Happy Birthday, Jack Daniel's : 150 ans de savoir-faire dans le whisky
Véritable mythe aux Etats-Unis, la distillerie Jack Daniel’s vient de fêter son 150e anniversaire. C'est à Lynchburg que Jack Daniel a débuté son activité de distillateur, une activité qui s’est transformée au cours du temps en une des plus grandes marques de spiritueux du monde.
Publié le 13-01-2017 à 10h53 - Mis à jour le 14-09-2017 à 11h48
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Véritable mythe aux Etats-Unis, la distillerie Jack Daniel’s vient de fêter son 150 e anniversaire. Essentielle Vino s’est rendu à Lynchburg où Jack Daniel a débuté son activité de distillateur, une activité qui s’est transformée au cours du temps en une des plus grandes marques de spiritueux du monde.
Relater fidèlement son parcours historique relève de la gageure, d’abord parce que le personnage était des plus originaux, ensuite, parce que son entourage s’est efforcé de répandre diverses légendes sur le personnage. Et aujourd’hui ces légendes sont largement diffusées par le service marketing de Brown-Forman Corporation et font partie de l’image de marque de la célèbre bouteille carrée. Enterré au cimetière qui domine la distillerie, Jasper Newton Daniel, plus communément appelé Jack, est une légende toujours vivante, comme en attestent sa statue érigée en 1941 devant la « Cave Spring », la grotte qui fournit l’eau de source de la distillerie, et les deux sièges fixés devant celle-ci et sur lesquels prennent place les visiteurs pour se recueillir. Fils d’une famille de 13 enfants, Jack Daniel serait né en 1850 alors que le décès de sa mère est inscrit dans les registres en 1848… Mais une chose est certaine, c’est que chaque année la distillerie fête son anniversaire le 5 septembre.
Rejeté par sa famille, il trouve refuge chez son oncle, un prospère agriculteur de Lynchburg et c’est le Révérend Dan Call qui l’initie en toute clandestinité à l’art de la distillation dès 1864.
Très jeune, il dépose la marque et, grâce à l’héritage de son père, acquiert le site de l’actuelle distillerie. Son tempérament colérique le mènera à sa fin. En 1911, à l’âge de 60 ans, il décède d’une gangrène au pied, mal soignée suite à un violent coup de pied adressé à son coffre-fort, plus obstiné que lui, qui refusait de s’ouvrir. Sans descendance et jamais marié malgré sa tumultueuse vie sentimentale, son neveu Lem Motlow qui travaillait avec lui reprend les destinées de l’entreprise, rejoint rapidement par son frère Jess.
A propos de sa vie sentimentale, on raconte que sept femmes auraient partagé sa vie, ce qui serait une des explications du mystérieux N°7 représenté sur les étiquettes. A moins que ce ne soit au septième essai que Jack Daniel a réussi sa recette, ou encore une des nombreuses autres histoires romancées qui circulent dans le Comté, allez savoir.

Prohibition
Le 16 janvier 1919, la prospérité de l’entreprise est brutalement stoppée une première fois par le XVIIIe Amendement de la Constitution des Etats-Unis, complété par le « Volstead Act », interdisant totalement la consommation d’alcool sur le territoire américain, il ne sera abrogé qu’en 1933. La vente de whiskey est interrompue, les stocks s’accumulent. Sous l’impulsion de la mafia, l’activité de distillation clandestine et le marché noir prospèrent parallèlement à la distillation officielle pour raison médicale ou industrielle. En 1933, le gouvernement américain laisse le choix à chaque Comté de lever ou de continuité de la prohibition et celui de Moore décide de la maintenir (c’est toujours le cas aujourd’hui – cf. ultra). Exilé dans le Missouri, Lem Motlown revient en 1938 pour relancer la distillerie mais la guerre éclate en 1942 et entraîne une seconde fois l’arrêt de la production jusqu’en 1946.
En 1956, les héritiers Motlow cèdent leurs actions à Brown-Forman qui acquiert la marque iconique qui pèse aujourd’hui pour 75 % dans son portefeuille, à côté de marques comme Finlandia, Herradura, Chambord ou Korbel.
Bourbon et whiskey de Tennessee
Le « Tennessee Whiskey » se distingue du bourbon en divers points et pas uniquement l’origine. Evidemment, il doit être élaboré dans l’Etat de Tennessee et comme le bourbon, il doit être empâté à partir d’au moins 51 % de grains de maïs, distillé à moins de 80 %, d’alcool, vieilli dans des barriques neuves et embouteillé au minimum à 40 % d’alcool. Par contre, à la différence du bourbon, il doit subir un processus de filtration sur charbon de bois avant élevage en fût.
