Pensions complémentaires pour indépendants : "Ce qui s’annonce relève de l’hérésie absolue", dénonce l’UCM
Pierre-Frédéric Nyst, président de l’Union des classes moyennes, dénonce les mesures en discussion qui risquent de “saboter le deuxième pilier des pensions pour les indépendants et dirigeants de sociétés”.
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Publié le 24-02-2023 à 17h05
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”Tout ce qu’on a vécu avec l’épisode des droits d’auteur, on est en train de le vivre avec les pensions complémentaires pour les dirigeants de société”, lâche Pierre-Frédéric Nyst, président de l’Union des classes moyennes (UCM). On nous avait dit il y a bien longtemps, les pensions légales des indépendants étant plus faibles que dans les autres régimes : “souscrivez des pensions complémentaires !”. Et les indépendants ont donc acheté des actions, de l’immobilier, ou souscrit ce qu’on appelle des assurances dirigeant d’entreprise (EIP, engagement individuel de pension, NdlR) pour leurs vieux jours. Or, les ministres des finances Van Peteghem et des pensions Lalieux veulent détricoter tout cela. Et ce qui s’annonce relève de l’hérésie absolue. Ajoutez à cela que le fisc a devancé les changements législatifs, et contrôle à tout va, et les indépendants et dirigeants de société ont l’impression qu’on fait marche arrière. L’incitation à contribuer au deuxième pilier des pensions n’existerait plus”, estime le patron de l’UCM.
Plus de 3 000 contrôles fiscaux en 5 ans
Prenons les choses dans l’ordre concernant ces EIP, qui sont au nombre de 130 000 contrats environ portant sur près de 20 milliards d’euros à fin 2021, d’après Assuralia. Le fisc, d’abord. Un audit de la Cour des Comptes avait pointé du doigt en 2020 que le coût global pour la collectivité dépassait les 2 milliards d’euros pour ce pilier des pensions “à l’effet redistributif discutable”. La Cour notait en effet que 10 % des dirigeants toucheraient au moins 1 400 euros de pension complémentaire. Pour le dire autrement, la grande majorité des réserves sont dans les mains d’une minorité. Pourquoi ? Sans rentrer dans les détails techniques, il existe légalement la possibilité de gonfler en fin de carrière les primes versées dans le cadre de ce plan pour rattraper les années antérieures de travail non couvertes (back service dans le jargon). Cette opportunité a été mise largement à profit par quelques dirigeants “zélés”, ce qui a légitimement attiré les regards du fisc. D’après le SPF Finances, contacté, 3 266 ( !) contrôles ont eu lieu depuis 2018, avec un pic de 1 218 contrôles en 2020. “Les suppléments de base imposable à ce sujet depuis 2020 dépassent 85 millions d’euros”, relève-t-on au SPF Finances. La manne est importante.
Un plafond de 10 % qui ne passe pas
”Aucun problème à ce qu’on lutte contre les abus, qui ne concernent qu’une très faible minorité de dirigeants, mais la batterie de mesures en discussion est de nature à saboter l’ensemble du deuxième pilier des pensions, estime Pierre-Frédéric Nyst. Cette batterie, quelle est-elle ? L’une des mesures en discussion au sein des cabinets concernés et des partenaires sociaux – puisque la majorité leur a aussi délégué la thématique… -, consiste à limiter ce fameux back-service qui permet de rattraper le passé.
Le ministre Vincent Van Peteghem (CD&V), dans sa note fiscale post-conclave sur la mini-réforme fiscale en discussion, a ainsi prévu que “les paiements de primes dans le cadre du deuxième pilier, sans préjudice de l’application de la règle des 80 % (selon cette règle, la somme de la pension légale et de la pension extralégale ne doit pas dépasser 80 % de la dernière rémunération annuelle, NdlR), ne sont déductibles, dans le chef de la société, en tant que frais professionnels que dans la mesure où ces primes ne dépassent pas 10 % de la rémunération annuelle brute périodique versée au cours de l’année à laquelle se rapporte les paiements de primes. La partie des paiements de primes qui dépasse ces 10 % sera considérée comme un avantage de toute nature dans le chef du bénéficiaire, tout en prêtant attention aux droits acquis”.
Traduction : “le back service est réduit à portion congrue, et la possibilité de se constituer une pension décente aussi”, estime Pierre-Frédéric Nyst, qui rappelle que “les indépendants ne cotisent vraiment que quand l’entreprise dégage de bons revenus, en moyenne à partir de l’âge de 40-45 ans. Le sort des primes ainsi rabotées comporte en plus un effet rétroactif, ce qui fait bondir – à juste titre - tous les fiscalistes du pays.”
Les partenaires sociaux écrivent au gouvernement
Ce n’est pas tout : contacté, le cabinet de la ministre des pensions Karine Lalieux (PS) confirme “sa volonté de faire contribuer de manière équitable les 4 % des plus hauts capitaux”. En sus d’une taxation qui équivaut à environ 10 % (hors cotisations) des capitaux versés à la retraite. “Mais cela doit être discuté”. Des discussions, il semble qu’elles soient un peu au ralenti… En revanche, au niveau des partenaires sociaux réunis au sein du comité national des pensions, les travaux “avancent bien”, nous dit-on. Ils ont même écrit au gouvernement pour leur demander de ne rien décider avant réception de leurs rapports et avis. Le gouvernement, à cet égard, ne semble pas avoir trop de difficultés à respecter cette demande…