JO 2024 : le passionné, la machine ou l’outsider ?
À un peu moins d’un an de l’annonce de la ville qui organisera les Jeux Olympiques 2024, la DH et Thierry Zintz, membre du CA du COIB, ont passé au crible, depuis Doha (Qatar), la première présentation officielle des trois candidatures encore en lice.
Publié le 23-11-2016 à 07h51 - Mis à jour le 23-11-2016 à 08h43
À un peu moins d’un an de l’annonce de la ville qui organisera les Jeux Olympiques 2024, la DH et Thierry Zintz, membre du CA du COIB, ont passé au crible, depuis Doha (Qatar), la première présentation officielle des trois candidatures encore en lice.
Paris : l’émotion et la raison
Paris a frappé fort et s’est peut-être déjà postée en grande favorite.Teddy Riner envoie un fist-bump à Tony Estanguet. Les Français, pourtant très stressés avant de se présenter devant l’assemblée générale de l’Anoc dans le somptueux hôtel Sheraton de Doha, sortent de leur présentation la tête haute.
D’entrée de jeu, Denis Masseglia, président du comité olympique français, balance la base du projet Paris 2024 : les athlètes. Une introduction appuyée par Teddy Riner. Aussi cool que sur le tatami, il n’a pas encore mis Ippon aux USA mais possède un Yuko d’avance. Son rôle ? Prouver l’implication des athlètes dans la mise en place du projet pour qu’ils soient au centre des Jeux.
Au programme : un seul village olympique, des infrastructures rassemblées - on parle de 100 % des athlètes logés à maximum 20 minutes de leur lieu d’entraînement - sans pour autant manquer de charme.
Versailles, le Champ-de-Mars, les Invalides et même une Seine purifiée afin de laisser les athlètes y nager pour le triathlon et la nage en eau libre, Paris met des étoiles dans les mirettes.
La ville lumière n’est toutefois pas que paillettes et poudre aux yeux. Les représentants du bid l’ont bien fait comprendre : le social, le climatique auront également leur place dans ces JO.
Tony Estanguet ne se privait d’ailleurs pas de résumer ce que pourraient être les Olympiades parisiennes par les mots "passion" et "raison". Un second terme qui se traduit par une faible empreinte carbone, un héritage utile des infrastructures et un premier mis en avant par la promesse de stade comble grâce à l’attrait du sport pour le public français.
Estanguet, bien introduit par le magnifique discours d’Anne Hidalgo sur les valeurs de la ville, maire de Paris, basé sur la passion, a mis une grande partie de l’assemblée d’accord : le dossier français est en béton, voire même trop chargé pour en comprendre le message global.
L’analyse de Thierry Zintz : "Elle est celle qui m’inspire le plus. D’abord pour le professionnalisme des pontes du bid . Ensuite, pour un Teddy Riner qui s’exprime comme sur le tatami : Ippon, sans détour, naturel. Il est vraiment très clair dans son propos. Anne Hidalgo a été une découverte. Elle a su mettre en valeur l’angle d’attaque des Français. Elle voulait faire comprendre que le pays est accueillant. La posture est complètement différente de celle de la dernière candidature. Le comité ne se voit plus comme la ville légitime mais comme un candidat lambda. Il n’y a plus ce complexe de supériorité du passé. Ils veulent utiliser leur patrimoine exceptionnel au service des JO. J’ai eu l’occasion de discuter avec beaucoup de personnes lors de la seconde partie de l’assemblée et la candidature française a convaincu."
Ils ont dit : "Je pense que les gens de l’assemblée ont aimé ce qu’on a mis dans notre présentation : l’âme", dit Teddy Riner.
Los Angeles : Hollywood version froide
Los Angeles possède le dossier et le budget les plus impressionnants, mais a peut-être été trop efficace.
Les images sautent aux yeux comme dans un trailer de blockbuster américain.
Les images sont claires, précises, chirurgicales. Janet Evans, ancienne nageuse olympique et tête pensant du projet Los Angeles 2024 , l’annonce sans détour : les JO de la Cité des Anges seront la plus grande expérience olympique jamais vue.
À l’entendre, on pourrait même penser que tout est déjà prêt et que les Américains pourraient accueillir les Jeux dès demain. Et pourtant, les projets californiens sont magistraux d’ambition. "Nous avons un mot clé : transformation", assénait Casey Wasserman, président du bid LA 2024. Le businessman veut repenser les JO de A à Z.LA a annoncé être une ville qui adaptera les JO à son urbanisme et non l’inverse. Des considérations architecturales qui ne laissaient, bien entendu, aucune place au gros défaut de cette candidature : les interrogations quant aux distances à parcourir d’un complexe à un autre.
Le mot d’ordre dans la ville du cinéma est d’allier le sport au divertissement, de faire de ces Olympiades le plus grand spectacle sportif de tous les temps. Ce sentiment était dominant à la sortie d’une présentation aussi efficace que froide, voire aseptisée.
