Noah, aussi, rêve de Tsonga

Les Français le voient déjà en finale. Tous rêvent d’une apothéose entre le meilleur joueur de l’Hexagone et le "rey" de la terre battue. Ils oublient qu’un redoutable "terrien", David Ferrer, se dressera avant sur la route de Jo-Wilfried Tsonga. Qu’importe.

Thibaut Vinel

Roland Garros

Les Français le voient déjà en finale. Tous rêvent d’une apothéose entre le meilleur joueur de l’Hexagone et le "rey" de la terre battue. Ils oublient qu’un redoutable "terrien", David Ferrer, se dressera avant sur la route de Jo-Wilfried Tsonga. Qu’importe.

Les médias français ont tous revu leurs classiques à l’occasion du 30e anniversaire de la dernière victoire d’un Français à la Porte d’Auteuil.

Yannick Noah a alimenté toutes les discussions dans ce sanctuaire dédié au tennis durant trois semaines. Né en 1985, Jo, le porte-drapeau tricolore en 2013, n’a pas assisté à cette épopée fabuleuse. Néanmoins, il s’agace de la comparaison incessante avec Noah.

"Parler de ça devient lassant, répétait-il à l’aube de sa quinzaine. Dans 10 ans, ça fera 40 ans. Après, 50 ans. Si ça se trouve, on ne le regagnera jamais. Si on n’a pas un joueur dans les 2 ou 3 premiers qui commence à battre régulièrement les meilleurs, je ne vois pas comment on pourrait s’imposer. De toute façon, il n’y en a qu’un qui gagne ces dernières années."

Le dernier vainqueur français de "Roland" ne partage pas cette lassitude. "Je suis toujours très touché quand on me demande une photo ou un témoignage. Cela m’est égal d’être le dernier Français à avoir gagné à Roland-Garros. Je ne suis pas suffisamment proche des joueurs actuels, je n’ai pas d’affection pour un en particulier pour espérer qu’il vive ça."

Yannick Noah reconnaît volontiers que le 5 juin 1983 à 17 h 33, une nouvelle vie "délicieuse" a démarré. "Cette victoire, c’est le plus beau moment de ma vie. Ce que j’ai de plus cher, c’est mon souvenir. C’est trop précieux pour moi."

Dans les heures qui suivirent son sacre parisien, il a organisé la plus grosse fiesta de sa vie. "La baraque avait été saccagée, mais ça faisait du bien."

Le bond dans le passé est entamé. "Quand je débute le tournoi, j’annonce la couleur. En tant que numéro 6, je viens pour la victoire finale. J’ai déchiré contre le seul épouvantail, Lendl en quarts de finale. Face à Wilander, je savais que je pouvais imposer mon jeu. Aujourd’hui, Tsonga peut battre un ‘Top 4’, mais il souffrira pour enchaîner un, deux ou trois matches face à ces meilleurs joueurs. Jusqu’à présent, Jo a fait un très, très bon tournoi, très complet. Il a gagné ses matches sérieusement, c’était impressionnant. Et ce qui me touche par-dessus tout, c’est cette attitude. On sent qu’il a en lui l’envie d’aller jusqu’au bout. Du coup, c’est vrai qu’on se met à rêver. Ce serait forcément une magnifique émotion, mais il y a déjà un match très difficile contre David Ferrer. J’ai toutefois le sentiment que Jo a vraiment la possibilité de gagner ce match."

Le père de Joakim s’est détaché du tennis même s’il connaît les forces en présence du plateau. "Nadal et Djokovic m’inspirent un grand respect car on sent qu’ils jouent leur survie quand ils montent sur le terrain. Les Français ne sont pas habités par ce sentiment. Moi, je l’ai eu à un moment de ma carrière."

Avec son franc-parler légendaire, il égratigne le milieu aseptisé du XXIe siècle. "J’ai vu un match à la télévision alors que je me promenais à New York. Je pensais que j’assistais à une partie de jeux vidéo tant ça cognait. Aujourd’hui, c’est un bras de fer. C’est à qui tapera le plus fort", souligne-t-il dans les colonnes du journal "Le Monde" avant d’enfoncer le clou avec véhémence.

"Dans une autre vie, je vais monter un circuit où on a le droit de gueuler, d’insulter tout le monde, d’être comme on a envie d’être. On a tué le jeu en installant, il y a 15 ou 20 ans, un code de conduite parce qu’il ne fallait pas heurter les oreilles du jeune public américain qui ne pouvait pas entendre ‘fuckou ‘shit’. Aujourd’hui, tu ne connais pas la voix des joueurs. Tu ne sais pas qui ils sont. Djokovic, il ne demande qu’à déconner."

Le plaisir de transmettre des émotions au public a toujours guidé ce showman.

Après avoir touché le sommet le 5 juin 1983, il n’a jamais retrouvé cet état d’esprit. "Je me suis découvert plein de vertus, d’amis et de rôles. C’est devenu lourd et politique. Après un succès, j’étais français. Après une défaite, j’étais camerounais. Plein de choses m’ont gêné. J’ai été content d’arrêter définitivement en 1990. J’étais à bout. Trop sensible."


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