Namur : l’Observatoire du commerce recommande de revoir le projet du square Léopold
La dimension commerciale du futur pôle multifonctionnel du square Léopold ne rencontre pas les attentes de l’Observatoire du commerce. Les experts estiment qu’il y a un risque pour les enseignes existantes. Un avis défavorable a été rendu ce mercredi 19 avril 2023.
Publié le 25-04-2023 à 08h57
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Le dossier de reconversion du square Léopold compte des milliers de pages. Il faut en rajouter huit depuis ce mercredi 19 avril 2023, date à laquelle l’Observatoire du commerce a évalué le projet. La structure, composée de représentants de l’administration wallonne, de Comeos (porte-parole du commerce et des services en Belgique), de l’Union des classes moyennes (UCM), du Syndicat neutre pour indépendants (SNI) et des syndicats des travailleurs, examine les velléités commerciales allant au-delà de 2 500 m2 en Wallonie. Côté Verre, le complexe mixte porté par Besix et la Ville de Namur, prévoit 14 256 m² réservés aux enseignes et 2 750 m2 pour l’Horeca.
Se basant sur les recommandations du Schéma Régional de Développement Commercial (SRDC), l’Observatoire estime que les perspectives namuroises ne sont pas sans danger. Il a rendu un avis défavorable. "Il ne s’agit que d’un avis consultatif mais il a du poids parce qu’il est unanime", expose Christophe Wambersie président du SNI. Et le même de nuancer: "On ne rejette pas tout le projet mais on dit qu’en l’état, il manque des garanties pour que cela soit un succès."
Si l’objectif initial est de redynamiser le commerce en centre-ville, un risque demeure pour l’Observatoire: à savoir que le nouveau pôle détricote l’activité existante.
Cellules commerciales trop petites
Les principales inquiétudes épinglées dans l’avis sont donc liées à la concurrence que pourrait générer la nouvelle structure. "Il est indispensable pour relever ce défi d’assurer une réelle complémentarité, entre autres commerciale, entre le projet et l’artère commerciale actuelle constituée par la rue de Fer-rue de l’Ange. À cet égard, l’Observatoire du commerce estime que la taille des SCN (NDRL surfaces commerciales nettes) constitue un enjeu majeur en vue d’assurer cette complémentarité", écrit l’Observatoire du commerce. Selon ce dernier, c’est principalement la taille des surfaces commerciales telles qu’imaginées par le promoteur Besix qui mettra à mal la cohabitation entre les nouvelles enseignes et les enseignes préexistantes. L’observatoire relève "qu’une proportion significative des cellules présente une SCN inférieure à 200 m² (...) ce qui correspond à ce que l’on peut trouver dans les centres urbains". Il souligne également le manque de précisions quant à la nature des commerces qui pourraient s’implanter au square Léopold.
"Le risque, c’est que cela crée un appel pour les enseignes internationales qui seraient tentées de déserter la rue de Fer et la rue de l’Ange", précise Christophe Wambersie. Le président du Syndicat neutre pour indépendants ajoute qu’il faut empêcher un tel transfert.
Craintes pour l’emploi et manque de soutien
Autre volet pour lequel l’Observatoire du commerce est en demande de précisions: l’emploi. "Il y a lieu, pour appréhender un résultat net de création d’emplois, de tenir compte des transferts potentiels et des suppressions d’emplois dues à l’impact potentiel du projet." Un déséquilibre qui découlerait donc de l’absence de complémentarité entre le pôle du square Léopold et le centre-ville.
Enfin, les experts remettent en question le soutien octroyé aux commerçants inquiets. Une critique qui est destinée à la Ville de Namur. Via son bourgmestre Maxime Prévot, celle-ci a d’ores et déjà manifesté son intention de prendre ses responsabilités (lire page suivante).
Il y a donc des chances pour que des pages supplémentaires viennent gonfler un dossier qui n’a fait que s’épaissir… depuis plus de dix ans.
Aussi du positif épinglé
Hormis les quelques éléments qui ont abouti à un avis négatif, l’Observatoire du commerce souligne aussi bon nombre d’aspects positifs dans le projet de Besix et la philosophie défendue par la Ville de Namur. Morceaux choisis.
1."L’Observatoiredu commerce est séduit par le projet, sa localisation, son intégration dans l’environnement, les aménagements des espaces publics, sa connexion avec les transports multimodaux et la philosophie qu’il sous-tend à savoir renforcer l’attractivité du centre-ville de Namur. Il n’a dès lors pas l’intention de remettre en cause sa pertinence générale."
2."Leprojet en tant que tel présente une mixité fonctionnelle puisqu’il comprend des commerces, des bureaux, de l’habitat ou encore de l’HoReCa. Il est en outre idéalement localisé dans le continuum du centre-ville qui lui-même présente une pluralité de fonctions."
3."Ilressort encore de l’audition que le site sur lequel le projet est amené à se développer est vétuste et source d’insécurité. La réalisation du projet permettra de redynamiser la zone et d’en améliorer l’attractivité."
