L’Asie : nouvelle latitude du vin

Marc Vanel
L’Asie : nouvelle latitude du vin
©AWPA

Si l’Asie est avant tout un continent de spiritueux, plus de 1200 vignerons produisent aussi du vin dans 13 pays et régions. La première conférence-dégustation des vins et spiritueux vient de se dérouler à Pékin. Elle a pour ambition de devenir la plateforme d’échanges sur les vins et spiritueux asiatiques. Vaste continent de 44 millions de km² qui s’étend de la Turquie au Japon et de la Russie à l’Indonésie, l’Asie offre une extrême variété de pays, de climats, de cultures et de coutumes. Au fil des siècles, cette diversité a donné naissance à une industrie des boissons à multiples facettes, qui représente plus de 30% de la production et de la consommation mondiales. L’Asie est un continent de superlatifs : 7 des 10 marques de whisky les plus vendues dans le monde sont indiennes, le n°1 du gin et des brandys est philippin, l’alcool le plus vendu dans le monde est chinois et les Chinois eux-mêmes sont devenus les plus grands consommateurs de vin rouge sur la planète.

Cependant, la conscience de cette pléthore de vins et spiritueux et des coutumes qui les accompagnent s’arrête souvent aux frontières nationales. Et jusqu’à présent, même si de nombreux salons de vins et d’alcools sont organisés en Asie, aucun n’était spécifiquement dédié aux produits asiatiques.

Organisatrice de différents concours et événements internationaux, la société belge Vinopres s’est vu confier par le district de Fangshan-Pékin l’organisation d’un événement destiné à partager les connaissances et les expériences en ce domaine.

Organisée en partenariat avec la plateforme Beijing International Wine and Spirits Exchange, la 1st Asian Wine and Spirits Conference-tasting – The Silk Route s’est déroulée début octobre à Pékin. Son objectif était non seulement de promouvoir le dialogue entre les membres de l'industrie asiatique des boissons, mais aussi d'offrir un aperçu de la région pour la communauté mondiale des vins et spiritueux et d'élargir la portée de l'Asie aux pays producteurs moins connus comme l'Arménie, la Turquie et la Géorgie.

La Chine, en tant que force motrice principale de la région actuellement, était le choix évident pour organiser cette première édition, particulièrement Fangshan qui est considéré comme une vitrine pour l'industrie du vin encore naissante du pays. Près de 70  invités étrangers – producteurs et exportateurs de vins et de spiritueux, journalistes et écrivains du vin, sommeliers et représentants d’organisations professionnelles, étaient invités à un cycle de 24  conférences et master-classes qui ont permis de faire le tour du continent asiatique, des conférences qui feront l’objet de présentations dans ce magazine tout au long de l’année. En guise d’introduction, nous vous proposons un résumé de la conférence de Sumedh Singh Mandla, président de la récente Association des Producteurs de Vins asiatiques (AWPA), et également propriétaire du vignoble Grover Zampa Vineyards en Inde, à Maharashtra. Il nous dresse les contours d’un continent vinicole très peu connu chez nous.

Le nouveau visage des vins asiatiques

Créée en 2013 lors de la Foire internationale des Vins et spiritueux de Hong Kong, l’AWPA a pour ambition de rassembler les producteurs de vins de toute l'Asie et de promouvoir leurs produits dans la communauté viticole mondiale. Si pour l’instant, l’association ne comporte qu’une dizaine de membres, leur nombre ne peut aller qu’en grandissant.

On recense en effet actuellement 13 zones de production de vin en Asie, la plus grande étant la Chine, avec 800 producteurs environ. Elle est suivie par le Japon (230 producteurs) et l’Inde (80 producteurs) et la Corée du Sud (80 producteurs) mais on trouve aussi du vin en Thaïlande (12 producteurs), en Indonésie  (5) ainsi qu’au Myanmar, au Vietnam, à Taiwan, au Sri Lanka, au Cambodge ou à Hong-Kong.

Malgré les défis posés par un climat tropical, la production de vin en dehors des latitudes traditionnelles peut être couronnée de succès, a affirmé Sumedh Singh Mandla, soulignant le succès de régions productrices telles que l'Inde, le Japon, la Thaïlande et l'Indonésie, qualifiant en outre ces régions de « New Wine Latitude ».

En Inde

Le vin est produit et consommé en Inde depuis des siècles, mais au fil du temps, il a perdu du terrain au profit de spiritueux tels que le whisky ou le rhum. La renaissance a lieu à la fin des années 1980 dans les régions de Pune et Bangalore. Dans les années 90, la ville de Nashik, à 180 km au nord-est de Mumbai, prend la tête de cette nouvelle activité et est aujourd’hui considérée comme la capitale du vin. De gros investissements ont également été réalisés dans le Karnataka, dans le sud du pays.

L’Inde comporte aujourd’hui près de 100.000 hectares de vignes, mais seulement 2% sont consacrés au vin, les 98% restants étant réservés à la table ou à la production de raisins secs. Trois régions se dégagent dans trois états situés sur la côté ouest du pays : Maharashtra, Karnataka et Andhra Pradesh. Les cépages principaux sont internationaux (Shiraz, Cabernet, Merlot, Chenin, Zinfandel, Sauvignon, etc.) mais le pays compte quelques cépages indigènes dont le Bangalore Blue, l’Akravati, l’Arkeshyam et le Thompson.