Les Américains annoncent du show en tribune mais n’en oublient pas pour autant le but social de toute compétition d’une telle ampleur. Et pour appuyer sur ce point, les Américains avaient sorti un lapin (ou plutôt une gazelle) de leur chapeau. Invitée de dernière minute vu sa faible implication récente dans le projet de sa ville natale, Alysson Felix, sextuple médaillé d’or, a été une bonne surprise.
Sans hésiter, elle a mis en lumière l’impact social des Jeux pour une Amérique "qui en a besoin" et qui est à l’image des Jeux : représentative de la diversité. Quelle que soit la personne au pouvoir, conclut-elle entre les lignes (lire ci-contre) en pointant du doigt la récente élection de Donald Trump qui en fait réfléchir certains au sujet du projet californien.
L’analyse de Thierry Zintz : "Ils possèdent un superbe dossier mais sous cellophane. C’était froid. ‘We will deliver ’, c’était vraiment ça. J’ai été impressionné par Janet Evans et le maire de Los Angeles qui y ont été avec les tripes. Alysson Felix a, elle, osé la prise de position politique en répondant à ceux qui disent que ce ne sera pas facile avec le nouveau président (NdlR : Trump) . Il en fallait pour oser affirmer ça. Niveau infrastructures, tout y est déjà. Il y a un retour possible dans le stade mythique de Los Angeles (1984) et c’est un gros atout mais la France possède aussi cette force car mis à part quelques constructions dans le grand Paris vers Saint-Denis, la base est présente. En cela, ces deux projets sont sur la continuité de Londres."
Ils ont dit : "La diversité de notre cité est notre plus grande force. Et notre cité est à l’image de l’Amérique. J’ai un message pour vous : s’il vous plaît, ne doutez pas de nous", dit Alysson Felix.
Budapest : la sympathie du minimalisme
Budapest joue sur son aspect humain et proche, mais cela semble court face aux deux autres.
"The right city at the right time." Balazs Furjes, président du comité de candidature de Budapest 2024 , a martelé cette phrase jusqu’à provoquer des éclats de rire chez les nombreux invités attentifs à son discours inspiré et entier.
La présentation du projet Budapest 2024 a d’ailleurs remporté la palme à l’applaudimètre. Il faut avouer que le Petit Poucet passait après l’énorme machine américaine et a réussi à jouer sur sa sympathie.
Et c’est bien là l’une de ses seules armes face aux mastodontes adverses. Car la candidature hongroise ne fait pas le poids face à ses concurrents autant au niveau du projet que de la présentation. Le budget est nettement moindre et ça se ressent.
À défaut de posséder les moyens ou l’histoire sportive des deux autres, Budapest est la seule à avoir fait passer un message clair en voulant des Jeux complètement neufs, à taille humaine.
Cet argument a été sans cesse répété avec comme toile de fond une image récurrente du centre de la capitale et le chiffre 12, soit le trajet maximal en minutes que devront effectuer les fans entre les différentes arènes. Sept kilomètres, douze minutes. Des chiffres qui font rêver pour la ville "qui monte et qui a de l’ambition", dit Alexandra Szalay-Bobrovniczky, députée-maire de Budapest.
Se présentant comme une alternative après Rio, Budapest se veut être le pionnier d’une nouvelle génération de ville olympique. "Et ouvrir l’espoir à de nouveaux pays, de nouvelles villes", conclut Balazs Furjes.
Le projet est jeune, beau, ambitieux mais surtout un peu court.
L’analyse de Thierry Zintz : "C’est une gentille, voire trop gentille candidature. Ça manque de fond même si leur idée maîtresse qui consiste à organiser tout au centre-ville est bien. Ils ont, par contre, peut-être péché en ne disant pas toute la vérité car je ne vois pas où la voile pourrait avoir lieu à part au lac Balaton à 80 kilomètres de là… Cette compacité de projet reste toutefois leur grande force. Pour la sécurité, je me pose quelques questions au niveau des pickpockets, par exemple. Puis, en termes de présentation pure, il manquait peut-être un orateur plus versé dans l’émotion, moins dans le rationnel."
Ils ont dit : "Nous sommes une vraie alternative après Rio avec une ville de taille moyenne, des coûts raisonnables et un véritable héritage à léguer", dit Balazs Furjes.
La question qui peut tout changer L’alternance des continents pour Los Angeles ?
L’une des plus grandes craintes du comité de candidature de Paris 2024 était l’alternance des continents. Une vieille légende ou tradition, c’est selon, qui a beaucoup fait parler après la présentation des candidatures. Dans les couloirs du Sheraton de Doha, les membres de la délégation française l’assumaient : "Nous savons que le fait que l’Europe ait organisé les Jeux de 2012 (NdlR : à Londres) peut jouer en notre défaveur."
Si on suit la logique Londres (Europe), Rio (Amérique du Sud), Tokyo (Asie), il ne manque plus que l’Amérique du Nord pour compléter le tableau.
Un argument que refuse le vice-président du COIB, Thierry Zintz. "Oui, elle existe. Mais regardez l’Asie qui a tout pris notamment en termes de JO d’hiver. En 14 ans, ils ont eu 5 olympiades. Donc, ça ne devrait pas handicaper la France ou la Hongrie."