"Lufthansa n’en a rien à foutre de Bruxelles"
Pour Michael O’Leary, le rachat de Brussels Airlines est une bonne chose pour Ryanair. Entretien.
Publié le 27-09-2016 à 19h10 - Mis à jour le 28-09-2016 à 20h40
Michael O’Leary, le patron de la compagnie aérienne Ryanair était de passage à Bruxelles hier.
Vous annoncez huit nouvelles lignes depuis la Belgique (voir ci-dessous). Ressentez-vous encore l’impact des attentats de Bruxelles sur le nombre de vos passagers ?
Non, nous avons réussi à retrouver une croissance, grâce au fait que nous avons directement diminué nos prix. C’est notre stratégie : dès qu’il y a une crise majeure sur une destination, nous diminuons nos tarifs pour garder un nombre important de clients. En tout, les attentats de Bruxelles et de Paris nous ont coûté aux alentours de 50 millions d’euros.
Allez-vous continuer cette stratégie de prix agressifs ?
Oui, car nous allons bénéficier d’un prix du kérosène à la baisse lors des prochaines années, grâce à notre politique judicieuse d’achat de pétrole. Notre ambition est de baisser de 10 à 12 % nos prix dans les six prochains mois.
La compagnie allemande Lufthansa pourrait racheter Brussels Airlines ce mercredi. Qu’en pensez-vous ?
Vous ne devez pas vraiment aimer les Allemands en Belgique : ils vous envahissent chaque fois qu’ils peuvent. Nous, les Irlandais, on les adore, car c’est la seule équipe qui bat à chaque fois les Anglais au football. Sérieusement, je crois que ce n’est vraiment pas une bonne chose pour Brussels Airlines qui va disparaître dans une sorte de plateforme nommée Eurowings. Et le but d’Eurowings n’est certainement pas de faire grandir le "hub" de Bruxelles mais de protéger ses vols à Stuttgart, Cologne ou dans les aéroports allemands.
Vous pensez que ce rachat va entraîner une diminution des vols à l’aéroport de Bruxelles-National ?
Oui, car je pense que Lufthansa n’en a rien à foutre de Zaventem et va préférer se développer à Francfort. Il n’y a aucun engagement qui lie la compagnie allemande à l’aéroport de Bruxelles. C’est la même chose avec Swiss et Austrian (deux compagnies rachetées par Lufthansa, NdlR) qui sont de simples satellites téléguidés depuis l’Allemagne. Ce rachat n’est pas bon pour l’aéroport de Zaventem. Brussels Airlines et Lufthansa vont diminuer leurs vols à Bruxelles et cela devrait inciter Zaventem à davantage travailler avec Ryanair.
Que voulez-vous dire par là ?
Avec ce rachat, les prix risquent de grimper à l’aéroport de Zaventem. Mais nous allons continuer à proposer des prix bas, à la fois à Charleroi et à Zaventem. En fait, ce rachat de Brussels Airlines est une très bonne nouvelle pour nous car il va permettre de nous développer plus rapidement en Belgique. On veut aider la direction de Zaventem à améliorer certaines choses, notamment pour diminuer les retards occasionnés aux passagers. Il n’est ainsi pas normal qu’il y ait des files parce que seulement deux appareils fonctionnent pour vérifier les passeports. Et avec un seul policier les surveillant !
Le Brexit a-t-il un impact négatif sur vos activités ?
On a fait une grande campagne pour que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne et, vu l’effet que cela a donné, on aurait sans doute dû faire campagne dans l’autre sens… Il y a encore beaucoup d’incertitude par rapport aux conséquences de ce Brexit et les hommes politiques anglais courent comme des poulets sans tête en ne sachant pas où ils vont. On a revu nos investissements à la baisse au Royaume-Uni. On a aussi un problème avec notre actionnariat, qui, avec ce Brexit, devient à majorité "non européenne", ce qui nous empêcherait d’opérer en Europe selon une stupide règle de l’UE. Tout le monde s’en fout en Europe si l’actionnariat d’une société chimique n’est pas à majorité européenne. Pourquoi cette exception pour l’aérien ? On ne devrait pas empêcher des Américains de posséder une compagnie en Europe. Mais on va résoudre ce problème.
