Sofia Costoulas, la pépite du tennis belge: "Je suis consciente que le chemin est encore long"
La jeune Sofia Costoulas (15 ans), qui entrera dans le top 15 mondial chez les juniors en janvier, a failli terminer l’année 2020 sur un merveilleux coup d’éclat à l’Orange Bowl.
Publié le 16-12-2020 à 21h12 - Mis à jour le 17-12-2020 à 12h06
Le discours est posé et limpide. Les idées sont claires et la tête est bien sur les épaules. À 15 ans, Sofia Costoulas dégage déjà une grande maturité. De retour des États-Unis et du prestigieux tournoi junior de l’Orange Bowl où elle est passée à deux doigts d’un magnifique exploit face à la numéro un mondiale, la citoyenne de Villers-la-Ville profite d’une semaine off entre 2020 et la préparation pour 2021. Installée dans le canapé familial avec à ses côtés, Sotirios, son papa, celle qui est souvent présentée comme l’avenir du tennis féminin belge ne s’enflamme pas. L’adolescente sait que dans le monde du tennis professionnel, il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Ce qui n’entrave pas ses ambitions.
Sofia, quel bilan tirez-vous de la saison 2020 ?
Sofia : "Cela n’a pas été une saison facile avec le Covid-19. Le circuit s’est arrêté pendant plusieurs mois et, ensuite, ce n’était pas facile de trouver des tournois. Je trouve que j’ai terminé 2020 en proposant un bon tennis. Entre janvier et maintenant, j’ai bien progressé dans mon jeu et physiquement. je n’oublie pas l’aspect mental non plus car j’ai disputé pas mal de matchs d’un haut niveau contre des filles qui occupent le top 10 mondial chez les juniors."
Est-ce que l’arrêt du circuit pendant plusieurs mois a mis un frein à votre évolution ?
Sofia : "Pas vraiment. Toutes les joueuses étaient dans le même bateau. Quand on a pu reprendre les entraînements, j’ai axé mon travail sur certains aspects de mon jeu."
Comment avez-vous géré cette période ?
Sofia : "Ce n’était pas facile car on était dans l’inconnu. Je me souviens que je m’entraînais sur terre battue mais on ne savait pas si le tournoi de reprise se jouerait sur cette surface. Je me suis posé beaucoup de questions, j’avais un peu peur qu’on ne puisse pas jouer toute l’année. La première semaine à la maison cela allait mais par après c’était plus compliqué."
Sotirios : "Nous sommes restés assez sereins car on ne parle ici que de sport. Ce n’est rien par rapport aux personnes qui ont connu des vrais problèmes."
Cette saison, vous avez participé à votre premier tournoi pro chez les adultes avec à la clé deux victoires, que retenez-vous de cette expérience ?
Sofia : "C’était superbe. J’ai découvert une compétition différente de ce que je rencontre chez les juniors. Les filles plus âgées sont plus intelligentes sur les courts. Elles ne font pas que frapper comme souvent chez les juniors. Sur ces trois matchs lors de ce tournoi j’ai appris énormément de choses. Cela m’a fait comprendre que je dois parfois utiliser d’autres armes dans mon jeu. Je ne peux pas posséder comme seule solution ma frappe du fond du court. Il faut apporter un peu de subtilité avec par exemple des amorties."
Et il est prévu de retenter l’expérience dans des compétitions pour les adultes en 2021 ?
Sofia : "Oui c’est au programme."
Sotirios : "Normalement Sofia va participer aux tournois les plus relevés en juniors et à des compétitions pour les adultes. Il y a des invitations qui sont prévues dans ces tournois pour les meilleures juniors. Et si un retour à la normale se produit, il y aura plus de tournois sur le circuit et donc plus d’opportunités et de choix pour disputer des compétitions. Cette année c’était vraiment compliqué de réaliser un programme."
