Goffin et Gigounon, des amis revanchards en pleine pandémie: "Nous sommes des privilégiés mais c’est parfois difficile"
David Goffin et Germain Gigounon ont trouvé leur équilibre sur le circuit.
Publié le 23-04-2021 à 07h39
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Ils n’ont pas oublié d’où ils venaient, l’endroit où ils ont passé une grande partie de leur adolescence et été formés. Amis de longue date et maintenant installés dans une relation d’entraîneur-joueur, Germain Gigounon et David Goffin ont offert quelques minutes de leur temps, entre deux matchs à Barcelone, pour réaliser une interview avec l’AFT, l’association francophone de tennis. Les deux compères en ont profité pour revenir sur leur collaboration.
"L’année dernière, on a connu des conditions spéciales et j’étais un peu perdu, lança l’actuel 12e mondial. Ce qui explique ma fin de saison 2020 compliquée. Il a fallu mettre de l’ordre et repartir sur de bonnes bases. Le break en fin de saison m’a fait du bien. Avec Germain, on a commencé par un travail très dur pour faire ressortir mes bonnes sensations. Pour retrouver l’envie de jouer aussi bien aux entraînements qu’en matchs. Depuis le début de l’année, il y a eu des bonnes choses et des moments plus difficiles mais dans l’ensemble, cela va de mieux en mieux. Je suis content du travail qu’on réalise pour le moment. Nous sommes différents ; c’est ce qui fait qu’on s’entend bien. Je suis quelqu’un de taiseux alors que Germain va extérioriser ce qu’il ressent. Comme on se connaît bien, parfois je n’ai pas besoin de parler pour qu’il me comprenne. Pour le moment, c’est facile d’être coaché par un ami ; je ne vois que des avantages. On n’hésite pas à se dire les choses. Le plus important, c’est que cela reste comme cela. On arrive à bien faire la part des choses en restant très pros sur les terrains."
Connaissant parfaitement le Liégeois, Germain Gigounon savait comment il voulait aborder cette nouvelle collaboration : "Je pense que depuis le début de l’année, David est content d’être sur le terrain, content d’être de retour à la compétition après une année 2020 un peu bizarre pour tout le monde où il a fallu s’adapter aux nouvelles conditions sur le circuit après un long break. C’était compliqué pour tout le monde et pour David aussi. On a beaucoup discuté pendant l’hiver. Le fait de voyager ensemble est positif, on passe du bon temps sur les terrains mais aussi en dehors. C’est important dans une période comme celle qu’on traverse. Je reste naturel et David sait comment je suis. De toute façon, je ne vais pas me lever tous les deux points. Et si je me lève pour l’encourager, c’est que je sens qu’il en a besoin. Je le fais plus pour lui que pour moi. Je dois me mettre à son service et lui apporter ce dont il a besoin."
Ce qui fonctionne pas mal puisque malgré quelques éliminations précoces, David Goffin a remporté un tournoi (Montpellier), disputé un quart à Monte-Carlo et est toujours dans le top 15 mondial.
"J’essaie de faire le maximum et la saison est comme elle est", analyse le finaliste du Masters 2017. "Peut-être que si je ne perds pas en Australie en ayant des balles de match, je réagis autrement et je ne remporte pas le tournoi de Montpellier. Je sens que je joue de mieux en mieux et que je reviens à mon meilleur niveau. J’ai livré des bons matchs comme celui contre Zverev à Monte-Carlo. Je dois poursuivre dans cette voie pour trouver de la constance. Le niveau général du tennis est de plus en plus élevé et il n’y a plus de match facile. Je sais que si j’ai une petite baisse de régime cela peut être fatal contre n’importe qui. Chaque match est difficile à gagner et il n’y a pas de petite victoire."
Ce qui est parfois difficile à comprendre pour ceux qui suivent le tennis de loin et qui pensent que la logique du classement doit toujours être respectée.
"Parfois les gens ne comprennent pas bien ce qu’il se passe", poursuit l’ancien coach d’Ysaline Bonaventure. "Parmi ceux qui critiquent David, il y a en a peu qui sont du milieu. Ce qui est important, c’est le chemin qu’on essaie de mettre en place. C’est vrai qu’il y a des défaites qui sont compliquées. Mais peut-être que si David avait bien joué en Australie et été loin, il n’aurait pas joué Montpellier et remporté un titre. Il y a des matchs compliqués qu’on perd et il y a des matchs compliqués qu’on gagne. Ce qui est important, c’est que depuis le début de l’année, David est à la bagarre. Et les résultats viennent quand ils viennent, il n’y a pas de science exacte. Parfois on est bien et cela ne tombe pas. Et parfois on est plus dans le doute et il y a un résultat qui arrive. Le plus important, c’est de faire le travail au quotidien et de s’arracher sur le terrain."
Tout en parvenant à gérer une vie qui est devenue différente avec le Covid-19.
"Je peux comprendre qu’un Benoît Paire n’arrive pas à s’adapter aux conditions actuelles et qu’il en a marre, analyse le Liégeois. Il a besoin du public. Certainement qu’il tourne en rond dans sa chambre d’hôtel et devient fou. Pourtant nous sommes des privilégiés car on fait notre métier, on joue des matchs. Les villes et les tournois continuent d’organiser les événements. On continue à gagner notre vie et tout le monde n’a pas cette chance. Finalement, on fait quand même ce qu’on aime. Mais les voyages sont difficiles, vivre dans des bulles, c’est difficile. Sur le circuit, on voit un peu de tout. Des joueurs s’entraînent plus car ils n’ont rien à faire à l’hôtel. Ils passent leur temps au club. D’autres ont besoin de décompresser et boivent un petit verre de vin le soir. Chacun gère à sa manière pour être le plus libre d’esprit possible au moment de commencer ses matchs."
Ce qui fait dire à Germain en guise de conclusion : "Ce n’est pas parce que les joueurs sont des privilégiés qu’ils sont obligés de bien se sentir."
"Roger Federer espère encore gagner un Grand Chelem"
Avant de terminer l’interview, David Goffin et Germain Gigounon ont abordé deux sujets qui seront bientôt dans l’actualité : Roland-Garros et le retour de Roger Federer.
"Roland-Garros, ce n’est pas mon Grand Chelem préféré mais cela reste un tournoi spécial car j’ai souvent bien joué à Paris où j’aime bien les conditions qui ressemblent à celles qu’on trouve en Belgique, avoua David Goffin. En plus, il y a souvent beaucoup de fans qui viennent nous encourager. Federer, je ne sais pas comment il se sent. Ce qu’on a vu à Doha était très encourageant après plus d’une année sans jouer. S’il se donne les moyens pour revenir c’est qu’il espère encore gagner un Grand Chelem. Est-ce qu’il va y arriver ? Je ne sais pas."
Une mission qui semble difficile pour Germain Gigounon : "Physiquement, gagner un Grand Chelem, cela va être compliqué pour Federer vu le niveau des autres joueurs. Mais il est très intelligent et il gère très bien sa programmation avec en tête Wimbledon. Il va jouer un peu sur terre mais c’est sur le gazon qu’on pourra vraiment juger où il en est."