Vous dites que si vous aviez su qu’être gentil avec vos clients allait augmenter votre bénéfice, vous les auriez écoutés plus tôt… Etait-ce une blague ?
Non, c’est vrai. Vous savez j’ai été éduqué chez les jésuites où personne ne m’a jamais appris à m’occuper des autres. J’ai ensuite fait des études commerciales et personne ne m’a jamais dit qu’il fallait être gentil avec ses clients. Et puis en 2013, tout s’est illuminé. Je me suis rendu compte que si vous êtes la plus grande compagnie d’Europe et que vous êtes gentil avec vos passagers, vous pouvez doubler vos bénéfices en deux ans. Avant on s’occupait de transporter un maximum de passagers, peu importaient vraiment les conditions. On jetait d’ailleurs à la poubelle les réclamations de nos clients sans même les lire. Maintenant, je réponds moi-même à certaines demandes. On a prouvé qu’on peut proposer des bas prix tout en assurant un excellent service à ses clients.
L’aéroport de Charleroi aura, d’ici 2020, une piste permettant d’accueillir des vols long courrier. Etes-vous tenté par de telles opérations ?
Je trouve que c’est une très bonne idée de Charleroi car cela va créer davantage de concurrence avec Zaventem. Comme nous l’avions promis, nous allons continuer à nous développer à Gosselies, mais il n’est pas question de vols long courrier dans un avenir proche.
Ryanair est en passe de devenir la plus grande compagnie aérienne en Belgique
La compagnie aérienne à bas prix Ryanair a lancé mardi son programme d’été 2017. Dès l’été prochain, il sera possible de rallier Bruxelles à Hambourg, Madrid, Malte et Milan Malpensa. Depuis Charleroi, les voyageurs pourront se rendre à Glasgow, Sofia, Toulouse et Timisoara. "Nous sommes ravis de lancer en 2017 notre plus grand programme d’été pour Bruxelles, comprenant huit nouveaux services d’été et plus de vols sur six autres lignes, qui offriront 9 millions de clients par an et soutiendront 6 800 emplois dans les aéroports de Bruxelles-Charleroi et Zaventem", s’est réjoui Michael O’Leary, le patron de Ryanair.
Si les prévisions de la compagnie se confirment l’an prochain, Ryanair dépassera Brussels Airlines qui a transporté quelque 7,5 millions de passagers en 2015, et deviendra "la plus grande compagnie aérienne belge", selon les mots de son CEO. Glasgow, Sofia, Toulouse et Timisoara feront donc partie des nouvelles destinations desservies par l’aéroport carolo. Ryanair connectera par ailleurs Bruxelles à Hambourg, Madrid, Malte et Milan Malpensa dès l’été 2017, ce qui représentera une augmentation du trafic de 7 %. Plus de fréquences sont aussi attendues sur six autres lignes, à savoir Bordeaux (cinq vols par semaine), Bucarest (neuf vols), Budapest (neuf), Faro (huit) et Venise (dix) depuis Charleroi et enfin Porto (neuf) depuis Brussels Airport. Ryanair continuera par ailleurs à connecter Bruxelles aux principaux centres d’affaires que sont Berlin (trois fois par jour), Dublin et Milan (deux fois par jour). Avec 79 lignes disponibles sur Charleroi et 17 sur Bruxelles-Zaventem, Ryanair représente près de 4 400 emplois directs et indirects sur le site aéroportuaire de Charleroi et 2 400 à Zaventem. Quelque 5,8 millions de clients Ryanair sont attendus l’an prochain à Charleroi et environ 3,2 millions à Brussels Airport. La fréquentation de la compagnie low cost n’a cessé de croître en Belgique avec 55 millions de clients au compteur.