Vous revenez de l’Orange Bowl, un tournoi très réputé aux États-Unis où vous êtes passée à deux doigts d’une grosse performance face à la numéro un mondiale (défaite au tie-break du 3e set après un match de 3h50) qui a deux ans de plus que vous. Quel sentiment cela vous a-t-il procuré ?
Sofia : "J’ai quitté l’Orange Bowl avec un mélange de sentiments. Le premier était positif car j’ai prouvé sur cette rencontre que je n’étais pas loin du tout d’une fille qui est numéro un au ranking mondial. Je retiens aussi de la déception car la victoire était vraiment très proche. J’ai mené 4-2 dans le troisième set mais mon adversaire a bien servi pour faire 4-3. Dans le jeu suivant, j’ai eu des opportunités. Je n’ai pas ressenti la peur de gagner mais j’ai moins bien servi dans le tie-break. Comme on dit souvent, cela s’est joué sur des détails. Si j’avais gagné ce quart de finale, je ne pense pas que j’aurais remporté la demi-finale car après presque quatre heures de match, j’étais cuite. L’Orange Bowl, c’est vraiment un tournoi très relevé. C’est quasiment comme un Grand Chelem. Il y avait les meilleures joueuses du ranking mondial mais aussi de nombreuses Américaines d’un très bon niveau mais qui ne sont pas spécialement bien classées car elles voyagent très peu. Je suis encore U16 mais j’ai joué en U18 pour affronter de meilleures adversaires."
Quels sont les objectifs pour 2021 ?
Sofia : "Prendre mes premiers points WTA et aller le plus loin possible dans les tournois du Grand Chelem juniors. Tout en améliorant mon classement chez les juniors."
Vous avez participé en 2020 à vos deux premiers tournois du Grand Chelem juniors en Australie et à Roland-Garros, que retenez-vous de ces expériences ?
Sofia : "En Australie, c’était ma première expérience et à Roland-Garros je ne suis pas arrivée dans les meilleures conditions."
Sotirios : "Sofia s’est blessée à la cheville avant le tournoi parisien et est restée sur la touche pendant plusieurs jours. Et quarante-huit heures avant notre départ pour Roland, elle s’est encore tordu la cheville. Ce qui fait qu’elle n’a pas joué avant son premier tour où elle s’incline quand même en trois sets."
Quelle est la structure d’entraînement mise en place autour de Sofia ?
Sotirios : "Sofia travaillait avec David Basile mais la collaboration s’est terminée. Pour le moment, on va à Mons au centre de l’AFT où Sofia peut s’entraîner. Le directeur technique, Thierry Van Cleemput, connaît bien Sofia et avec la fédération francophone, il nous dépanne. On verra pour la suite."
Au niveau de la scolarité, comment est-ce que cela se déroule ?
Sofia : "J’étudie via le jury central. Je fais ma scolarité en néerlandais et je suis actuellement les cours de cinquième et sixième. Cela se passe bien. Je n’étudie pas trop pendant les tournois mais je consacre plus de temps à l’école lors de période d’entraînement et quand je suis à la maison."
Est-ce que vous avez l’impression d’avoir une vie normale ?
Sofia : "Je ne pense pas à trop à cela. Je sais bien que la majorité des jeunes de mon âge n’ont pas la même vie que moi. Dans ma manière de vivre, il y a des avantages et des inconvénients. Mais cela me convient très bien. J’ai un projet et je m’investis complètement dans celui-ci. Et j’ai la chance de pouvoir compter sur le soutien de mes parents. Ils se rendent compte de mon investissement et ils voient que je prends du plaisir dans ce que je fais. Donc ils sont derrière moi."
Sotirios : "Vous savez, on a fait cela naturellement. Au départ c’était un entraînement par semaine, puis deux, puis quatre, puis cinq et maintenant c’est parfois deux séances par jour et les voyages. C’est vrai qu’on a déménagé, que Sofia est partie pendant deux ans en France avec sa maman pour s’entraîner dans une bonne académie, que je voyage avec elle sur le circuit, etc. On est à 100 % derrière elle. Sofia a besoin de nous pour le moment, quand elle sera plus grande, on sera moins présent sur les tournois."
