La Belgique, cette nouvelle terre de gymnastique
Dans son ascension, Nina Derwael a entraîné tout un collectif vers le succès.
- Publié le 26-07-2021 à 18h59
- Mis à jour le 26-07-2021 à 19h02
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La cinquième place historique de nos gymnastes en qualifications du concours par équipe constitue l’une des excellentes surprises de ce début de Jeux olympiques à Tokyo. La Belgique est-elle subitement devenue l’une des meilleures nations au monde dans la discipline ? "C’est une construction sur le long terme qui est en train de porter ses fruits", affirment les entraîneurs Yves Kieffer et Marjorie Heuls.
Voici comment notre pays a réussi à se hisser à un niveau lui permettant de rivaliser avec les plus grands pays.
Un gros investissement
La Gymfed, la fédération néerlandophone de gymnastique, est chanceuse : elle fait partie des fédérations les mieux subsidiées en Flandre où l’on investit lourdement depuis une décennie dans le petit vivier du nord du pays afin de détecter les talents de plus en plus jeunes. Les installations du Topsporthal, à Gand, qui accueillent l’élite de la gymnastique flamande, ont été complètement remises à neuf en 2018 pour plus d’un million d’euros. Un joli cadeau de la Flandre à ses entraîneurs…
Des entraîneurs pros et une vision claire
Les avis sont unanimes : Yves Kieffer et Marjorie Heuls se trouvent à la base du renouveau de la gymnastique en Flandre. Ce couple de techniciens français, qui a conduit Émilie Le Pennec au titre olympique aux barres asymétriques lors des Jeux d’Athènes en 2004, est arrivé chez nous en janvier 2009. Considérés comme les architectes des succès de la génération actuelle, Kieffer et Heuls, forts de leurs connaissances techniques et de leur expérience, ont apporté une vision claire et obtenu quasiment les pleins pouvoirs pour la réaliser, avec la bénédiction de l’ancien coordinateur du sport de haut niveau à la Gymfed, Lode Grossen.
"Notre discours de départ a été volontariste : on disait aux filles : ‘vous avez deux bras, deux jambes, vous pouvez le faire aussi’", rappelle Marjorie Heuls. "Mais il a fallu mettre des choses en place au niveau de la structure. On a beaucoup évolué ces dernières années au niveau de la fédération, avec l’internat, etc. Mais d’abord, il a fallu convaincre et fédérer des gens autour du projet, pour qu’ils comprennent ce que cela représente réellement d’aller vers une sélection olympique. Il a fallu convaincre et expliquer que si l’objectif est d’avoir une équipe aux Jeux, il y a un certain nombre de choses à mettre en place au niveau du comportement, de l’attitude dans la salle, en dehors de la salle, etc. Et on y est arrivés."
Depuis leur intronisation, les Français - qui ont aussi obtenu la nationalité belge fin 2017 - n’ont eu de cesse d’augmenter le niveau d’exigence général. Mais à quel prix ? Plusieurs filles passées par le centre de Gand ont dénoncé avec virulence, depuis l’an dernier, certains abus psychologiques et verbaux. Le jour où la commission d’enquête indépendante a rendu son verdict, un message d’excuses enregistré par Heuls et Kieffer, dans lequel ils reconnaissent certaines erreurs dans leur méthode de travail, a été diffusé. "Notre approche de l’entraînement par le passé a parfois été dure et trop axée sur la performance." Des pratiques qui appartiennent au passé, assurent fédération et coachs, soutenus également par les gymnastes actuelles.
Une équipe d’experts
Depuis 2018, la Gymfed s’est encore davantage structurée avec la création, autour des entraîneurs, d’une équipe comportant médecin, kinésithérapeute, diététicien, psychologue de la performance, etc. "Sans eux, l’équipe n’en serait pas là où elle en est aujourd’hui", a rappelé Marjorie Heuls, dimanche, au soir des qualifications. "C’est un staff vraiment complet et qui a été très solidaire durant les événements qu’on a connus."
Une confiance mutuelle
Bien sûr, il faut des gymnastes de talent détectées rapidement pour bâtir un effectif solide et compétitif. Lequel comptait treize athlètes lors de la dernière olympiade en vue des Jeux de Tokyo. Un groupe où la solidarité n’est pas un vain mot et où la jalousie n’a pas sa place.
"Les filles ont confiance en nous et surtout, ce qui a beaucoup évolué, c’est qu’elles ont pris confiance en elles aussi. Les résultats de Nina ont sans doute débloqué pas mal de choses à leur niveau, elles ont senti qu’elles pouvaient le faire. Chaque jour à l’entraînement, elles ont gagné en confiance et on a essayé de garder cet esprit de légèreté en arrivant ici au Japon. Bien sûr, ce sont les Jeux, mais si on les a bien préparés, il n’y a pas de raison que cela se passe mal."
Une star qui assume
Avec Nina Derwael, la gymnastique belge s’est trouvée une figure de proue depuis cinq ans et toutes ses (jeunes) équipières en profitent aussi dans la mesure où la championne du monde, professionnelle jusqu’au bout des ongles, partage volontiers son expérience des compétitions de haut niveau. Et si l’an dernier, elle avait un peu cédé sous la pression, la voici à nouveau totalement sereine grâce à un équilibre personnel qui semble avoir été trouvé. "Le report des Jeux a été bénéfique sur ce plan-là pour Nina", disent ses coachs en chœur, satisfaits de voir les autres gymnastes profiter de cette émulation pour élever leur niveau à leur tour. "On n’a parlé que du groupe, de l’équipe depuis plusieurs semaines, et cela fait du bien à Nina également, de pouvoir penser à autre chose qu’à son exercice."
L’émergence d’une culture du haut niveau
Au fil des années, les points d’attention vont se nicher jusque dans les moindres détails. Cette année, hormis le praticable, tous les agrès posés à Gand sont les mêmes que ceux rencontrés à Tokyo. "D’une marque à l’autre, les changements peuvent être importants : aux barres, on peut parler de la structure métallique, de l’empiétement, du système de fixation plus ou moins dynamique, ce qui induit un rebond différent."
L’investissement a déjà porté ses fruits, serait-on tenté d’écrire, même si la finale par équipe reste à disputer. "C’est une culture du haut niveau qui émerge, souligne Yves Kieffer. À Rio, on était déjà contents d’être qualifié, et on a fini 12e. Cette fois, on s’est qualifiés et, en plus, on gagne 7 places. En finale, une nouvelle compétition commence. Mais il n’y a aucun complexe à nourrir."