Les Lions ont mis le basket 3x3 sur le devant de la scène en Belgique: “Le plus dur reste à venir”
À la fois fiers et déçus de leur 4e place olympique, les 3x3 Lions attendent désormais que la Belgique investisse dans leur discipline.
Publié le 28-07-2021 à 22h48 - Mis à jour le 28-07-2021 à 22h49
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Des amateurs qui ont fait trembler les meilleures équipes du monde, voilà d’ores et déjà l’une des belles histoires de ces Jeux. Pourtant, c’est sur un sentiment mitigé que l’équipe nationale belge de basket 3x3 quitte l’Aomi Urban Sports Park de Tokyo.
Qualifiés pour le dernier carré de la compétition après avoir terminé la phase de poule à une 2e place inespérée, Nick Celis et ses coéquipiers ne sont en effet pas parvenus à monter sur le podium tokyoïte. En cause, deux défaites consécutives en demi-finale et en petite finale, respectivement face à la Lettonie, futur champion olympique, et la Serbie.
"Nous avons sûrement joué contre les deux meilleures équipes du monde. Objectivement, nous ne pouvions pas rivaliser avec eux", regrette Thierry Marien, un des quatre membres de l’équipe d’origine anversoise. "Sans doute que si nous avions rencontré la Russie (NdlR : que les Belges avaient battue en poule) en petite finale, les choses auraient été différentes et nous aurions pu rêver de la médaille."
Tantôt "déçus" d’être passés à côté d’un podium olympique, tantôt "fiers" d’avoir réalisé une grosse performance d’ensemble, les Lions partageaient tous une certaine amertume après leur dernier match du tournoi.
"C’est un peu comme si j’avais travaillé dur pour obtenir un diplôme mais que celui-ci m’était passé sous le nez", résume Thibaut Vervoort, la révélation belge de la compétition.
Trop peu d’expérience
Battus sèchement par les Lettons (8-21) et les Serbes (21-10) sous les yeux du prince Albert de Monaco ou encore du président du CIO, l’Allemand Thomas Bach, les Belges ont surtout payé la fatigue accumulée au cours des derniers jours.
"On est complètement vidé. Jouer neuf matchs en cinq jours, ce n’est pas habituel pour nous", assure le capitaine Nick Celis. "Là où on courait partout au début, on a bien vu que ce n’était plus le cas lors des dernières rencontres. De plus, enchaîner autant de matchs en si peu de temps, c’est une chose. Mais c’en est une autre de prester constamment à un haut niveau…"
Incapables de reproduire constamment leur jeu basé sur la vitesse et la circulation du ballon, les Belges ont aussi payé leur manque d’adresse face à des adversaires parfois très agressifs au rebond.
"Sans doute qu’il leur manque un peu d’expérience", estime le Serbe Dusan Domovic Bulut, véritable star de sa discipline. "Ils possèdent de bonnes qualités dans l’ensemble, bougent bien, défendent bien, mais on sent parfois qu’ils ne sont pas très habitués à jouer constamment à ce niveau. Avec un peu plus de tournois professionnels dans les jambes, ils devraient s’améliorer."
"Investir absolument"
Aujourd’hui quatrièmes des Jeux olympiques, les 3x3 Lions, qui ont reçu "de nombreux messages de soutien", espèrent malgré tout que leur belle aventure ne s’arrêtera pas là.
"On a mis la Belgique sur la carte du 3x3 mondial, mais le plus dur reste sans doute à venir", confirme Nick Celis. "Dans notre discipline, en Belgique, il y a encore tout à construire."
À commencer par constituer un vrai championnat, étoffer l’équipe nationale et attirer des sponsors. "Car il n’y a qu’en investissant dans notre projet qu’on pourra faire enfin la différence avec les grandes nations."
Et prendre - qui sait ? - une première médaille olympique à Paris, en 2024.
Reste que les Belges ne devront pas attendre trois ans supplémentaires avant d’assister de nouveau à une compétition majeure de basket 3x3. Et pour cause, la ville d’Anvers accueillera les championnats du monde de la discipline en 2022. De quoi permettre aux Lions de briller aussi devant leur public.
Thibaut Vervoort parmi les meilleurs
Même s’ils terminent leur aventure tokyoïte à la plus mauvaise place, les 3x3 Lions n’ont pas à rougir de leurs prestations. À commencer par Thibaut Vervoort, le joueur belge de ce tournoi olympique.
Âgé de 23 ans, Thibaut Vervoort est parvenu à tirer son épingle du jeu sur le terrain de l’Aomi Urban Sports Park de Tokyo. Charismatique, l’Anversois affiche aussi d’excellentes statistiques.
Deuxième au classement des contres - il a réussi 8 blocs en 9 matchs - et des dunks - il en a réalisé six sur l’ensemble de la compétition -, le plus jeune des membres du 3x3 belge s’est également démarqué en emmenant le classement des "buzzbeaters" olympiques avec trois tirs décisifs juste avant la sirène.