4."Leshabitants actuels du centre de Namur ainsi que les futurs habitants des logements prévus dans le complexe immobilier pourront facilement faire leurs achats en mode doux dans l’ensemble commercial."
Maxime Prévot : "Il faut que Besix rectifie le tir"
La Ville de Namur, qui porte le projet de conversion du square Léopold, entend prendre les réticences émises par l’Observatoire du commerce au sérieux. Dixit le bourgmestre Maxime Prévot (Les Engagés) qui dit vouloir agir en conséquence. "L’objectif de la Ville a toujours été clair et je le réaffirme: accroître l’attractivité de la ville par la création d’une masse critique d’enseignes en cœur de ville plutôt qu’un pôle commercial en périphérie ; et garantir la complémentarité du futur projet aux commerces existants et non vampiriser les actuelles enseignes. Nous n’avons jamais cessé de le dire à Besix. Nous leur avions enjoint de ventiler adéquatement les superficies de ses cellules pour tenir compte de cet impératif. Manifestement ils ne nous ont pas assez entendus. Il conviendra qu’ils rectifient le tir."
Objectif: obtenir des garanties de la part du promoteur et ainsi s’assurer qu’aucun commerce existant ne migre dans le nouveau complexe. Une nouvelle fois dans ce dossier à rebondissements, il faudra dialoguer. "Nous prendrons l’initiative d’une contractualisation avec Besix, pour garantir ce principe de non-déplacement des enseignes. À défaut de pouvoir l’imposer légalement, il faudra obtenir un engagement par convention. Nous demanderons aussi des précisions en matière d’emplois", fait savoir Maxime Prévot.
Enfin, la Ville, égratignée par les experts, prendra ses responsabilités en matière d’aides aux commerçants. "Nous veillerons à déployer parallèlement un plan de promotion et de soutien aux commerces actuels pour qu’ils abordent ce futur projet avec davantage de sérénité", poursuit le bourgmestre de Namur.
"Une évaluation globale favorable"
Pour Maxime Prévot, l’avis de l’Observatoire est à considérer en deux temps. Et le mayeur d’indiquer, qu’avant d’épingler les points faibles du projet, les experts ont reconnu sa pertinence. "L’évaluation globale donnée par l’observatoire est d’ailleurs plutôt favorable. Il se dit séduit par le projet, sa localisation, son intégration dans l’environnement, son articulation pertinente entre commerces et logements, les aménagements des espaces publics, sa connexion avec les transports multimodaux et la philosophie qu’il sous-tend, à savoir renforcer l’attractivité du centre-ville de Namur. Il n’a dès lors pas l’intention de remettre en cause sa pertinence générale", analyse Maxime Prévot. Et le bourgmestre de Namur d’ajouter: "Il dit avoir compris l’enjeu que celui-ci représente pour la ville de Namur non seulement pour la redynamisation de son centre mais également pour la requalification du site du square Léopold. Ainsi, l’Observatoire souligne lui-même que la vitalité future de l’hypercentre namurois dépend de la réalisation du projet. C’est donc une analyse majeure qui renforce la pertinence de la démarche de la Ville et qui doit être soulignée."
Un cadastre des enseignes pour adapter l’offre à la demande
L’avis de l’Observatoire du commerce attise les craintes des enseignes existantes face à l’implantation d’un complexe d’ampleur au square Léopold. "C’est un signal d’alerte, confirme Étienne Dethier, président de l’association des commerçants du centre-ville (ACN). D’autant que l’avis émane de personnes et d’organismes qui sont des références en la matière. Cela confirme des inquiétudes qui sont les nôtres depuis dix ans. Certes, il faut faire quelque chose au square Léopold mais le quelque chose qui est proposé n’est pas en adéquation avec la réalité du terrain." Pour notre interlocuteur, le risque de se retrouver avec une ville vidée de sa clientèle et un axe Fer/Ange dépourvu de ses grandes chaînes n’a jamais été aussi grand. "On y retrouve les mêmes enseignes, sauf trois, qu’au Woluwe Shopping Center ou à Rive Gauche. C’est d’ailleurs ce qui a longtemps fait la force de Namur: avoir des grandes enseignes en rue, comme un centre commercial à ciel ouvert", dit Étienne Dethier. S’il reconnaît que les difficultés du commerce en ville sont propres à tous les centres urbains, il pointe une particularité namuroise: "À Namur, on risque la triple peine: il y a le contexte global, avec un commerce qui change… et puis il y a l’extension du piétonnier et ce projet de centre commercial, poursuit-il. À Woluwe ou à Louvain-la-Neuve, vous avez des parkings de 2 000 places. À Namur, on en prévoit 800 alors qu’il y a aussi de l’habitat et des bureaux."
Le président de l’ACN préconise donc un retour autour de la table avec l’ensemble des acteurs concernés par la question commerciale. "Il est grand temps que l’on ait une vision qui intègre les futurs projets de ville, insiste-t-il. Il faut un cadastre des enseignes existantes, celles à créer, etc." Objectif pour Étienne Dethier: inverser la réflexion. "On pourrait ainsi adapter l’offre, notamment en termes de surface, en fonction de la demande. "