Présidentielle en Tchéquie : le général Pavel a écrasé le milliardaire Babiš
Présidentielle en Tchéquie : le général Pavel a écrasé le milliardaire Babiš
Publié le 28-01-2023 à 22h19 - Mis à jour le 29-01-2023 à 12h10
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Les sondeurs anticipaient une très large victoire de Petr Pavel, avec jusqu’à 15 points d’avance, les bookmakers pariaient à 10 contre 1 contre Andrej Babiš et plus de 50 000 lycéens de 350 écoles avaient plébiscité Pavel à une écrasante majorité lors d’un vote fictif. L’accident de parcours redouté par les partisans d’une Tchéquie ancrée dans la démocratie libérale ouest-européenne ne s’est pas produit et leur champion Petr Pavel l’a facilement emporté samedi, avec 58,3 % des suffrages contre 41,7 % pour Andrej Babiš, avec une participation record pour une présidentielle de 70,2 %, selon le site de la radiotélévision publique.
Andrej Babiš, premier ministre de 2017 à 2021, à la tête du principal parti du pays (ANO), n’a reçu le soutien que du président sortant Miloš Zeman, alors que Petr Pavel a pu compter sur le ralliement de quatre candidats défaits au premier tour. Après Václav Havel, Václav Klaus et Miloš Zeman, qui ont régné chacun dix ans au Château de Prague, c’est donc Petr Pavel, un général à la retraite et novice en politique, qui deviendra le quatrième président de la Tchéquie.
C’est une spécificité tchèque, les scrutins se déroulent sur deux jours, de vendredi 14h à samedi 14h, avec tout de même une pause nocturne. Peu avant l’ouverture des bureaux de vote vendredi, l’heure était à l’apaisement et presqu’à la cordialité entre les deux finalistes sur le plateau de la radio publique. Face au journaliste Jan Pokorný inquiet de savoir s’il reconnaîtrait le résultat des urnes, soient-ils à son désavantage, Andrej Babiš, qui a souvent été comparé à Donald Trump pour son immense richesse et son style populiste, n’a pas fait dans l’ambiguïté : “Je déclarerais publiquement que Petr Pavel est mon président, et j’appellerais tout le monde à faire de même”.
Pavel, le consensuel
“Je pense qu’à des moments la campagne a été à la limite”, a euphémisé pour sa part Petr Pavel, au moment de pointer la stratégie de son concurrent. C’est en effet le fait marquant de cette campagne électorale : dans une tentative désespérée de renverser la vapeur, Andrej Babiš a joué sur la peur d’un débordement de la guerre russe en Ukraine. Le militaire de carrière Pavel dépeint en va-t-en-guerre et prêt à sacrifier la jeunesse tchèque sur les champs de batailles du Donbass. La même grosse ficelle sur laquelle avait tiré son “ami” Viktor Orbán en Hongrie il y a un an. L’équipe de M. Babiš a fait déployer dans tout le pays de grandes affiches proclamant : “Je n’entraînerai pas la Tchéquie dans la guerre. Je suis un diplomate, pas un soldat”. M. Babiš s’en est excusé, en se défaussant sur ses communicants et, un peu penaud sur le plateau de la radio publique vendredi, il a expliqué que “l’objectif principal était de parler de paix et non de guerre”.
Petr Pavel s’est enrôlé dans l’armée à l’époque communiste et a gravi les échelons jusqu’à prendre la tête de l’état-major tchèque, puis a été président du comité militaire de l’OTAN avant de prendre sa retraite en 2018. La France l’a fait officier de la Légion d’honneur en 2012 pour avoir sauvé une unité française de la FORPRONU, prise entre les feux croates et serbes en ex-Yougoslavie en 1993. Seul accroc à son curriculum, avoir été brièvement encarté au Parti communiste tchécoslovaque, indispensable pour faire carrière sous les drapeaux, a-t-il justifié. Visage carré orné d’une barbe blanche, il n’a eu de cesse de mettre en avant droiture et tempérance contre les “mensonges” d’un Andrej Babiš toujours très clivant. M. Pavel est favorable à l’adoption de l’euro, toujours pas acquise après près de vingt ans d’adhésion à l’UE, au mariage pour les couples de même sexe et à un soutien sans faille à l’Ukraine.
Samedi après-midi, le soulagement était de mise chez le chef du gouvernement, le conservateur-libéral Petr Fiala. “Nous avons eu l’une des campagnes les plus dégoûtantes de notre histoire moderne. Le populisme s’est directement lié à l’extrémisme”, a-t-il jugé. La fin de l’ère Babiš, à la tête du plus puissant parti (ANO), a-t-il prévenu, “pourrait encore être longue et désagréable”. “J’ai construit un mouvement, il a du succès, et ça va continuer” a en effet confirmé le perdant à l’annonce des résultats.