Thiam, de retour en Belgique après son exploit à Tokyo: “Double championne olympique? Je ne réalise pas encore”
Saut en hauteur Reine incontestable de l’heptathlon, Nafi Thiam retrouve son public avec un plaisir non dissimulé, ce vendredi soir, à Bruxelles.
Publié le 03-09-2021 à 07h48 - Mis à jour le 03-09-2021 à 10h39
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Un mois après avoir confirmé, à Tokyo, son titre olympique à l'heptathlon, Nafi Thiam retrouve la compétition ce vendredi au Mémorial Van Damme, un rendez-vous sur lequel elle avait dû faire l'impasse l'an dernier. À la hauteur, en présence du top 5 des derniers JO, la double médaillée d'or veut avant tout "prendre du plaisir".
Nafi, on imagine que vous avez hâte de retrouver un meeting avec du public et vos supporters par la même occasion.
"Oui, ce sera cool ! Après l’année que j’ai eue, avec ma médaille d’or olympique, c’est la façon parfaite de terminer la saison avant d’aller me reposer. J’ai vraiment hâte de voir à quel point il y aura du monde et de l’ambiance. Ça fait tellement longtemps. Je n’ai pas vu beaucoup de monde depuis mon retour du Japon, c’est pour cela que j’ai hâte. Je suis repartie presque directement vers les États-Unis et je n’ai pas eu d’événement public depuis. C’est parfait que le premier se déroule dans un stade et sur une piste. Pour moi, c’est le meilleur endroit ! Malheureusement je ne pourrai pas être présente à la Grand-Place en fin d’après-midi. C’est dommage. Mais c’était un peu trop proche de ma compétition, avec les embouteillages de Bruxelles, l’échauffement, la présentation des athlètes au public du Mémorial, il valait mieux se concentrer sur la compétition."
Vous êtes-vous beaucoup entraînée depuis la fin des Jeux ?
"Je n’ai pas mis les spikes mais je suis restée active. Je suis allée quelques fois à la piste pour faire des échauffements dynamiques, garder de la mobilité, de l’élasticité et un peu d’explosivité. La hauteur est l’épreuve idéale pour moi en cette fin de saison. Je veux surtout m’amuser, je n’ai pas d’objectif. Au Mémorial, c’est à chaque fois pareil : tu as juste envie de rester le plus longtemps possible dans le concours, avec le public qui t’encourage à chacun des essais. C’est motivant pour donner le meilleur de soi-même. Après je sais aussi que c’est la fin de saison et que la fatigue est là."
Avez-vous pu profiter un peu de cette médaille d’or ?
"Quand je suis rentrée, j’avais juste envie d’être avec ma famille et mes amis. Tout le reste, ce sera pour après mes congés où je pourrai vraiment faire ce dont j’ai envie."
Votre temps de repos sera-t-il plus long ?
"Non, mais ce sera un vrai temps de repos. Il y a toujours des choses à faire, des sollicitations, mais j’ai vraiment besoin de faire un ‘reset’ avant de recommencer, de recharger les batteries. L’an dernier, avec mes problèmes aux tendons, la rééducation, je n’ai pas vraiment arrêté. N’ayant pas eu de cassure, j’ai enchaîné deux saisons. Cela a joué."
On vous a vue très émue à Tokyo en évoquant ces deux dernières années. Cette réaction de votre part vous a-t-elle étonnée ?
"Non, cela aurait même pu se produire avant parce que j’étais à fleur de peau avant même la compétition. Avec la pression qui retombait, c’était inévitable ! Mais je n’ai pas eu peur que cet état émotionnel me joue des tours pendant la compétition. Le plus dur, c’est toujours avant, quand on se pose mille questions. Mais une fois la compétition lancée, j’étais concentrée sur ce que j’avais à faire."
Le seul moment où vous avez été déstabilisée, c’est lorsque votre entraîneur a subi un test de dépistage (faussement) positif au Covid-19.
“C’est vrai que j’ai un peu paniqué, c’était un moment difficile. Quand je faisais mes tours de terrain, je me répétais : ‘ça va aller, ça va aller’ (sourire). Mais je savais que je devais être à fond au cours de cette journée pour ne nourrir aucun regret à la fin de l’heptathlon. Je me suis vite remise dans le bon état d’esprit en me disant : ‘avec ou sans Roger, il va falloir le faire.’”
Réalisez-vous que vous possédez aujourd’hui un statut unique dans le sport belge de double championne olympique ?
“Quand j’y pense, je me dis que c’est fou mais je ne crois pas que je réalise vraiment. Quand on m’en parle, je dis ‘oui, oui’ mais en réalité je ne réalise pas. Vous savez, avant la compétition, ce n’est vraiment jamais une motivation de devenir la première ou la seule sportive à faire ceci ou cela. Quand je veux une médaille, c’est pour moi, en guise de récompense de mon travail, et aussi pour tous les gens qui m’aident, mais pas pour faire une différence dans l’histoire du sport. Tant qu’on est concentré sur sa carrière, on ne pense pas trop à tout ça. Peutêtre que lorsque j’aurai fini ma carrière et que je jetterai un coup d’œil dans le rétroviseur, je me dirai : ‘c’est fou quand même ce que j’ai accompli.’”
Vous avez remporté le titre olympique à deux reprises, en plus d’un titre mondial et d’un titre européen. Est-ce que les choses pourraient changer maintenant que vous n’avez plus rien à prouver ?
