Fosses communes, protestataires tués... Une première plainte déposée au Congo contre Joseph Kabila
Sont évoqués Bundu dia Kongo, Kamwina Nsapu, fosses communes de Maluku, protestataires tués, etc.
Publié le 09-05-2020 à 10h16 - Mis à jour le 14-05-2020 à 16h56
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Sont évoqués Bundu dia Kongo, Kamwina Nsapu, fosses communes de Maluku, protestataires tués, etc.
C’est Jean-Claude Katende, le président de l’Asadho (Association africaine de défense des droits de l’homme) qui l’a annoncé victorieusement par tweet jeudi : plainte a été déposée à la Cour constitutionnelle de Kinshasa contre Joseph Kabila. L’article 164 de la Constitution fait de cette cour le juge pénal du Président pour les infractions "commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions".
La plainte a été déposée par un personnage haut en couleur, Pascal Mukuna, à la fois évêque d’une église évangélique, l’Assemblée chrétienne de Kinshasa (Bandalungwa), cofondateur et président du Football Club Renaissance, créé en 2014, et, depuis février dernier, président de l’Éveil patriotique, une plateforme citoyenne qui annonce vouloir poursuivre en justice les principaux auteurs de la mégestion des finances publiques du Congo. À ce dernier poste, Pascal Mukuna a reçu l’appui de Franck Diongo, député de Kinshasa, puis celui de Jean-Claude Katende, devenu vice-président de la plateforme.
Retournement de veste
Jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, Pascal Mukuna - issu de la même ethnie que le nouveau Président - était classé dans le camp des kabilistes. Son retournement de veste n’a évidemment pas fait que des heureux, d’autant que, dès la création d’Éveil patriotique, l’évêque évangélique s’était donné pour but d’obtenir la dissolution de l’alliance FCC (coalition kabiliste)/Cach (alliance entre Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe).
Personne ne s’est donc étonné que le pasteur Daniel Ngoy Mulunda - ancien président de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) et proche de Joseph Kabila, orfèvre de l’alliance FCC/Cach - s’indigne, en février dernier, dans un tweet, de cette "mobilisation tribalo-kasaïenne basée sur la haine, la jalousie et l’ingratitude. Il doit savoir qu’il a allumé un feu qui ne sera éteint que par un autre feu".
Cet autre feu est apparu à la fin de la semaine dernière, sous la forme d’une vidéo sexuelle retransmise à grande vitesse sur les réseaux sociaux kinois et montrant un homme ayant le visage de l’évêque Mukuna avoir des relations sexuelles dans un véhicule avec une femme dont le visage n’apparaît pas. Le tout au son de chants des Lubas du Kasaï, l’ethnie des Tshisekedi et de Mukuna.
Ce dernier a dénoncé un "montage du FCC". Et a quand même déposé sa plainte contre Joseph Kabila.
Dix affaires citées
Celle-ci prie la Cour constitutionnelle d’examiner "plusieurs cas de violation de droits humains" sous "le règne de l’ancien Président" Joseph Kabila et d’enquêter "pour poursuivre leurs auteurs, complices et commanditaires".
L’évêque Mukuna retient "les massacres des adeptes de Bundu dia Kongo dans le Kongo-cen tral" en 2008 ; le décès en prison d’Armand Tungulu, après avoir jeté des pierres sur un cortège de Joseph Kabila, le 30 septembre 2010 ; l’assassinat du défenseur des droits de l’homme Floribert Chebeya et de son chauffeur Fidèle Bazana dans les locaux de la Police nationale, le 1er juin 2010 ; "les massacres de jeunes kulunas (NdlR : bandits) à Kinshasa par la Police nationale dans l’opération Likofi" en 2013 ; les fosses communes de Maluku (Kinshasa) où, en mars 2015, avaient été découverts 421 corps par des villageois ; "les massacres de Mwanza Lemba dans le Kasaï" lors des opérations militaires contre l’insurrection Kamwina Nsapu, en 2017 ; d’autres "massacres et fosses communes dans le Kasaï" entre décembre 2016 et mars 2017 ; l’"assassinat de deux experts des Nations unies" venus enquêter sur ces massacres en 2017 ; l’"assassinat des manifestants et incendies des sièges des partis politiques" de septembre 2016 à Kinshasa, lors des protestations contre les projets de Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de la fin légale de son second mandat en décembre 2016 (une trentaine de morts) ; "l’assassinat de plusieurs personnes lors des manifestations organisées par le Comité laïc de coordination", à la sortie des messes, en 2018, pour exiger des élections régulières et le départ de Joseph Kabila.
Ces dix cas, précise la plainte, ne sont cités qu’"à titre illustratif. Il est possible de trouver plus de crimes que ceux mentionnés sur cette liste".