Natalie Nougayrède première femme élue à la direction du Monde
Une journaliste âgée de 46 ans, Natalie Nougayrède, est devenue vendredi la première femme directrice du journal Le Monde, une petite révolution dans le monde des médias.
- Publié le 01-03-2013 à 19h15
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Une journaliste âgée de 46 ans, Natalie Nougayrède, est devenue vendredi la première femme directrice du journal Le Monde, sa candidature ayant été approuvée par 79,4% des suffrages exprimés par la Société des Rédacteurs du Monde, apprend-on à l'issue de son assemblée générale.
Cette ex-correspondante à Moscou et spécialiste de l'ex-URSS, lauréate du prestigieux prix Albert-Londres, est au Monde depuis 1996 et succède à Erik Izraelewicz, brutalement décédé en novembre dernier d'une crise cardiaque.
Elle devait recueillir 60% de suffrages de la rédaction pour que sa désignation par Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, le trio d'hommes d'affaires actionnaires majoritaires du groupe, soit entérinée.
Diplômée de l'Institut d'Études politiques de Strasbourg et du Centre de formation des journalistes (CFJ) de Paris, elle a d'abord travaillé comme correspondante dans l'ex-Yougoslavie et d'autres pays d'Europe centrale pour Libération, RFI ou encore la BBC.
Elle fait ses premiers pas au Monde en 1996, où elle est successivement correspondante en Ukraine puis à Moscou. Elle rejoint ensuite la rédaction parisienne au service étranger.
Ceux qui la connaissent soulignent sa droiture et sa fidélité en amitié. "Elle conjugue douceur et détermination, sans concessions", dit d'elle un de ses confrères du Monde. "C'est une pure et dure, travailler au Monde lui va comme un gant, c'est une bonne incarnation de notre institution", sourit un autre. Pour un ancien collègue du journal, "Natalie est une méfiante, un peu timide mais très dans le style du Monde, une hauteur de vue qui peut passer pour de l'arrogance, mais qui n'en est pas".
Ses détracteurs lui reprochent toutefois un manque de charisme et s'interrogent sur sa conception de l'exercice du pouvoir, d'autant qu'elle n'a jamais occupé de fonctions hiérarchiques. "Saura-t-elle résister aux formidables pressions auxquelles elle va être exposée? Pressions des actionnaires du journal, pressions politiques, pressions d'une rédaction difficile qui est tiraillée entre les tenants d'un Monde canal historique et ceux de la génération numérique", s'interroge une journaliste au Monde depuis 30 ans.
Réputée pour son intransigeance, Natalie Nougayrède avait notamment été déclarée persona non grata au ministère des Affaires étrangères pour des informations ayant déplu à un certain Bernard Kouchner, alors locataire du Quai d'Orsay. "C'est une "sérieuse appliquée", son écriture et ses papiers le montrent bien", souligne un de ses confrères.
Son travail a été récompensé par ses pairs à deux reprises: elle a reçu en 2004 le Prix de la Presse diplomatique qui récompense l'ensemble des articles de l'année écoulée. En 2005, elle est lauréate du prix Albert-Londres, considéré comme le Pulitzer français, pour ses reportages en Tchétchénie et la tragédie de l'école de Beslan.
"Bien souvent elle force le respect", dit d'elle un journaliste de télévision. "Lors d'un voyage officiel de Sarkozy, elle s'était insurgée violemment contre la présidence de la République qui ne donnait aucune information, juste après un porte-parole a été désigné pour nous briefer, chapeau-bas!", raconte-t-il.
"Solitaire et secrète", commente encore un haut fonctionnaire qui la connaît bien. Peu portée sur les mondanités, même si elle doit s'y plier, Natalie Nougayrède est toujours restée discrète sur sa vie privée, tout comme son prédécesseur Erik Izraelewicz, brutalement disparu en décembre 2012.