Quand Davin pactise avec Gounod à Liège et Charleroi
Publié le 21-01-2019 à 10h54
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Sous la direction du chef belge, "Faust" est à l’affiche de l’Opéra royal de Liège. Le public imagine peut-être Patrick Davin du côté de la création contemporaine (il a quasiment dirigé toutes les créations de Boesmans), des grands opéras allemands, des œuvres graves, complexes, métaphysiques, mais notre compatriote ne l’entend pas de cette oreille… Il chantonnait joyeusement (à lui tout seul) le début du quatuor du IIIe acte de Faust lorsque nous l’avons rejoint pour cette interview, répondant finement, ensuite, à la question de son rapport à l’opéra français : "Il est vrai que ce ne fut pas un amour immédiat, même si tout a commencé avec L’Enfant et les Sortilèges de Ravel - mais vous me direz que ce n’est pas vraiment un opéra français (rires). J’y suis arrivé progressivement, et notamment grâce à la confiance que m’a faite Stefano Mazzonis (directeur de l’ORW), avec Pelléas, Carmen, Les Contes d’Hoffmann, etc. Et j’ai fini par me rendre compte que, même si, en tant que chef, je suis amené à pratiquer toutes les langues, posséder à fond la langue qui est chantée est quand même un atout extraordinaire. Dans ‘opéra français’, il y a ‘français’, avec tout ce que cela comporte d’art, d’histoire, de littérature, de sensibilité. Au XIXe siècle, Paris était le centre du monde lyrique, et toutes les tendances s’y donnaient rendez-vous. Les Français, eux, écrivaient la musique d’opéra selon les besoins de la cause, en prenant ce qu’ils avaient sous la main pour traduire au mieux tel ou tel sentiment. Dans Faust, vous entendez des échos de Mendelssohn, de Rossini et même de Beethoven ! On se retrouve devant une sorte de kaléidoscope coloré, que nous ressentons particulièrement bien, nous, les Belges, nourris par une double culture."
Vers plus d’humanité
Ce caractère "fonctionnel" de la musique - qui s’apparente d’ailleurs à ce qui allait devenir la musique de cinéma, dont Saint-Saëns fut le pionnier - a parfois été taxé de superficiel, mais Davin nuance : "On pourrait parler d’une ‘superficialité positive’, élégante, toujours très virtuose, à mettre en parallèle avec une certaine pudeur. Il n’est pas indispensable de se prendre la tête dans les mains pour faire quelque chose de beau, ni surtout quelque chose qui touche."
Quant à la transformation du Faust de Gœthe - à la fois métaphysique et burlesque, comparable en cela à Shakespeare - dans la vision parfois taxée de "bourgeoise" de Gounod : "Contrairement à Berlioz et à Boito, qui font de leurs personnages des géants archétypiques, Gounod mène ses personnages vers plus d’humanité. Faust n’est pas ‘vieux’, mais déprimé, Marguerite est une jeune fille joyeuse et bonne (alors que dans Gœthe, elle est beaucoup plus ambiguë), et Méphisto n’est pas ‘le diable’ mais un roublard, un ‘coquin’. Dans les décennies Mortier, cet opéra a connu un long purgatoire mais, aujourd’hui, on doit reconnaître que le père Gounod était formidablement inspiré ! N’en déplaise au capitaine Haddock, l’air des bijoux, surtout avec notre Anne-Catherine Gillet, c’est d’une délicatesse incroyable, c’est tout simplement merveilleux !"
Avec également Marc Laho, Ildebrando D’Arcangelo et Lionel Lhote, dans une mise en scène de Stefano Poda.
Opéra royal de Wallonie, du 23 janvier au 2 février - PBA de Charleroi, le 8 février. Infos : 04.421.47.22 ou www.operaliege.be