Justine Henin analyse la saison du 11e joueur mondial : "Le Goffin de 2019 a mérité un 7,5/10"
Justine Henin, admirative du jeu du Liégeois, aimerait le voir plus régulier en 2020.
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Publié le 02-01-2020 à 08h11 - Mis à jour le 02-01-2020 à 08h14
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Justine Henin, admirative du jeu du Liégeois, aimerait le voir plus régulier en 2020.
Au gala du Sportif de l’année, David Goffin ne figurait qu’en 23e position. Sur les réseaux sociaux, l’immense foule anonyme a souvent critiqué le Liégeois en 2019. Faut-il en déduire que notre meilleur joueur de tous les temps à l’ATP a vécu une année sombre ? Absolument pas ! Dans les chiffres, le bilan est plus que correct. David Goffin a démarré l’année 2019 à la 22e place mondiale avant de clore le chapitre onze mois plus tard au 11e rang.
"Sur l’ensemble de son œuvre en 2019, je lui attribue un 7,5/10. C’est une bonne cote. Il peut faire mieux", souligne d’emblée Justine Henin. Il vit à une autre époque que moi. Je suis heureuse de ne pas jouer aujourd’hui. Tout a changé avec les réseaux sociaux. On vit dans l’ère de la communication. J’espère, pour David, qu’il ne lit pas toutes ces critiques. En Belgique, avec Kim Clijsters, nous avons mis la barre très haut. Les Belges sont peut-être restés trop gourmands. Seule une victoire en Grand Chelem pour susciter l’admiration générale."
Si elle n’a jamais travaillé dans l’entourage de David Goffin, l’ancienne numéro un mondial n’a jamais caché son faible pour l’ancien finaliste du Masters en 2017. "Au départ, il ne disposait pas des armes pour réaliser un tel parcours. Il a fait plus que son trou chez les pros. Je ne m’explique pas certaines critiques à son encontre. Les gens lui reprochent peut-être un manque de charisme ou de caractère. Il ne fait pas vibrer les gens avec lui. Ces mêmes personnes ignorent ce que représente sa 11e place en 2019. Il a atteint un niveau de jeu exceptionnel."
Contrairement aux membres du top 5 actuel, David Goffin ne parvient pas à enchaîner au plus haut niveau. "Il lui manque cette constance, mais il est très ambitieux. J’ai lu qu’il voulait revenir dans le top 10 en 2020. Il aura besoin de plus de régularité."
En 2019, la régularité n’était effectivement plus sa plus fidèle alliée. En tennis, on perd chaque semaine. Durant les cinq premiers mois de l’année, il perdait trop tôt dans la semaine. Sa saison avait commencé de manière dramatique avec la fin de sa collaboration avec son entraîneur historique, Thierry Van Cleemput. "Je répète que je ne suis pas dans son staff. Je suis une passionnée de tennis qui le suit, tout comme les sportifs belges. J’ignore tout ce qui se cache derrière cette séparation. Une telle rupture est inévitable si l’un ou l’autre avait le sentiment d’être arrivé au bout du chemin. Ils avaient une envie d’autre chose. Après une telle rupture, le joueur traverse toujours un creux."
De l’Open d’Australie jusqu’à Monte-Carlo, Goffin a disputé huit tournois avec une timide demi-finale à l’ATP 250 de Montpellier comme éclaircie. Sa défaite en quart de finale au Challenger de Phoenix face au 168e joueur mondial avait été sa pire claque. "Je ne peux pas juger s’il a eu raison de jouer ce Challenger. Il faut toujours être en coulisses pour avoir toutes les cartes en main. Il avait besoin de matchs et de confiance. Je me méfie toujours des décisions à court terme, car une carrière se construit par petits pas. Cette année, il a connu trop de pics et de périodes de troubles. Éviter les downs est très difficile. Pour remporter un match, il faut être au top physiquement et mentalement. En plus, David n’a pas un jeu naturellement puissant. Il dépense beaucoup d’énergie pour revenir à son niveau."
"Un été très positif"
Pour le grand public, le tournoi de Roland-Garros avait servi de déclic vers des jours meilleurs. Il a chipé un set à Rafael Nadal en seizièmes de finale en proposant un jeu plus conquérant bien qu’insuffisant face à l’ogre de l’ocre. "Je n’ai pas trouvé qu’il avait sorti une grande performance contre Nadal à Roland. Sa défaite était honorable."
Le duo Goffin-Johansson montrait déjà des signes rassurants. En trois mois, la paire reformée avait pris tous ses repères. "Ils se connaissaient déjà. Johansson avait rejoint Van Cleemput dans le staff. Ils ont des tempéraments similaires et calmes. Je n’étais pas surprise de les voir performer ensemble si vite."
De Roland-Garros jusqu’à Tokyo, David Goffin a vécu ses plus belles pages de 2019, avec des performances à Halle (finale), à Wimbledon (quarts), Cincinnati (finale) et Tokyo (demi-finales). "Cette période a été très positive", confirme Justine Henin, qui soulignait aussi sa fin de saison plus difficile. "Il a traversé quelques trous d’air. Certains résultats étaient plus surprenants. Pour figurer dans le top 10, il aura besoin de plus de constance."
