Attention, vermouth en vue !

Thierry Heins
Attention, vermouth en vue !
©vino!
  • Le vermouth revient en force sur la scène des apéritifs populaires et branchés. En Espagne, particulièrement à Barcelone, les bars à vermouth (Vermuteria) fleurissent un peu partout. Pour l’apéro, on vous dira « Fer un Vermut » au lieu de « boire une bière ». Aux Etats-Unis, le vermouth est redevenu un grand classique dans les cocktails, et en Belgique, plus particulièrement en Flandre, il connaît une belle croissance depuis quelques mois. Est-il en passe de détrôner le gin ?

    Qui n’a jamais bu un Martini, accompagné de sa rondelle de citron ? Le Dry Martini, à base de gin et de vermouth blanc sec, est le cocktail fétiche de James Bond, qui le préfère mélangé à la cuillère, accompagné d’une olive verte. Le vermouth peut se boire pur, mais il est aussi l’ingrédient de nombreux cocktails classiques. C’est un vin fortifié, aromatisé d’herbes et d’épices, qui doit contenir une plante spécifique, l’Artemisia absinthium, ou Absinthe (dénommée Wermut en allemand et qui lui a donné son nom). La variété n’est pas spécifiée, ni même sa quantité, et le produit final doit avoir min. 75% de vin et titrer entre 14,5% et 22% d’alcool. Il ne s’agit pas d’un vin cuit, comme on le pense souvent. Il en existe une infinie variété, du plus sec au plus doux, mais c’est surtout la qualité des vins employés et la combinaison des plantes et épices qui font son originalité.

    Un peu d’histoire
    L’histoire du vermouth est ancienne. Quatre siècles avant notre ère, le médecin grec et philosophe Hippocrate prescrivait déjà à ses patients une boisson issue de vin doux dans laquelle il faisait macérer de l’absinthe et de l’origan, pour combattre le rhumatisme, l’anémie ou les règles douloureuses. A l’époque romaine, les recettes deviennent de plus en plus élaborées, grâce aux nombreuses épices exotiques disponibles chez les herboristes. On prête à ces vins des propriétés thérapeutiques et ils sont consommés comme digestif après des repas plantureux.

    Au Moyen-âge, les deux centres de production du vermouth sont bien établis : l’un dans le Piémont, le second en France dans le sud-est. Le royaume de Savoie couvre à cette époque ces deux régions, avec Chambéry pour capitale. A cette époque, la Savoie produit une quantité abondante de vins, mais de qualité médiocre, qui nécessitent d’être améliorés. Profitant de sa proximité avec Venise, qui commerce avec l’est de l’Afrique, l’Inde, l’Indonésie, elle va importer une multitude de nouvelles plantes aromatiques et d’épices exotiques et les intégrer à sa production de vermouth.

    La première marque commerciale a été créée à Turin en 1786 par un apothicaire italien dénommé Antonio Benetto Carpano. Contrairement à ses prédécesseurs, il utilise comme base un vin de Muscat de bonne qualité qu’il renforce avec de l’alcool et dénomme sa recette « Wermut ». Cette marque devient rapidement populaire à tel point qu’elle est adoptée et recommandée par Amedeo III, duc de Savoie. La langue française étant la langue principale parlée en Savoie, le mot allemand est abandonné et remplacé par « Vermouth ». En France, Joseph Noilly, herboriste à Lyon, produit aussi des vermouths et constate que ses produits transportés par bateau développent des arômes spécifiques au contact de l’atmosphère saline. Il s’installe en 1813 à Marseille pour bénéficier de ces conditions maritimes, aromatise ses vins avec de l’absinthe, de la camomille, de l’orange amer, créant ainsi un vermouth sec encore produit aujourd’hui, le Noilly Prat.

    D’autres familles suivront l’exemple de Carpano et de Noilly pour commercialiser des vermouths : Martini & Rossi, Cinzano, Gancia, Cocchi… en Italie, et Dolin, Chambéry, et Lillet en France. A cette époque, on différencie les vermouths italiens au style doux des vermouths français au style sec. Actuellement, cette division de style entre vermouth français et italien n’est plus vraie, chaque pays produit des vermouths secs et doux. Et la grande majorité des vermouths sont produits à partir de vin blanc, les vermouths « rouges » étant obtenu par l’adjonction de caramel qui lui donne cette couleur rouge-ambrée. Les vins rouges sont peu adaptés à la production de vermouth, car les tannins du vin peuvent s’oxyder et madériser.

    Au 20e siècle, l’action thérapeutique est contestée mais heureusement le vermouth est adopté par les barmen, qui en font un ingrédient populaire pour les cocktails.

