Justine Henin: "Je refuse de n’être qu’un nom"
Après dix ans, l’académie de Justine Henin a trouvé son identité : le tennis pour tous.
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Publié le 17-09-2018 à 12h06 - Mis à jour le 17-09-2018 à 12h54
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Après dix ans, l’académie de Justine Henin a trouvé son identité : le tennis pour tous. Le nom de Justine Henin renvoie directement au tennis de haut niveau. Septuple championne en Grand Chelem, n° 1 mondiale pendant 117 semaines et lauréate de 43 titres sur le circuit WTA, elle figurera parmi les légendes du tennis pour l’éternité. Créée en 2007 à Limelette, l’académie Justine Henin était d’emblée marquée de la griffe de la championne. Elle a ainsi accueilli des joueuses de premier plan comme Anna Chakvetadze, Daniela Hantuchova, Yanina Wickmayer, Elina Svitolina… Son centre a vite pris un accent d’excellence réservé à une élite. "Au départ, Carlos Rodriguez avait cette vision élitiste pour développer l’académie" , confie Justine Henin. "Moi, je cherchais une dimension plus sociale dans le tennis."
Avec le temps et beaucoup d’énergie, l’ancienne n° 1 mondiale a réussi son pari. Aujourd’hui, elle est à la tête d’un centre où tout le monde peut pratiquer son sport quel que soit son âge ou son niveau. "Je suis heureuse de transmettre, tout simplement. Nous avons étendu notre gamme d’offres, qui est adaptée aux enfants de trois ans jusqu’à… pas d’âge en fait. L’académie propose un programme afterschool , des séances par mois ou à l’année… La notion de loisir est centrale. Je veux accorder autant d’importance à celui qui vient jouer une heure après sa journée de boulot qu’à celui qui veut devenir un champion."
Elle n’a pas échappé à la catégorie pro team. L’académie forme un noyau de 25 joueurs et joueuses. Le nombre peut sembler disproportionné. "Non, du tout ! Ces personnes disposent de programmes très différents."
Depuis cette année, Justine Henin a inauguré une résidence située à deux kilomètres de l’avenue Léon Fournet. "Nous pouvons y loger 16 personnes qui passent donc en full time tennis. En dix ans, nous n’avons jamais connu un incident majeur avec le pro team. L’école tourne bien."
Certains s’étonnent de ne pas voir chaque année une star sortir de son académie. "Nous travaillons surtout sur la base de la pyramide" , se défend Henin. "Le tennis doit rester un loisir pour la majorité. Quand faut-il les placer dans une logique de compétition, avec la pression qui l’accompagne ? Chaque enfant est différent. Il n’existe pas une recette universelle. De nos jours, les enfants sont mis en compétition dans tout ce qu’ils font. Je vois les parents de mes joueurs qui me demandent que leur enfant soit mis dans un groupe plus fort. Ils se trompent. Un enfant a besoin d’affronter des joueurs plus forts, moins forts et de force égale afin d’apprendre à gérer les différentes situations."
Présente au quotidien dans la gestion du centre de Limelette, elle ne cache pas les difficultés de mener à bien un tel projet. Actuellement, le tennis belge traverse un courant positif où l’offre s’est décuplée. "Financièrement, nous souffrons car beaucoup d’écoles ouvrent leurs portes."
Toutes n’ont pas la chance d’avoir le nom de Justine Henin au-dessus de la porte d’entrée. "J’aime le contact avec l’autre, voir les enfants s’épanouir… Je refuse de n’être qu’un nom. Nous avons fermé notre centre à Orlando car il ne pouvait pas tourner sans un investissement au quotidien. Or, je n’y allais pas souvent. Ici, je travaille pour donner une âme à ce défi car je veux qu’il me ressemble. En tant que joueuse, j’ai toujours eu une exigence maximale par rapport à moi. Il en est de même avec ma clientèle."
Elle reconnaît quelques erreurs de jeunesse. "Je n’étais pas formée pour aider techniquement un jeune de 12 ans, mais on apprend tous les jours. Je me suis entourée de personnes compétentes."
Yastremska, nouvelle star
Cet été, Justine a repris la raquette pour entraîner l’Ukrainienne.
Cet été, Justine Henin est remontée de manière plus assidue sur les courts de son club. Jusqu’ici, elle se contentait de clinics avec les enfants.
"J’ai toujours un mot pour les enfants. J’aime les voir jouer."
Depuis quelques mois, elle s’est plus investie dans le pro team. Elle a suivi de près Dayana Yastremska, une Ukrainienne de 18 ans qui est déjà 96e mondiale.
"Je l’ai suivie. On la pousse désormais un peu plus."
À l’US Open, elle a disputé son premier Grand Chelem et n’était qu’à un tie-break de passer le premier tour. Cette année, elle a battu des filles comme Pauline Parmentier et Danielle Collins. Elle a quitté le circuit ITF depuis cet été.
Quant à ramener Justine Henin sur le circuit WTA dans le rôle d’une entraîneur, il y a un pas que l’intéressée n’effectue pas encore.
"Le coaching nécessite un investissement à 300 %. Dans ma vie, la question ne se pose pas aujourd’hui car je veux voir grandir mes enfants d’abord. Mes missions de consultante me prennent déjà beaucoup de temps. Mais je ne ferme pas la porte. Un jour, je reviendrai comme entraîneur. A priori, je devrais avoir plus d’opportunités sur le circuit WTA, mais j’adorerais entraîner sur le circuit masculin aussi."
"Il ne voulait pas l’autographe de la dame du club"
Dans les escaliers de l’entrée principale, les trophées de Justine Henin rappellent le glorieux passé de la joueuse. Justine a tapé sa dernière balle sur le circuit pro en janvier 2011 à l’Open d’Australie. Sept ans plus tard, elle a apprivoisé sa nouvelle vie en rentrant un peu plus dans le rang, même si elle garde son charisme. "Les jeunes me connaissent encore, mais les moins de 15 ans n’ont jamais vu mes matches en direct. Ils voient qui je suis à travers des vidéos ou des récits de leurs parents."
Elle illustre son propos par une anecdote touchante. Un jour, un gamin de cinq ans voulait l’autographe de la championne Justine Henin. Il courait à travers le club pour la trouver.
"Ses parents l’ont guidé vers moi. J’ai signé son autographe." Sa réaction a provoqué l’hilarité. "Il m’a dit qu’il ne voulait pas l’autographe de la dame qui travaille dans le club. Il cherchait la championne !" Elle a accepté la scène sur le ton de la rigolade. "Je me détache de cette image de championne que j’étais. Je suis devenue la femme que je suis grâce à cette période de ma vie. Aujourd’hui, je vis une autre période où je suis plus soucieuse de transmettre la passion."