Ce qui effraie l’humanité, c’est la peur de la contagion d’une maladie sans remède : elle nous pousse à l’inconscience

Une opinion de Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient relations euro-arabes/ terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l'OMAN (UQAM Montréal) et du CPRMV (Centre de Prévention de la Radicalisation Menant à la Violence/ Montréal).

Contribution externe
Ce qui effraie l’humanité, c’est la peur de la contagion d’une maladie sans remède : elle nous pousse à l’inconscience
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Une opinion de Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient relations euro-arabes/ terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l'OMAN (UQAM Montréal) et du CPRMV (Centre de Prévention de la Radicalisation Menant à la Violence/ Montréal).

Personne ne voulait avoir peur. La mort ne nous concerne presque plus, elle ne s’affiche aujourd’hui plus que sur nos écrans. Nous n’y faisons plus face dans nos sociétés aseptisées. Et nous la refoulons donc encore plus. Il est de plus en plus rare aujourd’hui que l’expansion rapide d’une maladie contagieuse dans le monde puisse effrayer la société, tant nous semblons rassurés de nos conditions d’hygiène, notre médecine, nos vaccins, et nos antibiotiques. Cela vaut déjà on l’oublie déjà pour quelqu’un qui pense et parle depuis un pays développé bien évidemment et qui oublie un peu trop souvent que le Tiers-Monde représente les deux tiers de l’humanité. Loin le temps de la peste noire au XIVe siècle ou de la grippe espagnole au XIXe siècle. Et pourtant.

Nous avons basculé dans quelque chose d’autre

Oui pourtant nous vivons des temps que certains pourraient à escient qualifier d’apocalyptiques avec l’apparition du nouveau coronavirus depuis la Chine en 2019. Ce que beaucoup d’évangélistes de tous les continents redoutent et attendent en même temps. Ce que la CIA pour d’autres aurait annoncé dans son rapport annuel 2035 des grandes prévisions politiques mondiales. Mythes, complots, conspirations, vont bon train pour refuser de voir la réalité en face : le danger mortel. Des teasers aussi dignes d’une médiocre agence de communication ont circulé pendant des semaines: "Ce n’est qu’une grippe".

De soucieux, à effrayés, nous avons basculé dans quelque chose d’autre enfin. Enfin ? Oui nous sommes aujourd’hui terrorisés par une menace mondiale tout à fait inédite en un siècle par sa rapidité d’expansion et sa capacité de contagion. Et il était temps. En quelques semaines et avec beaucoup de retard de réactivité dans certains pays, le coronavirus a détrôné toutes les autres menaces existentielles d’ordre géopolitique qui nous occupaient depuis des années et fédéré un temps les Hommes contre une menace exogène: exit le terrorisme islamiste, la menace d’extrême-droite populiste, la Corée du Nord, l’Iran, le Golfe, mais une revient pourtant. De guerre économique fratricide menée par les USA contre la Chine, nous semblons aujourd’hui dans une guerre civilisationnelle où la Chine a gagné son rang de première puissance de nuisance mondiale. De là tout est parti et de là tout risque de finir. La grippe espagnole était partie de Chine, comme le fut la grippe A H1NI. Cela dit quelque chose des failles meurtrières de notre mondialisation. A commencer par le déni des Occidentaux pendant des semaines à se croire intouchables.

La fin d'un capitalisme inhumain ?

Parti probablement du marché aux poissons de Wuhan (contredit à ce stade aussi dans des études très sérieuses), le virus a pu surfer aisément sur les routes et les ailes de la mondialisation à une vitesse jamais vue pour un virus, à part peut-être Ebola sur le continent africain, pour arriver jusqu’en Europe. Voilà pour le moment le produit numéro un véhiculé sur les nouvelles routes de la soie que nous promettait Li Xiping : un virus mondial. Inutile de rappeler la grippe espagnole, d’un autre temps, pour minorer le danger que représente désormais pour nos corps mais aujourd’hui pour nos esprits le Covid-19. Il y a aujourd’hui à ce jour plus de morts du virus qu’en Chine. Et l’on nous annonce le pic de l’épidémie en France pour dans deux semaines. Nous n’avons pas assez de lits, pas assez de soignants, pas assez de respirateurs. La démocratie a laissé son système de santé et médical se laisser privatiser et déposséder.

Quid aujourd’hui ? Masque, pas masque ? Gel, pas gel ? Personne ne sait suffisamment mais tout le monde a un avis, noyant les quelques connaissances avérées au milieu d’un torrent d’inepties populaires. Et cerise sur le gâteau, le complot est vite survenu : manigances politiques, virus venu des USA pour affaiblir la Chine et l’Iran ( les deux pays les plus touchés : L’Iran a actuellement plus de 11 000 cas de coronavirus et officiellement 620 morts). L’homme redevient grégaire, se met à voler le matériel médical indispensable, brave les interdits, et fuit le confinement. Mais la solidarité renaît aussi. C’est peut-être la fin d’un capitalisme inhumain et l’avènement du tiers secteur plus désintéressé et d’une vraie économie solidaire comme le prône depuis des années le sociologue français Alain Caillé.

Malgré notre degré prétendu de civilisation, de développement, nous riches des continents gâtés, avons refusé, au nom du principe de précaution, de prendre des dispositions à minima pour nous épargner une contamination virale inexorable. Nous avons refusé de voir comme le dit Albert Camus dans La Peste. Tout en oubliant que les trois quarts de l’humanité vivent encore dans des conditions déplorables en matière sanitaire et risquent d’être à terme les plus grandes victimes par le nombre. Et c’est là que tout risque vraiment de commencer. L’OMS vient de mettre en garde l’Afrique en lui demandant de se "réveiller" et de se préparer au pire. C’est dire…

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