"Gagner un Masters 1000 est possible"
Objectif Justine Henin se risque à dessiner le visage de Goffin en 2020.
"Je le vois être plus régulier. Il ne vivra pas de gros trous comme en 2019. Son début de saison sera important. Les Majors resteront les moments les plus capitaux. Les joueurs bossent pour ces quatre tournois. David est en mesure de remporter un Masters 1000, mais un Grand Chelem, c’est différent."
"Sa onzième place est logique"
Top 10 Avant de disputer son premier match de 2020, David Goffin a déjà confirmé qu’il visait un retour dans le top 10 pour une longue durée.
"Pour le moment, sa 11e place est logique, rappelle Justine Henin. Il a saisi des opportunités en 2019. Tous les membres du top 10 sont plus forts que lui. Il faut rappeler que le niveau est redoutable en ce moment. David doit encore apprendre à se faire plus mal. Il manque d’agressivité, de puissance et d’intensité de jeu. S’il est régulier et solide, il retrouvera le top 10. Il possède assez de qualités. Rester parmi les meilleurs du monde sur 2 ou 3 ans est une autre histoire. En 2017, il a réussi de jolis exploits. Si le corps tient, il peut revivre de tels moments."
"David Goffin n’est pas le seul qui a eu une saison gâchée par le Big Three"
David Goffin a d’autant plus de mérite de réussir une telle carrière qu’il a fréquenté le trio le plus magique de toute l’histoire. "Federer, Nadal et Djokovic appartiennent à une autre dimension. Le Big Three a gâché la carrière de nombreux joueurs. Goffin n’est pas le seul. Il existe un fossé avec le reste du monde. J’entends que les successeurs sont prêts. Tsitsipas, Medvedev, Zverev ou Thiem poussent, mais ils n’y arrivent pas encore. Le Big Three sera un jour dépassé. Il a sûrement coûté de nombreux matchs à David. Depuis 10 ans, un joueur qui espérait réaliser un gros coup devait battre au minimum un de ces trois-là. La génération Goffin devait être à 100 % et espérer un coup de mou de Federer, Nadal ou Djokovic pour signer l’exploit. Mentalement, la situation était dure. Tous leurs adversaires avaient envie d’y croire, mais ils n’avaient pas cette conviction profonde que la victoire était possible."
En 2019, Goffin a perdu ses 6 matchs contre le trio.

"Mertens, c’est la même histoire que Goffin"
Juju voudrait voir une Elise plus solide lors des money time des matchs.
Elise Mertens donne l’impression d’être sur le circuit depuis si longtemps qu’on oublie que la Limbourgeoise n’a que 24 ans. En 2019, elle a connu deux grandes émotions et beaucoup de frustration. En février, à Doha, elle avait mis la barre très haut en battant en finale la Roumaine Simona Halep qui était 3e mondiale. En septembre, en double, elle remportait le titre à l’US Open.
Entre ces deux grands souvenirs, elle a régalé les amateurs de suspense en Grand Chelem. À Roland-Garros, à Wimbledon et à l’US Open, elle s’est toujours inclinée lors du set décisif avec un 11-9 contre Sevastova à Paris. "Pour Elise Mertens, le constat est semblable à celui de David Goffin. Si elle veut encore grandir sur le circuit, elle a besoin de régularité", insiste Justine Henin.
Elise Mertens est capable de passer de l’enfer au paradis en une semaine. Les 9 et 10 février, elle s’inclinait à Liège dans le cadre de la Fed Cup face aux Françaises. Le dimanche suivant, elle battait au Qatar Halep en finale après avoir battu deux autres filles du top 10 : Angélique Kerber et Kiki Bertens.
"Elle a un grand potentiel. Je ne la connais pas personnellement. Elle me donne souvent l’impression d’être très proche comme à Roland-Garros. Son expérience l’aidera dans les années à venir. Elle doit être capable de prendre l’ascendant lors des moments importants d’une rencontre. Je la vois aller plus haut au ranking. Son tennis est magnifique. Elle doit réellement croire en elle."
"J’ai fait ce que j’ai fait en partie parce que Kim était là"
Les joueuses belges vivent une époque assez riche même si l’âge d’or incarné par Justine Henin et Kim Clijsters est révolu. "Pour les filles, voir d’autres compatriotes réussir une belle carrière est une source de motivation. Tout groupe a besoin d’une locomotive. Derrière, le groupe pousse pour la rejoindre, ce qui crée une saine émulation. J’ai fait ce que j’ai fait en partie parce que Kim était là."
"Son départ laissera un grand vide"
La saison 2019 a également été marquée par l’annonce de la fin de carrière de Steve Darcis. L’autre Liégeois du circuit rangera ses raquettes après son passage à Melbourne.
"J’étais au centre de Mons avec lui", se rappelle Justine Henin. "Je l’ai connu dès ses débuts. J’ai beaucoup d’affection et de respect pour lui. Il a traversé des hauts et des bas avec un grand amour constant du tennis. Personne n’oubliera sa combativité à toujours revenir après ses blessures. Il a toujours été fragile. Mentalement, il a montré tellement de hargne qu’il a réussi à emmener de nombreux fans. Il a ce côté rassembleur. Il a donné le maximum. Son départ laissera un vide. Il aura beaucoup à partager dans ses futures fonctions."