Réussir une carrière dans le tennis, c’est quoi pour vous ?
Sofia : "On peut dire qu’en atteignant le top 100 tu as réussi ta carrière. Mais je vise plus haut. Mon rêve, c’est de gagner des Grands Chelems, entrer dans le top 10 mondial. C’est ce qui chaque jour me motive et me pousse à travailler. Quand j’ai des moments plus compliqués, je pense à cela et cela me motive."
Est-ce qu’un plan B existe en cas d’échec ?
Sotirios : "De toute façon, Sofia va terminer ses études."
Sofia : "Et si je ne parviens pas à réaliser une carrière, je pense rester dans le tennis ou le milieu du sport. Mais on ne va pas penser à cela maintenant."
Actuellement il y a cinq filles de moins de 20 ans dans le top 100 mondial, cela veut dire que vous avez encore du temps pour progresser et évoluer ?
Sofia : "Chaque joueuse évolue à son rythme. On ne doit pas comparer toutes les filles de quinze ou seize ans à Cori Gauff qui est dans le top 50. C’est un phénomène, une exception. Il faut simplement bosser et pas trop se comparer aux autres."
Est-ce qu’il y a sur le circuit des filles dont tu apprécies vraiment le jeu ?
Sofia : "Pour le jeu, Halep et Andreescu et pour la mentalité de compétitrice Serena Williams."
Et qu’elle est votre style de jeu ?
Sofia : "Je suis agressive du fond de court et je possède un bon service. Je dois apprendre à venir un peu plus au filet et travailler ma défense."
Est-ce qu’il y avait des posters de joueurs ou joueuses dans ta chambre quand tu étais plus petite ?
Sofia : "Oui. Nadal, Federer, Kim Clijsters et Serena."
Est-ce que vous trouvez que vous devez déjà, à votre jeune âge, gérer de la pression ? Celle des résultats, celle à cause de l’investissement de vos parents…
Sofia : "Aucune de mes parents. La seule pression que je ressens, c’est celle que je m’impose. Je veux toujours gagner."
On parle déjà pas mal de vous dans les médias, votre nom revient souvent quand on demande à des spécialistes du tennis belge quel jeune pourrait réussir une carrière, comment vivez-vous cela ?
Sofia : "C’est bien mais je dois décrocher de bons résultats sinon cela ne sert à rien. Je sais que je dois encore travailler car rien ne va m’être offert sur un plateau. Je suis consciente qu’il y a encore un long chemin à parcourir et que je ne suis encore nulle part."
Sotirios : "Sofia doit simplement faire évoluer son tennis, son niveau de jeu et on verra. Car le monde des adultes n’est pas le même que celui des jeunes. Cela va aller. On poursuit son rêve."
Vous souvenez-vous quand avez-vous pensé à faire carrière ?
Sofia : "Quand j’ai commencé les tournois internationaux vers 11-12 ans."
Sotirios : "De notre côté, on a suivi. Et je me souviens d’un ami dont la fille jouait aussi au tennis. Il m’a dit un jour en rigolant : si tu as de la malchance et que Sofia joue bien, tu vas laisser une maison dans l’histoire. Je ne comprenais pas pourquoi il disait cela. Maintenant je sais. Il faut plus ou moins 30.000 euros pour boucler le budget d’une saison. Et chez les jeunes, ce n’est pas le prize money des tournois qui va compenser les dépenses. Encore une chance qu’on reçoit l’aide de sponsors comme Nike, Volvo ou Wilson. Je me souviens aussi de notre premier soutien, c’était un ami avec sa société G&D Energy. Et sans l’aide de l’association Hopiness, qui aide des jeunes sportifs, jamais on aurait pu commencer à voyager avec Sofia."