Bois et bière
- Publié le 16-01-2018 à 14h59
- Mis à jour le 16-01-2018 à 15h39
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/WO2JB7LGTZBCDPZIIJHIOPTHUY.jpg)
De plus en plus de brasseurs belges découvrent les vertus cachées du bois. Ils l’expérimentent parfois par pure passion, parfois pour des raisons stratégiques, histoire de ne pas se faire souffler ce « trou » sur le marché.
Pour faire vieillir leurs bières et leur donner des arômes supplémentaires, les brasseurs ne choisissent généralement pas des barriques neuves, mais bien celles qui ont déjà contenu du vin, du whisky, du cognac, du calvados ou du porto. L’idée est de récupérer les arômes et saveurs imprégnés dans le bois et les mélanger avec les jeunes bières. Une sorte de quête pour plus de profondeur. Tout l’art consiste à laisser la bière mûrir suffisamment longtemps pour qu’elle absorbe les saveurs et les arômes souhaités, tout en s’assurant de ne pas perdre le caractère de la bière. Très souvent, le résultat est une bière de luxe que les brasseurs aiment mettre à l’honneur et pour laquelle ils peuvent également demander un prix plus élevé, parfois même l’équivalent d’une bonne bouteille de vin.
Le Pajottenland et la vallée de la Senne sont l’exception à la règle : le bois n’est pas un artifice de luxe, mais il est partie intégrante d’une tradition déjà ancienne. Le lambic a toujours fermenté et vieilli dans du bois pour apprivoiser son acidité. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le lambic et la gueuze sont de plus en plus populaires ces dernières années. Nos amis américains amateurs de bière sont fous de bière aigre passée en barrique.
Les vieilles bières rouges et brunes flamandes mûrissent elles aussi dans des tonneaux depuis des siècles. La brasserie Rodenbach n’est évidemment pas surnommée la cathédrale des foudres pour rien. De nos jours, toutes les brasseries belges, grandes et petites, expérimentent le bois. Même des icônes telles que Duvel et Leffe n’échappent pas à la pratique. Les petites brasseries familiales et les brasseries branchées livrent des perles, pensez à Dubuisson (Cuvées Prestiges) ou à la Brasserie de Bastogne (Ardenne Wood). Neuf ou d’occasion, le bois ajoute une valeur à la bière et le mariage des deux, qui ne date pas d’hier, semble être du
type durable.
Les bières boisées sont branchées (et toujours aussi un peu houblonnées) et séduisent un public très enthousiaste. Le succès du « Toer De Geuze » bisannuel à travers le Pajottenland est là pour le prouver. Le passage en barrique a aussi permis à de nombreuses bières un peu en perte de vitesse de trouver une nouvelle vie et un nouveau marché. Certains festivals sont même désormais dédiés à cette catégorie de bières et ce n’est que le début d’une tendance…
Notre appréciation : **** Excellente - *** Très bonne - ** Bonne

1. Liefmans Gouden Band ’Barrel Aged’
****
Quarante semaines d’élevage en fût de vin donnent ici de fines notes de vinaigre balsamique et des impressions d’épices douces. Avec une base de vieille bière rouge-brun, les acides fournissent ici une belle tension dans la palette de goûts. En finale, une touche légère de caramel, de bonbon et de violette. Bois, matière et acide sont parfaitement équilibrés dans cette bière. (9,5% alc.)
Accords : terrine de gibier, carbonnades, magret de canard fumé, pain aux raisins, pouding de pain, tartes aux fruits.
PVC : 6,60€ (75 cl)
2. Bush de Nuits ’Cuvée Spéciale’ – Bvrasserie Dubuisson
****
La rencontre de la bière avec des fûts qui viennent de Nuits-St-Georges en Bourgogne, même si la teinte dans le verre peut faire penser à un Brunello toscan, mais avec plus d’ambre. Ouverture harmonieuse, aussi généreuse que fraîche. La structure est élégante, avec un soupçon de sucrosité et des notes fruitées et fumées. La fraîcheur se maintient jusqu’à la dernière gorgée. La grande classe belge. (13% alc.)