Concrètement, avant de franchir l’étape de filtration sur charbon de bois, le distillé est un bourbon qui n’obtient l’appellation « Tennessee whiskey » qu’après avoir percolé et traversé une épaisse couche de charbon.
Le processus
L’eau : Il faut chercher l’origine du Jack Daniel’s au fond d’une grotte, située à deux pas du bureau original de son fondateur, au centre du site de production appelée « Cave Spring ». C’est là que l’eau est pompée sans interruption depuis plus de 150 ans. Elément fondamental du processus, l’eau cristalline qui affleure dans ce petit lac souterrain n’est pas ferrugineuse, ce qui a pour conséquence de n’influencer ni la couleur ni le goût du whiskey.
L’empâtage : Trois céréales sont utilisées : le maïs (80 %), le seigle (8 %) et l’orge (12 %). Les céréales, préalablement concassées, sont plongées dans l’eau et chauffées à haute température. Une fois le moût refroidi, on y ajoute des levures sélectionnées qui transforment les sucres en alcool. A la fin de la fermentation qui dure 6 jours, le moût titre de 11 à 12 % d’alcool.
Le processus de distillation assez classique est réalisé en continu par quatre colonnes de distillation en cuivre. A la sortie de la colonne, le spiritueux titre 70 % d’alcool.
Charcoal Mellowing : L’étape décisive de filtrage sur charbon (« charcoal mellowing ») convertira le bourbon en « whiskey du Tennessee ». La fabrication du charbon de bois réalisée sur place est spectaculaire. Des planches d’érable sont superposées en échafaud de plusieurs mètres de haut auquel on boute le feu. Avant la combustion totale du bois, le feu est éteint avec de l’eau par les pompiers de la distillerie. 72 cuves de filtration à fond perforé de 3 mètres de diamètre et de 3 mètres de haut sont remplies de charbon. Goutte après goutte, l’alcool traverse lentement les couches de charbon. La percolation dure 3 jours. C’est le temps nécessaire pour que le charbon éponge et absorbe l’amertume de l’alcool et le transforme en un distillé plus doux et plus cristallin. Le charbon est changé deux à trois fois par an.
L’élevage : La barrique est un élément primordial pour l’élaboration du bourbon. Toutes les barriques sont fabriquées par Bluegrass Cooperage qui appartient à Brown-Forman. Huit cents barriques sortent quotidiennement de la fabrique en grande partie à destination de la distillerie de Jack Daniel’s. De la technique de toastage des barriques dépend la couleur et les saveurs du whiskey. A plus de 200°C et en moins de 22 secondes, l’intérieur des barriques est brûlé à la flamme. C’est l’un des secrets des arômes particuliers de caramel et de grillé qui caractérisent le Jack Daniel’s. Les barriques sont entreposées de 4 à 7 ans dans de hauts entrepôts en bois. En fonction de leur emplacement dans ces hangars, la température et l’humidité varient et influencent l’évolution du whiskey. Chaque barrique est unique et évolue différemment. Le master blender aura la lourde responsabilité d’assembler ces différentes barriques afin de reproduire le goût unique qu’attend le consommateur.
Les barriques situées en haut profitent d’une température et d’une humidité supérieures qui provoquent une meilleure dilatation des pores du bois et une meilleure infusion des arômes. Ces barriques sont commercialisées individuellement comme « Single Oak » à des clients privilégiés. Ces barriques sont vendues entre 10.000 et 15.000 €. Les barriques une fois utilisées ne peuvent plus servir et sont reconditionnées avant d’être revendues aux distilleries écossaises ou à leur voisin élaborateur du… tabasco.
Dry County
C’est difficile à croire, mais le Comté de Moore dans le Tennessee où se situe la distillerie de Jack Daniel’s est « dry » (sec). C’est à dire que la vente et la consommation d’alcool y sont formellement interdites ! Impossible donc pour les milliers de visiteurs en pèlerinage à Lynchburg de goûter le mythique breuvage ni d’en acheter une bouteille. Une exception cependant : dans la boutique de la distillerie, on peut acquérir des bouteilles ‘Collector’ qui sont considérées comme des objets de collection et non comme des bouteilles d’alcool. Cherchez l’erreur !
Par contre, les employés de la distillerie sont de véritables privilégiés et, le premier vendredi du mois, ils reçoivent une bouteille de Jack Daniel’s. A déguster le weekend bien sûr…