Les consommateurs locaux préfèrent les vins rouges (61%) aux blancs (34%). La production est exportée dans 30 pays et parmi les plus importants noms, on peut citer Grover Zampa Vineyards, Sula Vineyards et York Winery.

L’Asie : nouvelle latitude du vin
©Sula Vineyards

En Indonésie

Si le marché indonésien est occupé majoritairement par la bière (85% !), le pays est aussi réputé pour la production d’arak (ici un alcool de riz gluant), de twak (un vin de palme) et de brem (vin de riz noir EST COVER.jpg). Côté vins, on trouve surtout des vins de fruits aux vertus supposées médicinales, mais malgré tout cinq producteurs, tous localisés à Bali. Deux d’entre eux produisent leurs vins avec leurs propres raisins et Sababay Wines) mais les trois autres utilisent des moûts importés d’Amérique latine et/ou d’Australie (Plaga Wines, Artisan Wines et Cape Discovery).

L’Asie : nouvelle latitude du vin
©AWPA

Au Japon

Deuxième producteur après la Chine, le Japon doit sa renommée à la région de Yamanashi où sont situés les principaux producteurs.

La première exploitation viti-vinicole commerciale y a été créée en 1875 et fait aujourd’hui partie de Château Mercian, n°2 japonais, après Hokkaido et devant Suntory et Sapporo. Même si la bière demeure la boisson alcoolisée préférée des Japonais, le pays est le deuxième pays importateur en Asie-Pacifique et le sixième plus important dans le monde, avec une consommation de 4 litres de vin par habitant. Si le Japon cultive la plus large gamme de cépages, le Koshu est incontestablement le cépage le plus emblématique du pays.

L’Asie : nouvelle latitude du vin
©AWPA

En Thaïlande

Syrah et Chenin blanc sont les deux principaux cépages cultivés en Thaïlande par douze producteurs dont la plupart ont démarré il y  a dix ans à peine. Une association, Thai Wine Association, a été formée en 2004 pour promouvoir la qualité des vins produits à partir de cépages plantés localement. Aujourd’hui, presque tous installés au centre du pays, au nord et au sud de Bangkok, les 12 producteurs produisent environ 1000 tonnes de raisins permettant de sortir quelque 800.000 bouteilles par an. Les vins sont blancs et doux, mais aussi effervescents. Les vins thaïlandais ont déjà remporté une centaine de médailles dans les compétitions internationales. Les plus grands noms sont GranMonte, Doyles, Silverlake et Alcidivini.

L’Asie : nouvelle latitude du vin
©AWPA

L’avenir

Le président de l’AWPA se montre très confiant quant à l’avenir de la viticulture en Asie qui est, certes encore faible, mais qui ne peut donc que grandir. A condition d’augmenter la qualité, d’affiner les styles et de mettre par exemple l’accent sur des cépages uniques, comme le Japon l’a fait avec le Koshu. De même, la présence des cuisines asiatiques sur les marchés mondiaux ne peut que favoriser cet essor. Enfin, pour Mandla, un des atouts clés est l’œnotourisme. Dans ce registre, l’expérience menée en Inde par Sula Vineyards pourrait bien en inspirer d’autres. Son directeur, Rajeev Samant, organise depuis 2008 un festival musical qui rassemble 15.000 jeunes en un week-end (souvent, ils y boivent leur premier verre de vin…) et en 2010 a ouvert un complexe touristique où les visiteurs entament leur séjour par une visite du vignoble et des chais. Sula Vineyards a ainsi accueilli plus de 230.000 visiteurs l’an dernier ! De quoi inspirer, en effet.


Un programme de conférences adapté à chacun Les quatre journées de l’événement ont permis aux divers invités d’échanger et d’approfondir leur connaissance du marché asiatique. Parmi les sujets abordés, relevons notamment la présentation du marché mondial des boissons alcoolisées et de la Chine en particulier (avec Euromonitor Shanghai), l’essor du whisky indien (avec Amrut Distillers et Allied Blend Distillers), les gins et les brandys philippins (avec Limtuaco et Ginebra San Miguel), l’industrie vinicole israélienne moderne (avec Carmel et Yatir Wineries), les vins de Koshu et de Yamanashi au Japon (avec Lumière et Suntory Tomi-no Oka), l’histoire des spiritueux et du Soju en Corée du Sud (avec Jinro), la renaissance des vins en Géorgie et en Arménie, l’œnotourisme en Inde, et bien sûr plusieurs thématiques centrées sur la Chine (cépages, marchés, enjeux, etc.). Ce programme d’échanges a été complété de visites de vignobles locaux : Densiho, Bolongbao, Niandu et Wode, ainsi que du tout nouveau musée du baiju à Pékin (Museum of International Brewmaster Art – MIBA) où s’est déroulée une magnifique soirée cocktails avec le mixologiste Ulric Nijs qui a élaboré pour la circonstance cinq cocktails inédits avec l’alcool national chinois, le baijiu.

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