Accords : viandes blanches, gibiers, plats avec champignons, râble de lièvre à la truffe, desserts, fromages d’abbayes et semi-durs affinés.
PVC : 15€ (75 cl)
3. Rodenbach Vintage 2015 – Aged in Oak Foeders
****
Notes de fruit et de caramel, la base est ici une vieille bière rouge. L’impact des foudres de chêne est bien intégré. En bouche, le fruit et l’acidité sont équilibrés, avec des touches toastées. Le taux d’alcool est assez bas. Une belle réussite. (7,0% alc.)
Accords : foie gras, carbonnade, rôtis de gibier, magret fumé et autres préparations de canard, pain aux raisins, pouding de pain, tartes aux fruits.
PVC : 7,95€ (75 cl)
4. Ardenne Wood ’My Deer’ (33 cl) – Brasserie de Bastogne
****
La seule bière boisée de notre sélection qui soit proposée aussi en petites bouteilles de 33cl mais aussi l’une des deux plus chères. Une bière de dégustation avec une belle profondeur de saveurs. Le nez est riche d’épices douces, de fruits secs et de fleurs. Rondeur et corps en bouche, fine sucrosité. En finale, retour de fruits secs (abricots surtout). Belle persistance légèrement piquante. (11 %alc.)
Accords : à apprécier au coin du feu, avec quelques vieux fromages persillés comme le Stichelton.
PVC : 10,99€ (33 cl)
5. Bush de Charmes ’Cuvée Spéciale’ – Brasserie Dubuisson
****
Une bière mûrie en foudres de Meursault en Bourgogne, non filtrée, signe d’une refermentation en bouteille. Eclat blond doré. Nez intense de zeste d’agrumes frais, de brioche et de fins arômes de bières. Puissance et sensations en bouche, agréable retour de houblon. Sans doute la plus élégante et le plus équilibrée de cette catégorie de bières boisées. (10,5% alc.)
Accords : viande blanche, plats aux champignons des bois, gibier à plumes, par exemple un faisan aux chicons.
PVC : 15€ (75 cl)
6. Barrel Aged Blend - Boulevard Brewing Company, Kansas
****
Légère teinte de scotch. Nez aux touches de chocolat, fumées et salées comme un tonneau de whisky écossais, un soupçon de banane aussi. Malgré cette ouverture complexe, cette bière ne perd pas son équilibre car elle a suffisamment de fraîcheur et de corps. Un topper américain dans les mains de Duvel-Moortgat. (12,5% alc.)
Accords : fromages d’abbaye, fromages crémeux doux, desserts au chocolat.
PVC : Delhaize 7,49€ (75 cl)
7. Hof ten Dormaal, Belgian Blond Ale, Armagnac Barrels
***
L'impact du bois est assez marqué, avec de fortes notes d’épices. Fruitée, florale, cette bière a une saveur originale avec un petit côté acidulé bien dosé, qui fournit la tension nécessaire. La note d’agrumes en fin de bouche assure également l’équilibre. Bière de luxe agréable, malgré la mousse un peu trop abondante. (12% alc.)
Accords : charcuterie et tapas, viande blanche, fromages à pâte mi-dure.
PVC : 8,68€ (75 cl)
8. De Ranke, Vieille Provision ’Aged on Wood’
***
Plus houblonnée et plus aigre que la moyenne dans cette catégorie. Touches boisées marquées qui donnent un nez crémeux. En bouche, les acides diminuent, en partie à cause de l’influence du bois. Belle finale, longue et épicée. Et une belle étiquette. (7,5% alc.)
Accords : soles et autres poissons de mer sans sauce, fromages entre jeunes et mi-vieux, en digestif.
