"Éclaireuses": un sas d’accueil entre la guerre, l’exil et les écoles classiques

"Éclaireuses" met en lumière le travail de La Petite École qui accueille des enfants aux destins malmenés par le monde des adultes.

"Éclaireuses": un sas d’accueil entre la guerre, l’exil et les écoles classiques
©D.R.

Pour calmer son agitation, Nourdine est autorisé à clouer des lattes sur un bois. On mesure à quel point certains enfants de La Petite École sont marqués par la violence subie. À l'image de cette bagarre sans fin que deux petites mains rejouent, entre un rhinocéros et un lion, dans un petit bac à sable. Entre la guerre et l'exil, la douceur a été bannie de leur vie. On imagine bien à quel point faire confiance à des adultes extérieurs à leur famille constitue déjà un premier défi. Après toutes les épreuves traversées, on comprend aussi la réticence des familles à confier leurs enfants à d'autres institutions.

"Le passé les empêche d'apprendre et d'évoluer vers l'avenir, d'où l'importance d'arriver à se resituer dans le temps, à s'ancrer dans le présent", expliquent Marie Pierrard et Juliette Pirlet. À La Petite École, on n'apprend pas seulement à lire et à écrire en français, on réapprend le rythme de la journée et de la semaine, le passage des mois et des saisons. Avec un programme qui s'adapte à chacun et alterne jeux, bricolages et apprentissages. Quelle patience, il faut aux deux enseignantes, pour encadrer et rassurer ces enfants âgés de 6 à 15 ans qui n'ont jamais vraiment connu l'école…

Ouverte en 2015 dans le parc de la Rosière à Anderlecht, l'école est désormais installée sur le boulevard du Midi. Le lieu a été imaginé et conçu comme un sas d'accueil entre la guerre, l'exil et les écoles classiques. À ce titre, l'endroit est en lien avec les Daspa, les fameux dispositifs d'accueil pour primo arrivants qui, au sein des écoles, se voient fixer des objectifs souvent inatteignables, telle la réussite du CEB. "Alors que chaque année de scolarité gagnée est une victoire en soi", comme le rappellent Juliette et Marie. Elles-mêmes ont dû apprendre à se délester des réflexes classiques pour désamorcer les angoisses et les traumatismes. Comme le souligne la psychologue qui les encadre, le fait de souffrir de troubles post-traumatiques explique que ces enfants soient en échec scolaire. Et en même temps, les multiples nationalités qui se côtoient au sein du groupe, créent des chocs souvent bénéfiques et une saine remise en cause des certitudes de chacun sur ce qui doit constituer une bonne scolarité…

Trois ans de tournage ont permis de mettre en lumière le travail unique réalisé par ce lieu en constante évolution. Plus de 130 enfants originaires d’Afghanistan, de Syrie, d’Erythrée, d’Irak, du Sénégal,… sont passés par là. Sans commentaires ni voix off mais en s’inscrivant dans la patience et la durée, comme Marie et Juliette, Lydie Wisshaupt-Claudel parvient à capter la flamme qui anime leur engagement quotidien.

Éclaireuses Film immersif De Lydie Wisshaupt-Claudel Image Colin Levêque Avec Marie Pierrard et Juliette Pirlet Durée 1h30.

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