Nancy Sophie, victime de son entraîneur-amant à 14 ans: "Il voulait que je mette des robes et des talons"
Le témoignage bouleversant de Nancy Sohie, victime de son entraîneur-amant, à 14 ans…
Publié le 13-02-2020 à 07h48
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Le témoignage bouleversant de Nancy Sohie, victime de son entraîneur-amant, à 14 ans…
Ce mois de février 2020 est décidément le plus sombre de l’histoire du patinage artistique, celui des révélations les plus sordides émanant de femmes, victimes d’abus sexuels au cours de leur adolescence.
Que ce soit dans un livre comme la Française Sarah Abitbol ou dans la presse pour la Belge Nancy Sohie, elles osent aujourd’hui raconter l’enfer qu’elles ont vécu à l’époque où elles étaient sportives de haut niveau. Un point commun : leur(s) relation(s) intimes avec leur entraîneur, devenu, en quelque temps, bien plus que leur coach…
L’affaire Abitbol a conduit à la démission du président de la Fédé française des sports de glace, Didier Gailhaguet, accusé d’avoir couvert les agissements de Gilles Beyer, mentor de l’ancienne patineuse.
Pour Nancy Sohie, 52 ans, Brugeoise d’origine habitant Niort, l’histoire (qu’elle raconte à L’Équipe…) a commencé pendant l’été 1981, alors qu’elle était âgée de 13 ans. C’est à Bruges qu’elle a rencontré pour la première fois un certain Jacques Mzorek, entraîneur français, ancien patineur aux Jeux (2x), au Mondial (5x) et à l’Euro (5x).
"Il s’occupait des patineurs belges avec qui je m’entraînais et il m’a donné un conseil technique sur un saut sur lequel j’étais mal à l’aise. Et ça a marché ! Je suis rentrée chez moi éblouie, d’autant qu’il patinait avec la troupe Holiday on Ice, un spectacle auquel j’avais assisté avec mes parents quand j’étais plus jeune."
C’est ainsi que, selon Nancy Sohie, Jacques Mzorek a commencé à la conseiller avant de rencontrer ses parents en leur disant que leur fille l’intéressait. À partir de là, l’entraîneur est venu tous les mercredis, pendant deux heures après la séance publique, superviser l’entraînement de l’adolescente, avec qui une certaine relation de confiance s’est alors installée.
"L’été suivant, il est venu pour le stage avec sa caravane. Il m’y invitait assez souvent pour écouter de la musique. C’est là que son approche a commencé. J’avais 14 ans. Moi, j’étais amoureuse. Et, quand il m’a embrassée, je l’ai vécu comme une histoire d’amour."
Une histoire cachée…
Chez elle, à Niort, où elle vit aujourd’hui et où elle a élevé ses enfants, Nancy Sohie se souvient d’autant mieux qu’elle a tout écrit dans son journal intime.
"Mon premier rapport avec lui date du 17 août 1982. J’avais 14 ans et demi. Lui, 32 ans. Nous sommes, alors, devenus un couple, en privé. Car, en public, il n’y avait jamais d’affection."
L’entraîneur-amant s’occupait de tout, venait chercher la jeune fille à l’école.
"Il m’a volé mon adolescence ! Il voulait que je mette des robes et des talons ! Comme une femme que je n’étais pas…"
Contacté par le club de Dunkerque, Jacques Mrozek a, alors, persuadé les parents de Nancy qu’il pouvait l’y emmener. La jeune fille a arrêté l’école et est partie dans le nord de la France.
"C’est à partir de ce moment que la situation s’est gâtée… J’avais tout quitté, mes parents, mes amis, pour me retrouver seule avec lui. Et mes prestations sur la glace s’en sont ressenties alors que lui, il a commencé à boire beaucoup. De la caravane, nous sommes passés dans un appartement, où je m’occupais du ménage."
Après Dunkerque, l’entraîneur a été engagé par le club de Niort et c’est ainsi que Nancy Sohie, alors âgée de 17 ans, s’est retrouvée en septembre 1985, dans les Deux-Sèvres, où elle réside désormais. À l’été 1986, la patineuse et son coach sont partis en stage à La Roche-sur-Yon, où elle a commencé à réaliser l’emprise totale de celui qui lui répétait qu’elle n’était rien sans lui.
"Et puis, un jour, mes parents ont débarqué lors d’une soirée très alcoolisée. Furieuse, ma mère m’a dit : ‘Tu rentres avec nous !’ J’ai pleuré pendant tout le trajet de retour à la maison. Je ne remercierai jamais assez mes parents d’être venus me chercher parce que je ne serais jamais partie de moi-même…"
Malgré les témoignages de deux anciennes patineuses, de Dunkerque et de Niort, confirmant la réalité du "couple", Jacques Mzorek, 69 ans aujourd’hui, conteste avoir abusé de Nancy Sohie et dément même avoir vécu avec elle pendant ces quatre années ! Et ils ne se sont revus qu’une seule fois…
"J’aurais voulu aborder le sujet, lui dire que c’était mal ce qui s’est passé, mais je n’y suis pas parvenue. Je ne suis pas fière de ces quatre ans, pas fière d’avoir été abusée, mais j’ai fini par l’accepter. Il est temps que lui aussi soit confronté à cette histoire !", conclut Nancy Sohie, qui suit une psychothérapie depuis vingt ans, mais qui s’est libérée d’un terrible poids moral en révélant ce qui fut pour elle une agression, un viol, à la fois physique et mental.