    La fabrication du vermouth
    Pour fabriquer un vermouth, on élabore tout d’abord un vin de manière traditionnelle que l’on fortifie en fin de processus, mais certains sont vieillis en barrique pendant 12 mois et peuvent aussi subir un vieillissement sous voile comme les vins de Sherry. Les plantes et épices sont incorporées au vermouth suivant différents procédés. Le plus fréquent est une macération, suivie d’une distillation. Dans ce cas, le but recherché est d’extraire les composés les plus volatils et d’éliminer les molécules plus lourdes qui restent dans la chaudière. Pour certains vermouths tels que le Noilly Prat, les ingrédients sont directement macérés dans le vin fortifié. Il existe une infinie variété de plantes et d’épices utilisées par les producteurs : angélique, cardamone, coriandre, origan, gentiane, gingembre, houblon, écorce d’orange ou de pamplemouse, réglisse, marjolaine, rose, safran, anis étoilé, vanille, thym… et bien sûr, l’Artemisia absinthium, obligatoire dans tout vermouth et à la base de la boisson « Absinthe ». Mais la quantité de thuyone contenue dans un vermouth est bien inférieure à la limite imposée par la législation européenne.

    Les extraits obtenus sont ensuite ajoutés au vin. Les vermouths sont généralement adoucis par ajout de sucre pour réduire l’amertume, ou tout simplement en ajoutant de l’alcool lors de la fermentation du vin, ce qui détruit les levures avant que celles-ci n’aient converti tous les sucres. On obtient ainsi ce qu’on appelle un « mistelle » qui peut être assemblé avec un vin totalement fermenté. Pour les vermouths « rouges », on ajoute alors du caramel. Il existe néanmoins des vermouths qui sont élaborés à partir de vin rouge. Le produit final est ensuite porté à son degré d’alcool final par adjonction d’alcool neutre.

    Les marques
    Il y a une réelle tendance de « montée en gamme » dans les vermouths et à l’apparition d’une multitude de « vermouths artisanaux ». A côté des marques bien connues telles que Martini, Cinzano, Gancia, Noilly Prat ou Dolin, des anciennes formules sont remises à l’honneur. On citera le Vermouth del Professore et Belsazar (The Nectar), Riserva Carlo Alberto, Mancino, Carpano Antica Formula, la Quintinye… Gonzales Byass et Lustau, traditionnellement des producteurs de Sherry, se sont aussi lancés dans l’aventure avec respectivement le vermouth La Copa et Vermut Lustau. Sans oublier les vermouths belges Belmouth (Delhaize et la distillerie de Biercée), Forest Vermouth, Kiss my…

    Pur ou en cocktail
    Americano
    Réalisez la recette directement un verre de type « old fashioned ». Versez les alcools sur les glaçons, allongez à l’eau gazeuse, remuez et servez. Décorez d’une demi-tranche d’orange. Certains aiment ajouter deux gouttes d’angostura.
    Ingrédients :
    4 cl de vermouth rouge
  • 4 cl de Campari
  • Eau gazeuse
  • Negroni
    Une variante de l’Americano, dans laquelle l’eau gazeuse est remplacée par le gin. Réalisez la recette directement dans un verre de type « old fashioned ». Versez les alcools sur les glaçons, remuez et servez. Ajoutez une rondelle d’orange dans le verre.
    Ingrédients :
    2 cl de vermouth rouge
  • 2 cl de Campari
  • 2 cl de gin
  • Dry Martini
    Versez le vermouth et le gin dans un verre à mélange. Remplissez de glaçons aux deux tiers. Frappez rapidement avec la cuillère à mélange de haut en bas. Servez en retenant les glaçons dans un verre rafraîchi de type Martini et décorez d’une olive lavée et piquée d’un bâton au fond du verre.
    Ingrédients :
    2 cl de vermouth dry (blanc)
  • 4 cl de gin
  • Vesper Martini
    Réalisez la recette « Vesper » au shaker. Frappez avec des glaçons et servez en retenant les glaçons, dans un verre de type Martini. Ajoutez un zeste de citron. Originalement, il est réalisé avec du Kina Lillet, mais si vous n’en avez pas, utilisez du Lillet blanc et 2 gouttes d’orange bitters.
    Ingrédients :
    1 cl de Lillet blanc
  • 1,5 cl de vodka
  • 4 cl de gin
  • 2 gouttes d’orange bitters