Affichant encore le 2e taux de réussite le plus élevé à 1 point avec une moyenne de 76 % sur l’ensemble du tournoi, il quitte Tokyo en terminant à la 4e place des meilleurs marqueurs de la compétition avec une moyenne de 6,8 points par match. Une solide performance.
"Battus par plus forts mais l’histoire est fantastique"
Jacques Stas, qui est chargé du 3x3 à la fédération de basket-ball, reconnaissait que les plus forts avaient gagné mercredi.
"On s’incline à deux reprises, mais contre les équipes classées n°1 et 2 mondiales !" souligne-t-il. "On a eu un peu de chance pendant les poules, il faut le dire, puis un peu de malchance en fin de parcours avec la Russie qui signe l’exploit de sortir la Serbie. On pensait jouer les Russes et finalement on doit affronter les Serbes qui râlaient de ne pas avoir gagné le tournoi. Reconnaissons la force des autres : tant la Lettonie que la Serbie sont plus fortes."
Le bilan de nos représentants n’en reste pas moins très positif. "Dans dix jours, on se rendra compte que c’était tout simplement fantastique. Arriver jusqu’ici, puis se hisser dans les quatre dernières équipes… C’est regrettable parce que ce n’est pas aussi évident que cela de retrouver la même situation qu’on vient de vivre."
Et notre interlocuteur de rappeler qu’initialement seuls deux des quatre joueurs, Thibaut Vervoort et Nick Celis, figuraient dans le projet mais que le Covid a tout chamboulé. "Avec le Covid, ils ont formé une équipe de copains. Ils se sont entraînés de leur côté et ils sont arrivés ici à Tokyo. C’est une histoire fantastique."

Un sport qui attire les jeunes
Les Lions ont offert un sacré coup de projecteur sur la dicipline. "Visuellement, c’est super! Et puis il y a l’indécision de chaque match. Qui plus est, cela peut devenir un sport urbain où tout le monde peut venir s’inscrire. Enfin, c’est un sport qui attire les jeunes, qui est rapide dans le résultat."
Ce sport pourrait-il grandir encore en Belgique ?
"Un accord existe avec la Ligue professionnelle pour que chaque équipe de division 1 développe une équipe de 3x3 composée uniquement de joueurs belges mais tout a été stoppé en raison de la crise sanitaire du Covid. Mais il est toujours valable. On a un petit creux avec le basket 5x5 en Belgique, à l’exception des équipes nationales qui nous tirent vers le haut, et pour relancer le basket avec une version différente, comme le volley l’a eu avec le beach-volley, on avait besoin de ces résultats. Enfin, il n’y pas de raison qu’on ne puisse pas continuer alors que la formation des jeunes jusqu’à l’âge de 8 ans se fait en 3x3."
L. M.
"C’est un exploit, surtout dans ces conditions…
"Les avis sont unanimes : Nick Celis, Rafael Bogaerts, Thierry Marien et Thibaut Vervoort ont réalisé un incroyable exploit lors de ces JO, même s’ils n’ont pas réussi à décrocher une médaille. Et ce ne sont pas Axel Hervelle et Duke Tshomba qui diront le contraire. "Ce sont des joueurs qui ont sacrifié beaucoup de temps pour y arriver et ils auraient mérité une médaille. Ils ont fait un super parcours mais je pense qu’à la fin, ils étaient cuits physiquement", explique l’actuel directeur sportif du Spirou.
De son côté, Duke Tshomba a bien évidemment salué cet exploit de l’équipe belge de 3x3 mais a aussi tenu à mettre en évidence les circonstances dans lesquelles cette performance a été réalisée. "Ce qu’ils ont fait, c’est énorme, commente-t-il. Mais la raison pour laquelle c’est énorme, ce sont les conditions dans lesquelles ils se sont hissés jusqu’en demi-finale."

Et de pointer le manque (ou l’absence) de soutien de la fédération belge. "À un moment, il faut arrêter cet amateurisme dans le basket belge. Ce sont des gars qui ont tout fait eux-mêmes. Ce n’est pas normal. Maintenant, on va voir des gens qui vont tenter de ramasser les lauriers de cette performance mais il faut rendre à César ce qui lui appartient : Nick, Raf, Thierry et Thibaut l’ont fait tout seuls, sans l’aide de personne, et c’est tout simplement énorme ! S’ils avaient été mieux encadrés, ils auraient peut-être remporté cette médaille."
Un exploit qui pourrait néanmoins susciter de nouvelles vocations pour cette discipline trop souvent associée à la rue. "Heureusement qu’il y a un notaire dans la bande (NdlR : Nick Celis) qui a pu limiter son boulot et qui avait les ressources nécessaires pour tenir le coup. Il faut vraiment arrêter de penser que c’est une discipline destinée à la rue. Ce sont ces stéréotypes qui ont certainement tué certaines vocations pour d’autres gars. La culture du 3x3 a toujours existé et maintenant qu’elle est mise en lumière, il faut tout faire pour qu’elle le reste et qu’elle ne retombe pas dans l’ombre", conclut Duke Tshomba qui connaît le 3x3 comme sa poche pour y avoir fait ses gammes étant jeune.
Jérôme Brys