Le parcours du combattant d'Armand Marchant, porte-drapeau belge aux JO de Pékin: "Mon genou a 80 piges"
Le Belge va disputer ses premiers JO comme skieur alpin après des mois de galère. Entretien.
Publié le 03-02-2022 à 10h36 - Mis à jour le 04-02-2022 à 13h50
Notre porte-drapeau à la cérémonie d'ouverture de vendredi sera l'un des Belges à surveiller aux Jeux de Pékin. Ses derniers résultats en slalom démontrent ce que beaucoup pensent de lui : Armand Marchant est l'un des meilleurs skieurs du continent dans sa spécialité. Un constat que beaucoup auraient cru impossible après les sept opérations au genou subies par le skieur de Thimister-Clermont. Mardi, il entrera en lice sur la plus grande scène des sports d'hiver. "L'attente a été longue", sourit celui qui a loupé les Jeux de Pyeongchang en 2018. "C'est une étape importante dans une carrière. On ne me parle que des Jeux. J'ai déjà des images plein la tête. J'arrive en forme et j'espère obtenir un bon résultat. Le niveau est a priori moins élevé qu'en Coupe du monde mais, ici, tout le monde met le paquet pour avoir une médaille."
Vous allez donc prendre plus de risques ?
C’est un autre état d’esprit. Il ne faut pas être complexé car les surprises existent aux Jeux. Et pourquoi pas moi ? J’ai envie de sortir mon meilleur ski.
Les autres skieurs se moquent du fait que vous êtes belge ?
Certains me disent : ‘Tu te fous de moi, elle est où la chute de la blague’ (rires) ? Sur ma deuxième course en France, j’avais 13 ans, je gagne la première manche devant tous les Français. À l’arrivée, ils me disaient ‘Qu’est-ce que tu fais là c...n de Belge, c’est pas ta course.’ À 13 ans, tu es con et frustré. Mon pote m’a dit qu’il pensait qu’ils allaient me démonter. Finalement, on a appris à se connaître. J’ai vite eu de bons résultats et, aussi vite, ils m’ont respecté.
On parle souvent d’un manque de culture ski en Belgique, mais on oublie parfois que ce sport est très onéreux…
Pour qu’un sport grandisse, il faut des étendards. De là découlent un intérêt et, donc, des fonds. Le ski nécessite d’investir beaucoup d’argent au début. Il y a aussi beaucoup de débrouille par la suite. J’ai eu la chance d’avoir été aidé par mes parents mais j’ai rapidement dû aller chercher des fonds auprès de passionnés de ski qui ont accepté de me financer. J’ai ensuite pu compter sur l’Adeps qui m’a rapidement donné un contrat. Peut-être qu’après ma carrière, j’essaierai d’aider les jeunes qui veulent se lancer. Mais difficile de motiver des jeunes en présentant beaucoup de travail, de longs mois à l’étranger et de nombreux sacrifices en général.
Et vous, comment vous êtes-vous décidé à vous lancer ?
Mes parents sont fans de ski. Pour couper de leur semaine de travail, on prenait le camping-car et on allait skier. J’ai doucement commencé la compétition. La fédération francophone de ski a ensuite été créée. Ma sœur et moi avons intégré la structure. À la suite d’un souci avec le coach, huit des dix jeunes sont partis. Et c’est là que j’ai rencontré Raphaël Burtin, mon entraîneur actuel. Il pensait pouvoir se faire un peu de sous sur notre dos mais il a vite vu qu’on avait le niveau (rires). Il a finalement proposé qu’on ait une formation proche de celle des jeunes Français. J’ai continué l’école à distance. C’étaient mes meilleures années.
À quel moment avez-vous pu être indépendant financièrement grâce au ski ?
Ça ne fait pas longtemps et ça reste compliqué (rires). Finalement, plus le niveau augmente, plus ça coûte cher. L’argent que tu récupères, tu l’investis. Cela ne fait que deux ans que je gagne un peu ma vie, mais on est loin d’un salaire de footballeur.
Combien vous coûte une saison de ski ?
C’est du six chiffres. Entre l’entraîneur, le kiné, les déplacements, les logements. Ça coûte vraiment cher. Je peux désormais prester en sachant que je peux me concentrer sur le ski et pas sur l’argent. Quand j’ai repris après ma blessure, je n’avais qu’une seule cartouche. Je devais obtenir des résultats sous peine de perdre mon contrat avec ma marque de ski, l’Adeps et mes sponsors.
Comment avez-vous surmonté tout ce que vous avez vécu, notamment vos sept opérations ?
C’est venu petit à petit. La première opération au genou était très importante. J’ai ensuite enchaîné les pépins. Mais je sentais ma progression sur les skis, même si le genou n’a pas toujours répondu comme il le devait. Il reste capricieux. Tout cela m’a appris à être plus professionnel car, à 24 ans, tu crois être le roi du bal et que les séances de récupération ne sont pas nécessaires. Mais mon genou a 80 piges. Je suis obligé de bien faire toutes les séances, de bien m’alimenter, de bien récupérer, de faire ma kiné.
Et mentalement ?
Je me suis fait confiance. J’en avais tellement chié que revenir sur les skis était juste cool. Je ne voulais pas pourrir ce bon moment. J’avais bossé deux ans pour y parvenir.