Grandeur et décadence
Le tennis allemand est retombé de son nuage. Voici une vingtaine d'années, à l'époque de gloire de Boris Becker, Michaël Stich et Steffi Graf, il suscitait une passion démesurée dans tout le pays. "C'était incroyable. Dans les clubs, les courts étaient occupés de 6 heures du matin à minuit, sans interruption", se souvient Niki Pilic, ancien capitaine allemand de Coupe Davis. Découvrez le blog de Patrick Haumont: "Amortie et lob"
- Publié le 02-04-2007 à 00h00
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Le tennis allemand est retombé de son nuage. Voici une vingtaine d'années, à l'époque de gloire de Boris Becker, Michaël Stich et Steffi Graf, il suscitait une passion démesurée dans tout le pays. "C'était incroyable. Dans les clubs, les courts étaient occupés de 6 heures du matin à minuit, sans interruption", se souvient Niki Pilic, ancien capitaine allemand de Coupe Davis.
Jusqu'alors, le tennis n'était pas très populaire de l'autre côté du Rhin. Mais le parachutage sur le devant de la scène de trois joueurs talentueux et charismatiques créa un véritable phénomène de société. Subitement, tous les médias allemands se passionnèrent pour le tennis, mettant même la Bundesliga entre parenthèses ! Du jamais vu !
Pour étancher la soif de revers et de coups droits du bon peuple germanique, de multiples tournois virent le jour. Rien n'était trop beau ou trop cher. Stuttgart, Berlin, Francfort, Munich, Filderstadt, Hambourg : chaque ville allemande se devait d'accueillir son événement WTA ou ATP. "Et la demande du public dépassait systématiquement l'offre ! " se souviennent les anciens. Il suffisait de prononcer les noms de Becker ou Graf pour faire tourner la machine à cash, pour le plus grand plaisir des organisateurs de tournois. Au début des années nonante, on servait près de 50 kilos de caviar par jour dans le Village VIP du tournoi indoor de Stuttgart et les loges se négociaient à des prix défiant la raison (plus de 25 000 € la semaine).
Avec les retraites des stars, la passion a diminué. Un peu, beaucoup, à la folie ! Certains tournois ont fait faillite, d'autres ont vendu leurs dates, certains ont été rachetés par des sponsors étrangers. Aujourd'hui, le tournoi féminin de Berlin s'appelle Qatar Telecom Open ! Et, dans les tribunes, c'est la morosité.
En vérité, Becker, Stich et Graf n'ont pas été remplacés. Ni dans les coeurs ni sur les courts. Le tennis allemand reste, bien sûr, très compétitif. Mais ce n'est plus la même chose. On ne dénombre plus que quatre Allemandes (Groenefeld, Muller, Schruff et Kloesel) dans le Top 100 de la WTA et cinq Allemands (Haas, Benjamin Becker, Mayer, Kohlschreiber et Greul) dans le Top 100 de l'ATP. Et, dans les journaux, la place consacrée au tennis a été réduite à sa plus simple expression. Nostalgiques, les médias allemands sont encore aujourd'hui plus prompts à consacrer des articles à Boris Becker ou Steffi Graf qu'à Tommy Haas ou Anna-Lena Groenefeld !
Faut-il s'en étonner ? Pas vraiment. Il n'existait pas, en Allemagne, de véritable culture tennistique. La passion était uniquement dictée par les exploits et les personnalités de champions d'exception. Le peuple avait besoin de héros. Il les a eus et en a profité. Repu et blasé, il ne s'intéresse plus guère désormais aux résultats moyens des héritiers.
Tant qu'il ne sera pas numéro un mondial, Tommy Haas éprouvera bien du mal à défrayer les chroniques du "Bild". Aujourd'hui, en tout cas, de Cologne à Berlin, le joueur amateur n'a aucune peine à trouver un court de libre dans son club.
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