"Le durable, pas la tarte à la crème"

La construction demeure un des fleurons de l’économie belge. Pour les grandes entreprises, souvent centenaires, qui y œuvrent, la Belgique semble toutefois bien petite, alors que le reste du monde semble plus susceptible de créer de la croissance. Une idée fausse, selon Renaud Bentegeat, patron du groupe CFE. Eco Net, le blog éco de lalibre.be

Charlotte Mikolajczak et Ariane van Caloen
"Le durable, pas la tarte à la crème"
©C.B.

Entretien La construction demeure un des fleurons de l’économie belge. Pour les grandes entreprises, souvent centenaires, qui y œuvrent, la Belgique semble toutefois bien petite, alors que le reste du monde semble plus susceptible de créer de la croissance. Une idée fausse, selon Renaud Bentegeat, patron du groupe CFE.

Le marché belge est très concurrentiel...

C’est un fait. Contrairement à certains pays européens, il n’y a pas eu de regroupement d’entreprises. En France, il y a trois entreprises qui dominent le secteur de la construction. En Belgique, il n’est pas rare de voir une douzaine de candidats répondre à un appel d’offres.

Or le gâteau à se partager diminue. N’y a-t-il pas plus de besoins de construction hors du Benelux ?

Non. Pour la construction, on a la chance d’être dans un métier où il y a peu de risque de voir notre raison d’être disparaître, contrairement, par exemple, aux constructeurs de magnétophones. On a la chance que chaque année, la population augmente et qu’a priori il faut que les gens se logent, travaillent dans des bureaux et aillent faire leurs courses dans des centres commerciaux. Notre métier n’est pas près de disparaître.

Mais n’a-t-on pas trop construit ces dernières années ?

Concernant le résidentiel, je ne crois pas qu’on souffre d’un surplus. D’ailleurs, dans les activités de promotion que CFE réalise, je n’ai jamais eu un stock construit non vendu aussi faible qu’au 30 juin 2010.

Sans doute parce que le rééquilibrage se fait au niveau des prix ?

Non. Sur aucune de mes affaires je n’ai baissé mes prix. Dans le résidentiel, on continue à vendre d’une façon régulière et sans aucune difficulté. Même si je reconnais que nous produisons plus dans le moyen de gamme que dans le très haut de gamme. Au niveau des bureaux, comme vous dites, il y a de plus en plus, sur le marché bruxellois notamment, de surfaces libres. Le taux est peut-être de 12 %, mais cela n’empêche pas ce qui est bien situé de se vendre. La preuve : nous avions une seule opération de bureaux en cours et nous l’avons vendue, du moins pour partie, le 30 juin. C’est l’opération rue Fonsny.

Mais ce qui est vrai en tant que développeur l’est-il aussi en tant que constructeur ?

Il est vrai qu’il y a moins de projets de bureaux, que ce soit au Luxembourg ou en Belgique. Et que la part des bureaux va diminuer à court terme. En revanche, ce qui se maintient bien, c’est le résidentiel, y compris chez les confrères. Et il y a encore, en Belgique, des projets de centres commerciaux dans plusieurs villes. Si je regarde le carnet de commandes de CFE, il est en hausse entre le 1er janvier et le 1er juillet. Certes, grâce à l’obtention de contrats internationaux. Mais on résiste bien au Benelux.

Et en termes d’outils de travail, quelles sont les tendances ?

La tendance évidente pour les bâtiments est d’intégrer les données de développement durable. De façon plus précise, cela veut dire, pour le résidentiel, aux exigences des clients qui de plus en plus sont très sensibles à ces aspects. On a fait, avec la SDRB, rue de Suède à Bruxelles, un immeuble de promotion. Il y avait trente appartements passifs, qui se sont vendus comme des petits pains. Ils n’étaient pas beaucoup plus chers. En bureau, c’est pareil.

N’y a-t-il pas dans cette tendance générale des créneaux plus porteurs ?

Je ne ressens pas personnellement de recette miracle ou d’outil architectural qui ferait qu’on rentrerait systématiquement dans l’épure. Vous savez, le développement durable commence déjà par la localisation. Si vous construisez un immeuble de bureaux près d’une gare, c’est plus intelligent que si vous le faites loin des moyens de transport.

Et au niveau des matériaux ?

Je me répète : il n’y a pas de recette miracle. Chaque fois, l’architecte ou l’ingénieur doit se reposer les questions. Je pense néanmoins que le bois peut répondre à une partie des évolutions. C’est la raison principale qui a fait qu’au premier semestre, nous avons acheté le numéro un du bois en Belgique, le groupe Terryn. Cela nous permet de compléter notre offre de développement durable. D’ailleurs, nous avons des projets en promotion dans lesquels nous allons apporter des solutions bois alors qu’initialement, la démarche était de partir en traditionnel béton. Le bois est le meilleur isolement qui soit. C’est même un coupe-feu.

La Belgique n’était pourtant pas pionnière en matière de renouvelable...

En effet. Je trouve d’ailleurs que les mentalités ont fortement évolué depuis deux ans. Par exemple, cela fait quelques années qu’il y a des poubelles différenciées. Vous ne verrez plus autre chose. Les gens font attention à éteindre les lumières avant de quitter le bureau. Le développement durable n’est pas qu’une tarte à la crème. C’est aussi dans la tête des gens.

Au point de ne plus avoir, un jour, de différence de prix ?

J’en suis tout à fait convaincu. D’ailleurs la différence de prix baisse déjà énormément. On est tombé au-dessous de 10 %.

Ce besoin de durable sera-t-il tellement fort qu’on en arrivera à devoir détruire des immeubles ?

Bien sûr. Il y a des immeubles de bureaux qui sont inoccupés depuis des années. Ils sont un problème en soi pour leurs propriétaires. Ils sont inoccupés d’une part parce qu’ils sont mal placés, et, d’autre part, parce qu’ils ne correspondent plus aux souhaits des entreprises.

On en transformera sans doute en logements dans certains quartiers, comme le quartier Louise. Ce n’est pas une tendance typiquement belge. Non, on la voit dans tous les centres des villes d’Europe où il y a des bureaux inadaptés.

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