La dégustation

Dégustation : Thierry Heins, Dirk Rodriguez et Marc Vanel

Attention, vermouth en vue !
©distributeurs

Lionello Stock – Bianco Vermouth (75 cl)
Ce vermouth est très épicé, avec des impressions d’absinthe, de romarin, de cannelle, de réglisse, presque parfumé, attrayant, fruité, un peu doux aussi. Une alternative au Martini, mais de facture traditionnelle. La bouche est un peu trop sucrée pour la saison et se clôture avec un peu d’amertume provenant de l’absinthe. A servir avec des glaçons et une tranche citron si vous l’aimez pur, ou avec de l’eau gazeuse. (16% alc.)
★ – Divers cavistes – ±7€

Lionello Stock – Vermouth Rosso (75 cl)
Une couleur rouge rubis et un nez plus discret mais un rien plus raffiné et agréable que le Bianco, avec une légère amertume après le sucre qui se charge d’assurer l’équilibre. Impressions de zeste d’orange, de clou de girofle et de cannelle. Cela ressemble presque au Glühwein ! Parfait avec quelques blocs de glace et une tranche d’orange. (16% alc.)
– Divers cavistes – ±7€

Punt e Mes – Vermouth Rosso
Vin, sucre et herbes des montagnes : le nez de ce vermouth rouge distillé par Fratelli Branca en Italie, est riche en caramel, sirop de canne, bonbons, gentiane... Un apéritif qui offre plus de résistance. La bouche est très sucrée, puissante, grasse, avec une amertume impressionnante. Malgré l’amertume, il manque une touche de fraîcheur. « Punt e Mes » signifie « un point de douceur et un demi d’amertume », cela pourrait être le contraire. A utiliser plutôt comme ingrédient d’un cocktail tel que le Negroni. (16% alc.)
() – Divers cavistes – ±10,50€

Padró & Co
– Vermouth Rojo Classico (70 cl)
En droite ligne de Tarragona en Espagne. Un nez très complexe, sans fautes, tout à fait équilibré, avec des notées fruitées (ananas, orange), des épices, de l’amertume, des raisins secs, et des notes secondaires d’épices comme le thym, la réglisse ou la vanille. On monte clairement en gamme ici. En bouche, ce vin est très rond, élégant, gras, légèrement piquant en avant de bouche, avec une jolie fraîcheur, le tout étant arrondi par un passage en barrique et présenté dans une belle bouteille. Sa Grande Médaille d’Or au CMB Spirits Selection n’est vraiment pas volée. (18%)
Non importé – ±10€ sur bodega-privada.com

Gonzalez Byass ‘La Copa’ – Vermouth Rojo (75 cl)
Très connu pour sa production de sherrys, Gonzalez Byass élabore aussi un vermouth rouge avec une recette antique du 19e siècle. Le nez est intense et fortement dominé par l’orange, la mandarine, les agrumes, des arômes complétés par une touche de clos de girofle, de raisins secs, de cannelle et d’absinthe bien sûr. La bouche est tout en rondeur et on ne peut s’empêcher de penser à un Sherry PX (Pedro Ximénez) et donc plus à un vin de dessert qu’à un vin d’apéritif. C’est assez normal en fait, car, après vérification, il apparaît que ce vin est un assemblage d’Oloroso de 8 ans et de Pedro Ximénez ! (15,5% alc.)
– Divers cavistes – ±14,00€

Brouwerij Verhofstede – Vermout (75 cl)
Un vermouth belge à présent avec ce vin élaboré par une distillerie proche d’Anvers depuis 2016 avec une base de vin espagnol. Le nez semble plus alcoolisé et moins sucré que les précédents, avec des arômes de pain d’épices, de mélasse, de spéculoos presque. Il manque toutefois de vivacité, et ressemble presque à un gin macéré à l’orange. La bouche est douce-amère à la fois et semble prédestiner ce vin à un usage en cocktails plutôt qu’à la dégustation pure. Une forme originale de bouteille. (17,00 alc.)
() – Points de vente sur le site de la brasserie

Perucchi Vermouth Gran Reserva (Catalogne) (75 cl)
Pour terminer cette petite série, un vermouth espagnol très expressif, avec beaucoup d’épices, de zeste d’orange, de pain d’épices et de fruits rouges (même s’il est fait à partir de vin blanc).
La bouche est très fraîche avec un retour de fruits rouges. Le long élevage en fût de chêne n’y est pas pour rien. Ce vermouth est le premier à avoir été produit en Espagne, au début du 19e siècle. (15%)
– Non importé – ±9€ sur uvinum.fr

Kiss my… Nuts Belgian Organic Vermouth (50cl)
Un Vermouth belge bio rouge-ambré. Beau nez très noisette-cannelle-sirop de Liège. Bouche ronde, voire un peu trop sucrée, mais de manière générale fine et longue. Légère amertume de clou de girofle en fin de bouche. Existe aussi en version mûre et rhubarbe. (21% alc.)
() – Distributeurs: www.kissmy.be

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