Serena l'inoxydable, star sur tous les fronts

À 31 ans, Serena Williams retrouve la seule place au classement qui peut la combler: la première! Une claque pour la jeune génération.

Thibaut Vinel
Serena l'inoxydable, star sur tous les fronts
©Photonews

Serena Williams is back. En réalité, l’Américaine n’a jamais quitté la scène depuis ses premiers pas sur les courts de tennis en 1995. Que la sportive arpente les terrains avec ou sans succès ou qu’elle offre des clichés glamour aux photographes lors d’une remise de prix ou d’une énième séance de détente sur sa plage fétiche à Miami, la cadette des sœurs Williams a fortement contribué à alimenter les pages tant sportives que people des journaux ou des magazines.

Après une défaite douloureuse, la sportive a toujours vite troqué ses tenues pour des robes de soirée ou des maillots qui parvenaient difficilement à cacher ses rondeurs. Après ces périodes "off", Serena, l’une des rares personnalités mondiales à être connues uniquement par leur prénom, remontait gonflée à bloc sur les courts. Elle est tout à fait exceptionnelle par sa faculté d’adaptation.

Un jour, elle peut pavoiser sur les podiums des plus grands stylistes; l’autre, suer comme une bête pour arracher un "quinze". Cool et détendue en toutes circonstances, elle a souvent attiré les critiques par sa personnalité jugée trop suffisante.

Originaire du Michigan, Serena Williams est la petite dernière de cinq filles. Son père l’entraîne avec sa grande sœur Venus. Trois ans avant sa naissance, son père Richard déclare à son épouse Oracene que leurs "futurs enfants seront des superstars du tennis".

Serena et Venus s’entraînent dans un parc public à Compton, un ghetto de Los Angeles. "Parfois, on entendait des coups de feu et il fallait se baisser pour éviter les balles perdues", se souvient Serena. Si Venus est plus précoce, Serena, sa cadette de quinze mois, observe en silence et semble plus douée. Elle débute sa carrière chez les pros en 1995 alors qu’elle a à peine fêté son 14e anniversaire. Son entrée dans le monde du tennis est très remarquée. Il faut attendre quatre ans pour la voir éclore au plus haut niveau.

En 1999, elle remporte l’US Open, en battant ses plus grandes rivales. Avec sa sœur, elles se disputent pendant un temps les premières places du classement. Elles deviennent toutes les deux des phénomènes. Le tennis est alors leur seule préoccupation. Sur deux années en 2002-2003, Serena Williams décroche les quatre Majeurs à la suite, performance inédite depuis Steffi Graf neuf ans auparavant.

En 2003, la mort brutale de sa grande sœur Yetunde, 31 ans, victime apparemment innocente d’une fusillade, la plonge dans une profonde dépression. "Je m’étais querellée avec elle la veille. Et elle disparaît le lendemain, sans que j’aie eu le temps de m’excuser." La vie est parfois injuste.

Serena Williams connaît une sérieuse baisse de régime de 2004 à 2007 en raison tantôt de blessures, tantôt de perte de motivation. Opérée du genou gauche en 2003, la jeune femme ouvre, à 22 ans, les yeux sur le monde. Elle revoit ses priorités. L’athlète ascétique et disciplinée laisse place à une femme fashion attirée par le strass et les paillettes, très soucieuse de son image.

Entre 2004 et 2007, elle alternera les performances sportives, comme ses titres à l’Open d’Australie en 2005 et 2007, et les périodes creuses de plus en plus nombreuses. Elle accumule alors les forfaits, les amendes et les kilos en trop.

En 2006, elle vient défendre son titre à l’Open d’Australie sans aucun match de préparation et chute au 3e tour face à Hantuchova. Non éduquée à la défaite, elle allégera son calendrier au point de sortir du top 100 pour la première fois en presque neuf ans.

Sous le prétexte d’une blessure au genou, elle en profite pour mener une double vie qui rassasie ses besoins de femme. Délaissant les courts, elle suit des cours d’art. Elle entre dans une nouvelle cour, celle du stylisme. Sans oublier ses courts essais à la télévision.

Alors que la page tennis semble tournée pour cette sportive de 25 ans qui reste sur trois saisons décevantes, elle rassure ses partisans avec une demi-finale à Cincinnati. De la 139e place, elle reviendra au 87e rang en faisant l’impasse sur sa fin de saison pour soigner certaines blessures. Son opération séduction reprend en janvier 2007 où elle se concocte un calendrier cohérent pour une joueuse qui veut se préparer au mieux pour les levées du Grand Chelem.

A Melbourne, elle pratique un tennis de rêve qui se conclut par une finale expédiée 6-1, 6-2 contre Maria Sharapova. Elle se hisse au 14e rang mondial.

