Anne Zagré veut tourner la page Rio (VIDEO)
Publié le 01-03-2017 à 19h40 - Mis à jour le 02-03-2017 à 14h11
La spécialiste des haies espère conclure en beauté une saison indoor prometteuse. Tourner la page et avancer. Tel est le credo d’Anne Zagré qui conserve certes un goût amer des Jeux de Rio où, comme quatre ans plus tôt, à Londres, elle a échoué au stade des demi-finales. Une seconde d’inattention sur le sixième obstacle sonna le glas de ses espoirs de finale.
"Rio, c’est toujours assez compliqué", avoue-t-elle. "Ce que je retiens, c’est que j’étais en forme. Pour le reste… Ce fut un moment dur à passer, qui est ancré en moi mais dont j’espère qu’il va m’aider à passer un cap. Vous savez, après ce genre de mésaventure, soit on décide d’abandonner et de rester sur le négatif, soit on décide d’apprendre de ses erreurs et de progresser. J’ai choisi la seconde option. Et finalement, je pense que Rio sera un plus pour la suite de ma carrière."
Solide tout l’hiver, la Bruxelloise, qui fêtera ses 27 ans le 13 mars, a décroché facilement sa qualification pour les Championnats d’Europe indoor et gagné cinq centièmes sur son record personnel, qu’elle a porté à 7.98, le 12 février, à Metz.
"L’hiver devait surtout me servir de transition sur la route des championnats du monde, cet été, à Londres et je n’étais pas trop sûre de vouloir aller à l’Euro. Mais mon chrono de 8.13 pour commencer la saison m’a mise en confiance", avance Anne Zagré. "À partir de là, je me suis dit : ‘On va battre ce record !’ Puis, j’ai couru 8.00, mais je voulais vraiment descendre en dessous de cette barre chronométrique. Mentalement surtout, c’est important. Croyez-moi, après Rio, ces 7.98, c’était une sacrée montée d’émotions ! C’est agréable de voir que le travail paie quand même et que je continue à progresser. C’était l’objectif que je voulais atteindre."
Ce gain d’une poignée de centièmes est avant tout "la suite logique du travail" effectué par l’élève de Jonathan Nsenga, qui peut s’appuyer sur une deuxième partie de course où elle laisse libre cours à sa puissance. "Vu mes références en outdoor, on s’est toujours dit avec Jo que je devais être capable de courir sous les 8 secondes sur 60 m haies", poursuit la jeune femme. "Mais même si je ne m’améliore que d’un centième, moi je prends ! Tant que je progresse…"
Les Championnats d’Europe de Belgrade pourraient lui permettre de donner plus de force encore à ses propos.
"À Metz, ce n’était pas du tout la course parfaite. C’était une bonne course mais je peux encore aller chercher des centièmes entre le départ et la première haie. Souvent, j’ai tendance à m’écraser sur un appui ou deux", commente-t-elle. "Ici, même si ce rendez-vous n’est pas prioritaire dans ma saison, cela reste des championnats et je les prends très sérieusement. J’ai envie de faire quelque chose de bien. Je vais prendre course après course et on verra où cela me mènera. Maintenant, c’est vrai que depuis que j’ai signé ce chrono de 7.98, je me dis qu’il y a peut-être quelque chose à jouer si je m’améliore encore un peu…"
Inutile, en tout cas, de ressasser le souvenir de Prague, il y a deux ans, lors de sa première expérience en salle. "Prague ? J’ai complètement zappé", éclate-t-elle de rire, en feignant de ne pas se rappeler son élimination dès les séries. "Ce n’étaient que mes premiers championnats en salle. Ici, à Belgrade, je vais essayer de faire du mieux que je peux. Je n’ai pas un objectif précis. J’espère avant tout retrouver du plaisir, de bonnes sensations…"
Début avril, Anne Zagré partira en stage au Portugal, avant de revenir en Belgique quelques jours, puis de repartir deux semaines encore à Tallahassee, aux États-Unis. "J’y retrouverai des filles qui vont me pousser à l’entraînement et je disputerai au moins une course en Floride début mai", précise la hurdleuse de 26 ans pour conclure.

Pour Adrien Deghelt, un souvenir heureux
Le compagnon de la Bruxelloise était monté sur le podium européen en 2011.
Présent ce mardi aux côtés d’Anne Zagré lors de sa dernière séance de musculation avant le grand départ pour Belgrade, Adrien Deghelt souligne le caractère imprévisible d’une épreuve où beaucoup d’événements peuvent se produire.