“C’est difficile à dire. Il y a toujours cette pression de ne pas décevoir les gens et de faire ce que tu attends de toi-même. Il y a trois ou quatre ans, je n’aurais jamais cru ressentir autant de pression en championnat alors que l’athlétisme, c’est ce que j’ai fait toute ma vie, ce que je fais le plus naturellement, et que j’ai toujours été confiante en mes capacités. Il faut voir comment l’année va se dérouler. J’espère en tout cas arriver plus sereinement aux championnats, en ayant trouvé le moyen de ne pas être autant sous pression que ces deux dernières années. Après avoir pu décompresser, j’espère et je pense que ce sera différent. Le plus important pour moi est de pouvoir commencer la saison prochaine sur de bonnes bases physiques et mentales.
"Le stade des prochains championnats du monde est vraiment magnifique"
Nafi Thiam aurait dû disputer le Prefontaine Classic, le 21 août dernier à Eugene, mais un problème au cou l'a empêchée de s'aligner dans l'Oregon. "Après avoir passé quelques jours sur place, j'étais très frustrée !" dit-elle. "Déjà parce que je n'ai jamais fait de compétition aux États-Unis. Or il y avait de grands athlètes et de très belles performances là-bas. Et j'ai pu voir que ce sont de vrais fans de sport, il y avait une ambiance de dingue. Jusqu'au bout, j'ai vraiment hésité mais je me suis dit : 'Nafi, si tu hésites autant, c'est parce que ça ne va pas, en fait.' J'avais vraiment trop mal. Le voyage avait été hyper long mais il n'y avait pas que ça. La saison a été longue, mon corps est fatigué, j'avais un mauvais coussin à l'hôtel, le tapis de réception à Eugene était dur. Bref, c'était une accumulation."
La championne olympique l'avoue : elle était là aussi pour rendre visite à son sponsor et pour "faire d'une pierre deux coups" en reconnaissant le stade des prochains championnats du monde. "Il est vraiment magnifique tout comme l'ensemble des installations. C'est très motivant de voir qu'on va se produire l'été prochain dans de très bonnes conditions, sur une très bonne piste. Mais il faudra aussi prendre en compte le décalage horaire qui est vraiment violent..."
"C'est vrai que j'ai un peu paniqué, c'était un moment difficile. Quand je faisais mes tours de terrain, je me répétais : 'ça va aller, ça va aller' (sourire). Mais je savais que je devais être à fond au cours de cette journée pour ne nourrir aucun regret à la fin de l'heptathlon. Je me suis vite remise dans le bon état d'esprit en me disant : 'avec ou sans Roger, il va falloir le faire.' "
Réalisez-vous que vous possédez aujourd’hui un statut unique dans le sport belge de double championne olympique ?
"Quand j'y pense, je me dis que c'est fou mais je ne crois pas que je réalise vraiment. Quand on m'en parle, je dis 'oui, oui' mais en réalité je ne réalise pas. Vous savez, avant la compétition, ce n'est vraiment jamais une motivation de devenir la première ou la seule sportive à faire ceci ou cela. Quand je veux une médaille, c'est pour moi, en guise de récompense de mon travail, et aussi pour tous les gens qui m'aident, mais pas pour faire une différence dans l'histoire du sport. Tant qu'on est concentré sur sa carrière, on ne pense pas trop à tout ça. Peut-être que lorsque j'aurai fini ma carrière et que je jetterai un coup d'œil dans le rétroviseur, je me dirai : 'c'est fou quand même ce que j'ai accompli.' "
Vous avez remporté le titre olympique à deux reprises, en plus d’un titre mondial et d’un titre européen. Est-ce que les choses pourraient changer maintenant que vous n’avez plus rien à prouver ?
"C’est difficile à dire. Il y a toujours cette pression de ne pas décevoir les gens et de faire ce que tu attends de toi-même. Il y a trois ou quatre ans, je n’aurais jamais cru ressentir autant de pression en championnat alors que l’athlétisme, c’est ce que j’ai fait toute ma vie, ce que je fais le plus naturellement, et que j’ai toujours été confiante en mes capacités. Il faut voir comment l’année va se dérouler. J’espère en tout cas arriver plus sereinement aux championnats, en ayant trouvé le moyen de ne pas être autant sous pression que ces deux dernières années. Après avoir pu décompresser, j’espère et je pense que ce sera différent. Le plus important pour moi est de pouvoir commencer la saison prochaine sur de bonnes bases physiques et mentales."
Dos et tendons sous surveillance
Si les deux dernières années de Nafi ont été difficiles physiquement, c'est en raison d'un "débord discal" (NdlR : un disque qui sort de son logement ), révèle-t-elle, et de problèmes aux tendons d'Achille. "Mon problème au dos a surgi quand j'ai établi le record de Belgique en salle à 6,79 m (le 1er mars 2020 à Liévin) : le lendemain je ne savais plus bouger. Et ça m'est arrivé quelques fois. Cela prend du temps afin de régler un tel problème. À l'entraînement, il a fallu trouver des alternatives et c'était vraiment un challenge de réussir à avancer. Surtout que quand ce n'était pas le dos, c'était les tendons. On a fait beaucoup de renforcement pour les deux problèmes et mon dos va très bien. J'espère juste que le problème de tendons ne sera pas chronique."