PVC : 6,60€ (75 cl)
9. Ardenne Wood ’Old Ale’, Brasserie de Bastogne
***
Couleur rubis dans le verre. Arômes fins de malt et de houblon. Crémeux en bouche avec des impressions de chocolat et de crème brûlée. Le bois apparaît en fin de bouche légèrement sèche et avec un arrière-goût aigre-doux. Une bière agréable qui, à nos yeux, pourrait avoir un rien plus de tension. (9,5% alc.)
Accords : fromages affinés, gibier, pâté, sanglier aux pruneaux.
PVC : NC (75cl)
10. Duvel Barrel Aged, Bourbon Casks 6 months
***
Couleur de whisky et caractère fumé, réglisse, touches de torréfaction et donc une nette influence des fûts de bourbon. Saveur intense en bouche avec une certaine sucrosité plutôt inhabituelle pour une Duvel. Pour les amateurs de bourbon qui veulent un peu moins d’alcool et les amateurs de Duvel qui veulent célébrer les fêtes de fin d’année avec la version de luxe de leur bière préférée. (11,5% alc.)
Accords : faites comme si c’était un verre de whisky : à l’apéritif, au coin d’un feu, un plat finement relevé ou avec un cigare.
PVC : 25 € (75cl)
11. Scotch Silly, Aged in Scotch Whisky Barrels
***
Edition limitée. Cette bière n’est pas destinée à tout le monde. Non pour son prix, mais pour ses accents marqués de whisky toasté (type bourbon). Bière foncée (comme les scotchs) avec beaucoup de notes douces, de grains de café torréfiés, notes claires d’eau-de-vie et de whisky. L’arrière-bouche de cette bière costaude est légèrement plus sèche que le nez. (9% alc.)
Accords : comme la bière précédente.
PVC : 9,50€
12. Trignac 2016 – XII - Kasteel tripel aged in cognac casks
**
Reflets jaunes dans un ensemble blond doré. Solide avec beaucoup de structure, malt, aussi une sucrosité frappante mais pas envahissante. Touches de fines herbes douces apportées par le bois, saveurs crémeuses et maltées en même temps. Un peu trop massive en bouche pour un usage gastronomique, une bonne bière de méditation. (12% alc.)
Accords : bière de méditation qui s’accordera aussi avec une viande de bœuf rôtie ou des fromages crémeux.
PVC : 35€ (75 cl)
Comment une bière élevée sur bois peut-elle mousser ?
Comme il y a un contact avec l’air dans une barrique, le vieillissement fonctionne de manière oxydative. Mais ce processus enlève (ou atténue fortement) tout le CO2 de la bière, qui, par conséquent, n’a plus de mousse. Pourtant, nous avons vu que chacune des bières dégustées avaient une belle mousse. Comment expliquez-vous cela, monsieur le zythologue ? “Il faut d’abord préciser le sens des nombreux termes qui désignent ces bières. ’Oak Aged’ ou ’Barrel Aged’ signifie que la bière a mûri quelque temps en fût de chêne authentique. Le terme de ’Oaked’ s’applique plutôt à une version industrielle et moins coûteuse de la bière que l’on a fait macérer avec des copeaux ou des douelles et qui n’a donc eu aucun contact avec une barrique. Enfin, le label ’Wooded’ peut s’appliquer à toutes ces catégories. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
A présent, pour maintenir le CO2 dans une bière vieillie en barrique, c’est en réalité très simple. Le dioxyde de carbone dans la bière est évidemment important, car il apporte fraîcheur et éclat. Mais lorsque la bière séjourne en barrique, le gaz peut évidemment s’échapper. L’exception à la règle sont les vieilles gueuzes. Le mélange de jeune et de vieux lambic permet à la bière de refermenter en bouteille et donc de donner de la pétillance. Comme en Champagne, une bière refermente si on lui ajoute du sucre et des levures avant de la mettre en bouteille. Enfin, le brasseur peut aussi lui ajouter du C02, cela se fait également.