La confirmation d'une reine et la chute d'un roi: les tops et flops de 2017 en athlétisme
Publié le 26-12-2017 à 15h08
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Retour sur les temps forts de la saison écoulée.
Les tops
Athlète de l’année : Nafi Thiam refait le monde
Un an après les Jeux olympiques de Rio, Nafissatou Thiam a remporté un deuxième titre planétaire à l’heptathlon lors des Championnats du Monde de Londres, où elle a parfaitement résisté à la pression (impossible de refaire le coup de celle que l’on n’attendait pas !) et porté le poids du statut de favorite durant toute la compétition. La jeune Belge fut d’autant plus épatante cette année qu’elle a remporté, dès le mois de mars, un titre de championne d’Europe en salle au pentathlon avant de mettre le cap sur Götzis, en Autriche, en mai et de remporter la compétition la plus prestigieuse qui soit pour les spécialistes des épreuves combinées. Le total de 7.013 points réussi ce week-end-là lui vaut d’être aujourd’hui la troisième athlète de l’histoire dans sa discipline, un ranking auquel elle n’aspirait pas forcément à l’aube de la saison. Mais avec Nafi, les choses vont décidément très vite et ce titre honorifique inédit d’Athlète de l’année décerné en novembre lors des IAAF Athletics Awards à Monaco récompense tout à la fois l’abnégation, le travail et le talent d’une athlète très complète et à la force mentale jusqu’alors insoupçonnée. Et, même si elle se plaît à souligner que "tout peut aller très vite, dans un sens comme dans l’autre", on se prend à rêver qu’il ne s’agit que d’un début dans la carrière de Nafi Thiam, dont le duo avec l’entraîneur Roger Lespagnard se révèle particulièrement complémentaire. Alors, Nafi, rendez-vous en 2018 pour de nouvelles aventures et de nouveaux exploits !
Nouvelle tête : Bosse, champion atypique
C’est l’une des personnalités détonantes de la saison 2017. Ce 8 août, Pierre-Ambroise Bosse en a fait pleurer plus d’un, d’émotion puis de rire, en remportant le titre mondial sur 800 m. Profitant de l’explication entre Nigel Amos et Kipyegon Bett, les deux favoris de la course, l’ancien champion d’Europe junior fit l’extérieur pour s’en aller cueillir, le regard fixé sur la ligne d’arrivée, sa première médaille d’or après une 7e place en 2013 et une 5e en 2015. "Je me suis fait couper la route assez vite et je me suis dit : ‘Pourquoi pas ? Pourquoi pas tenter quelque chose de fou ?’ Dans la dernière ligne droite, je ne comprenais rien, je vivais un rêve", explique-t-il avec le naturel qui le caractérise. Adepte du second degré, le Français de 25 ans a poursuivi son show devant les caméras du monde entier. L’occasion de faire mieux connaissance avec ce Nantais surréaliste, obsédé par son chat Rab’s ("Ça veut dire : rien à branler, au pluriel"), fan de Jean-Luc Mélenchon ("enfin, du personnage, de son élocution") et de mangas japonais, qui avoue également une passion pour la guitare. L’apprentissage de la médiatisation et de la célébrité passera aussi, malheureusement pour lui, par une violente altercation survenue dès la fin août sur le parking d’un casino. Celle-ci fera grand bruit et le contraindra à arrêter sa saison. Le visage fracturé en plusieurs endroits, un œil fortement endommagé ("J’ai failli le perdre !"), Pierre-Ambroise Bosse se reconstruit aujourd’hui pour défendre sa place de champion sur la piste dès l’Euro de Berlin.