Malgré quelques légères blessures, elle reste cette fois concentrée sur sa principale mission : reprendre son règne sur le circuit. Barrée par Justine Henin en Grand Chelem, Serena se rapproche du but. Elle attendra pourtant l’US Open pour retrouver sa couronne, cinq ans après l’avoir perdue. Au Masters, elle termine l’année par un forfait, à nouveau en raison d’un genou capricieux.

Remise sur pied, elle poursuit sa marche en avant en se transcendant lors des rendez-vous majeurs. Serena a besoin de l’effervescence médiatique pour se surpasser. Avec le retour de Clijsters et de Henin, elle retrouve une nouvelle source de motivation sur un circuit WTA qui cherche toujours une patronne taille XXL. "SW" a cette carrure.

Elle tutoie les sommets durant trois ans avant de sombrer corps et âme. A Stanford, du haut de ses 29 ans, elle joue d’ailleurs la carte de l’humilité en août 2011. "Je suis juste en train de bosser très dur pour revenir dans le top 100", a expliqué celle qui venait de réaliser un bond de 90 places dans le classement WTA.

Entre les lignes, "SW" fait taire ses détracteurs en rappelant qu’entre deux séances de shopping ou de shooting photo sur la plage, elle trime lors de séances d’entraînement intenses afin de rattraper l’année perdue loin des courts de tennis à la suite d’une mystérieuse blessure encourue en Allemagne il y a un an où elle aurait marché sur des débris de verre dans une discothèque.

"Vous ne pouvez pas affronter les meilleures joueuses mondiales si vous vous dispersez. Il faut être sérieux", poursuit la neuvième joueuse à avoir gagné les quatre levées du Grand Chelem.

Le décès tragique de sa sœur Yetunde dans une fusillade, ses frappes hyperpuissantes qui avaient dégoûté ses rivales au début du XXIe siècle, son embolie pulmonaire, ses nombreux forfaits et amendes, sa passion pour le stylisme, ses pétages de plomb sur le court à New York, son humour ont façonné la personnalité de la joueuse la plus charismatique de la décennie.

Personne mieux qu’elle ne peut rebondir lorsque la situation semble désespérée. Hier, elle a officiellement récolté le fruit des grains semés depuis son énième retour sur le circuit en juillet 2011. A l’époque, elle végétait à la 175e place mondiale. Aidée par un circuit WTA en quête de personnalité forte, elle comble son retard au classement grâce à sept titres en 2012 et non des moindres : Charleston, Madrid, Wimbledon, Stanford, Jeux olympiques, US Open et les Masters à Istanbul.

La machine de guerre est relancée, mais la sagesse a fait son apparition dans le jeu de l’Américaine.

"Je suis une personne si sensible pour le moment", soufflait-elle le week-end dernier à Doha où elle avait acquis la certitude de retrouver la seule place qui la comble. "Je pleure tout le temps. Je n’ai jamais cru possible de me retrouver encore dans cette position. J’ai dû traverser tant d’épreuves", glisse la sœur de Venus avant de mettre en garde ses adversaires. "J’ai visionné de nombreuses vidéos de mes matches sur Youtube ces derniers temps. Je me rends compte que je joue le meilleur tennis de ma vie."

Tantôt dans les colonnes de faits divers, tantôt dans les pages "fashion", tantôt dans les colonnes sportives, Serena Williams n’a pas fini de faire noircir le papier des journaux. Si ses 124 semaines passées à la tête de la hiérarchie entre 2002 et 2013 témoignent de sa longévité sur le circuit, elles offrent aussi 124 histoires plus folles les unes que les autres à narrer. D’ailleurs, elle se plaisait à le souligner lors de l’Open d’Australie. Si les joueuses pleurent en évoquant leurs blessures encourues lors d’une rencontre, la nouvelle "number one" les relatait avec humour et philosophie. Son entorse à la cheville au premier tour ? "Un fait de guerre", rétorqua-t-elle. Son coup de raquette sur les lèvres au match suivant ? "Une autre histoire pour ses futurs petits-enfants." Tel est le destin de "SW".

Montrée du doigt en 2000 lorsqu’elle a débarqué sur les courts avec son jeu trop puissant pour ses adversaires, elle n’a cessé de jouer sur ses talents de sportive et d’actrice pour servir une noble cause : le tennis.

Son retour à la première place mondiale sonne d’autant plus comme une claque pour la jeune génération, qui n’en a pas encore fini avec elle, que les Azarenka, Kvitova & Cie savent très bien que le classement actuel reflète les forces en présence sur les terrains.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...