"La fille qui sera en grande forme le jour de la compétition et qui arrive à réunir les différents paramètres au moment opportun aura, bien sûr, toutes les chances de l’emporter", explique le jeune retraité des pistes. "Mais en même temps, sur les haies, tout peut se passer, des favorites peuvent tomber et, à partir du moment où on entre en finale, on sait que tout peut arriver."
Le Namurois de 31 ans, médaillé de bronze européen le 4 mars 2011 à Paris-Bercy, le jour de sa fête, s’attendait à voir sa compagne sortir un gros hiver : "C’est une évolution logique. Les chronos en salle réalisés par Anne ne reflétaient pas, jusqu’ici, le niveau affiché en outdoor même si, bien sûr, son départ n’est pas son point fort. Elle a beaucoup travaillé et cela devait inévitablement se traduire par un chrono sous les 8 secondes."
L’Euro en salle rappelle forcément d’excellents souvenirs à Adrien Deghelt, monté sur le podium du 60 m haies aux côtés du Tchèque Svoboda et du Français Darien il y a six ans. Il avait alors signé un chrono de 7.57, à 2 centièmes du record de Belgique de Jonathan Nsenga.
"J’étais un peu, à l’époque, dans la même optique qu’Anne actuellement : mon départ n’était pas mon point fort non plus et je me suis entraîné sans vraiment me mettre de pression par rapport à ça. Il s’est avéré que dès le début de saison, cela s’est bien passé et, à Paris, tout s’est aussi remarquablement enchaîné."
Après avoir travaillé dans un bureau de courtage, Adrien Deghelt pourrait à présent se tourner vers une autre carrière, celle de… pompier ! "Pour l’instant, j’ai réussi tous mes tests ! C’est physique mais c’est ce que j’aime. À mon âge, j’ai encore besoin de bouger. Quant à l’athlétisme, je ne regrette pas ma décision d’avoir arrêté en 2015, même si cela me démange de temps à autre…"
"L’accident de Prague ne peut plus arriver"
Jonathan Nsenga estime que la finale est "un minimum" pour son élève.
Jonathan Nsenga peut se retourner avec satisfaction sur la première partie de saison d’Anne Zagré, une athlète qu’il entraîne depuis 2011.
"Comment aborde-t-on ces Championnats d’Europe ? Disons qu’ils ne constituent pas une priorité d’autant que, pour moi, la saison est d’ores et déjà une réussite : Anne a battu son record personnel et elle tient tête aux meilleures Européennes", explique le coach hennuyer de 43 ans. "Dans l’optique de la saison d’été, on continue à travailler sur ses lacunes au départ et, si ce n’est pas encore tout à fait ce que j’attends d’elle, elle est en train de gommer certains défauts et elle progresse. C’est de mieux en mieux, le temps descend et elle montre aux autres filles qu’elle est présente. Bref, je pense qu’on est dans le bon."
L’entraîneur montois ne veut toutefois pas en rester là : s’il n’est pas une priorité, l’Euro indoor tombe à point nommé, après les Jeux Olympiques de Rio, afin de relancer Anne Zagré dans une spirale positive. Et permettra à l’intéressée, au passage, d’effacer le mauvais souvenir de sa première expérience en salle.
"Ces championnats constituent une redécouverte après la catastrophe de Prague, en 2015, où Anne, qui avait alors connu un petit excès de confiance, avait pris la porte après le premier tour alors qu’on avait des raisons d’être ambitieux", poursuit Jonathan Nsenga. "Ce genre de chose ne peut plus arriver. Il y a trois courses le même jour, donc il faut rentrer tout de suite dans la compétition. Cette fois, les séries se déroulent à partir de 12 h 45, donc pas question de dire qu’on n’était pas bien réveillé. Pour moi, la finale, c’est un minimum."
Le podium, lui, reste un must tant le niveau global est relevé en Europe. Et il faudra probablement aller chercher le record de Belgique (7.92) d’Eline Berings, sacrée championne d’Europe en 2009 avec ce chrono, pour décrocher une médaille.
"C’est vrai, ici, même en courant en 7.90, on n’est pas sûr d’être sur le podium alors qu’il y trois ou quatre ans, cela aurait encore suffi", estime Jonathan Nsenga. "Il faudra donc être à son meilleur niveau le jour J . Le record de Belgique est dans un coin de la tête, c’est sûr, mais on veut surtout quitter Belgrade avec un grand smile sur le visage."