiques, où il existe plusieurs manières de faire la même chose pour l'organisme. Ça ne remet donc pas tout en question. Cela suggère plutôt qu'il existe une autre molécule du muscle, aujourd'hui inconnue, qui pourrait produire les mêmes effets que l'absence d'ACTN3 chez les patients africains."
Le gène ACTN3 va donc favoriser les résultats des sprinters. Mais ce n'est pas la seule manière pour le muscle d'arbitrer le choix. De plus, quelques autres facteurs, appelés 'épigénétiques' et modulables par l'alimentation ou la pollution, auront également un impact non négligeable sur la performance.
(Article publié initialement lors des JO 2012)