Légende du fond Farah, un dernier tour en piste
Il y a des noms qui resteront encore longtemps gravés dans la légende de l’athlétisme mondial. Celui de Mo Farah en fait partie : l’athlète né en Somalie et ayant acquis la nationalité anglaise a multiplié les exploits sur la piste depuis 2010 après s’être taillé une flatteuse réputation en cross-country. Cet été, dans le stade olympique de Londres qu’il avait enflammé en 2012 à l’occasion des Jeux Olympiques, l’athlète de 34 ans a remporté un troisième titre mondial consécutif sur 10.000 m dans une ambiance indescriptible. Quelques jours plus tard, il tentait un nouveau doublé mais l’Éthiopien Mukhtar Edris le privera d’une deuxième médaille d’or, Farah devant se contenter de la deuxième place. Ce sera l’un des derniers faits d’armes du quadruple champion olympique. Au Weltklasse de Zurich, lors de la finale de la Diamond League, Mo Farah fera ses véritables adieux à la piste à l’issue d’une victoire particulièrement étriquée sur 5.000 m. "Je voulais gagner et c’est fantastique que ce soit arrivé", commente le Britannique, qui va désormais se concentrer sur la route et en particulier sur le marathon. Histoire d’écrire une nouvelle page d’une légende déjà bien fournie…
Les flops
Pas de happy end : Usain Bolt, fin de l’histoire
Au mois d’août, l’athlétisme a définitivement perdu son icône, sa rockstar ou plutôt son reggaeman. Usain Bolt avait très certainement rêvé d’une autre sortie lors des Championnats du Monde de Londres où le Jamaïcain s’est, faut-il l’écrire, complètement planté. Le détenteur du record du monde du 100 m et du 200 m, particulièrement vulnérable au départ, n’a jamais semblé dans le rythme, à l’image d’un début de saison laborieux (il a débarqué à Londres avec un temps de 9.95, son plus mauvais chrono d’avant-championnats). Pas de huitième titre mondial individuel sur 100 m : l’Éclair a été lui-même foudroyé cette fois par le duo américain composé de Justin Gatlin et de Chris Coleman, l’octuple champion olympique devant se contenter de la médaille de bronze. Et si l’ancien repenti s’était imposé… sous les huées du public, c’est bien Usain Bolt qui effectua un tour d’honneur pour ponctuer sa dernière course individuelle. Surréaliste ! Quelques jours plus tard, c’est un relais 4x100 m qui devait mettre un terme au parcours du plus grand sprinter de l’histoire. Recevant le témoin en troisième position, Bolt allait toutefois se crisper et laisser éclater au grand jour une blessure musculaire qu’il avait vainement tenté de dissimuler après avoir envisagé le forfait. Une fin chaotique pour un champion hors norme qui, pendant deux olympiades, a révolutionné sa discipline par bien des aspects et a accédé au statut de star planétaire du sport. Sûr que le grand public n’est pas près de l’oublier !
Makwala, quelle saga !
Le sport de haut niveau, qui a déjà proposé son lot de situations étonnantes, a offert une saga digne des meilleurs feuilletons américains lors des Mondiaux. Avec, dans le rôle du héros, le Botswanais Isaac Makwala, lequel a contracté - comme bon nombre de participants aux championnats s’étant produits avant lui à Londres - un virus contagieux. Se basant sur les recommandations de l’Agence publique de santé, l’IAAF a tout d’abord interdit au coureur de 400 m de prendre part à la finale de son épreuve de prédilection, lui refusant l’accès à la piste alors que l’athlète, forfait pour les séries du 200 m la veille, se disait prêt à courir. Une interdiction condamnée par la communauté athlétique ! Le lendemain, Isaac Makwala a alors été autorisé à disputer, seul et en tout début de programme, la série du 200 m qu’il avait manquée deux jours plus tôt. Et ce, "vu que sa période de quarantaine a expiré et suite à des examens médicaux qui ont montré qu’il était apte à courir". Pour Isaac Makwala, au couloir 7, la qualification était toutefois conditionnée à la réalisation d’un chrono de 20.53, ce que l’intéressé, follement encouragé, réussit avec une apparente facilité malgré la pluie et le froid. Son temps : 20.20 ! L’Africain fila alors immédiatement se réchauffer : la demi-finale l’attendait deux heures plus tard. Et il s’est qualifié à nouveau grâce à sa deuxième place en 20.14, depuis… le couloir 1 ! "J’ai couru avec le cœur brisé, avec de la colère !" tonna Makwala, qui paya ensuite ses efforts en finale (6e en 20.44). "On n’aurait jamais traité Usain Bolt ou Mo Farah de cette façon."
Eliud Kipchoge, le sportif au service du marketing
"On ne peut pas comparer ce qui s’est passé à Monza avec un marathon traditionnel, mais cela n’en reste pas moins une performance extraordinaire." En une phrase, Koen Naert, le meilleur marathonien belge actuel, a bien résumé notre sentiment à l’issue du #Breaking2, du nom de cette tentative de descendre sous les deux heures sur la distance du marathon (42,195 km). Le 6 mai 2017, sur le circuit automobile de Monza, le Kenyan Eliud Kipchoge a endossé la cape rouge-orange du super-héros pour faire vivre cette coûteuse opération de marketing imaginée par l’équipementier Nike. Idéalement orchestrée (avec toutes les avancées technologiques imaginables, une armée de lièvres assurant le tempo de tour en tour, une aspiration artificielle par véhicule interposé et une préparation physique sur mesure pour les intéressés), elle n’aura pas abouti puisqu’il a manqué 26 secondes à Kipchoge pour descendre sous le seuil mythique. Mais elle aura alimenté le débat pendant plusieurs jours, tiré du lit les passionnés et fait rêver beaucoup de monde. D’autant que Kipchoge est resté sur les bases de moins de 2 heures pendant 30 km et a fini sous le record du monde (2h02.57), sa belle performance (2h00.25) ne pouvant être homologuée pour des raisons évidentes. Après cet épisode où le sportif s’est mis au service du marketing, on est toutefois très heureux d’avoir vu le champion olympique de 32 ans reprendre le chemin d’un vrai marathon, en septembre dernier à Berlin. Verdict : 2h03.34. Un chrono qui, lui, ne doit rien à personne…