Sportifs pro et dépression, le grand tabou : une omerta accentuée par le Covid
Aucun sport n’échappe à la pression mentale. Les sportifs qui n’osent pas reconnaître avoir souffert de dépression sont nombreux.
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Publié le 04-06-2021 à 07h07 - Mis à jour le 04-06-2021 à 07h11
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L’image a fait le tour du monde. La championne de tennis japonaise Naomi Osaka a annoncé cette semaine son retrait du tournoi de Roland-Garros pour préserver sa santé mentale. Le fait qu’une athlète, qu’importe son sexe et sa discipline, renonce à une compétition aussi importante et parle publiquement de sa santé mentale est extrêmement rare.
De son côté, David Goffin a reconnu aussi qu’il n’arrivait plus à reproduire en match ce qu’il réalisait à l’entraînement. Le Liégeois évoque un problème mental qu’il n’arrive pas à surpasser.
Des stars du ballon rond ont ausi éveillé les consciences sur les souffrances psychologiques des athlètes de haut niveau.
En effet, la dépression et l’anxiété existent aussi dans le sport mais le bien-être psychique des sportifs reste encore beaucoup trop tabou, selon Manuel Dupuis, psychologue dans le domaine du sport depuis près de vingt ans.
En Belgique, où la conso d’antidépresseurs est une des plus élevées d’Europe, le sujet reste confidentiel. "Ce sont des réalités cachées chez énormément de sportifs de haut niveau. Beaucoup plus de sportifs qu’on ne le pense souffrent de ces maux et ça s’est amplifié avec la crise du Covid. On les voit comme des demi-dieux intouchables alors que c’est totalement faux, ils ont aussi des tendances dépressives, ce qui ne les empêche pas toujours d’être performants. Ils doivent avoir un suivi psychologique", explique le préparateur mental dans le sport de haut niveau. Après 35 ans de service auprès des athlètes et des entraîneurs, Philippe Godin (psychologue du sport à l’UCL) raconte la difficulté qu’ont les sportifs à exprimer leur mal-être. "Quand on leur propose des séances, ils disent souvent qu’ils ne sont pas fous, qu’ils n’en ont pas besoin, il y a une mauvaise connotation même si la notion de santé mentale a évolué positivement avec le Covid qui a mis en lumière les besoins grandissants dans ce domaine, elle devient enfin essentielle." Et pourtant, la pression, l’angoisse et le stress font partie du quotidien des joueurs, que ce soit sur ou en dehors des terrains. La Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels (Fifpro) a d’ailleurs mené une enquête en 2020 lors du premier confinement pour s’intéresser aux troubles psychologiques, qu’ils soient d’ordre professionnel ou privé (rupture, conflit avec l’entourage, manque de lien social ou encore décès d’un proche). Et le bilan est sans appel : 22 % des joueuses et 13 % des joueurs font état de symptômes compatibles avec le diagnostic d’une dépression.