Vaste opération anti-terroriste en Belgique: trois suspects sous mandat d'arrêt, deux relâchés sous conditions
Une vaste opération de police liée au terrorisme s'est déroulée ce jeudi soir à Verviers, en région bruxelloise et dans sa périphérie. "Le risque était à un point jamais atteint auparavant. Nous devions intervenir", a déclaré le procureur fédéral. Dans le cadre de ce dossier, deux Belges ont également été arrêtés en France.
- Publié le 15-01-2015 à 18h14
- Mis à jour le 16-01-2015 à 19h17
La police a mené des opérations de grande ampleur dans plusieurs villes belges, dont certaines communes bruxelloises, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamiste
Cinq personnes ont été inculpées en Belgique pour "participation aux activités d'un groupe terroriste", et trois d'entre elles ont été placées en détention préventive, a indiqué vendredi le parquet fédéral, au lendemain du démantèlement d'une cellule qui s'apprêtait à commettre des attentats contre des policiers.
L'une des trois personnes placées en détention est le jihadiste présumé qui a survécu à l'assaut donné par la police jeudi soir à Verviers, dans l'est du pays, a précisé à l'AFP le porte-parole du parquet fédéral, Eric Van der Sijpt.
Les deux autres personnes placés en détention avaient été interpellées jeudi soir, a-t-il ajouté.
Deux autres inculpés ont été "libérés sous conditions", a-t-il précisé, en se refusant, "dans l'intérêt de l'enquête", à révéler les identités des suspects ou à donner toute information supplémentaire.
Les huit autres personnes interpellées jeudi dans le cadre de l'opération anti-terroriste ne sont pas poursuivies.
Selon le porte-parole du parquet, un juge d'instruction a délivré un mandat d'arrêt européen à l'encontre des deux Belges interpellés par la Douane dans les Alpes françaises alors que, partis de Belgique jeudi soir, ils tentaient de passer en Italie.
Des journaux belges ont identifié le survivant de l'assaut de Verviers comme Marouane T. Selon son avocat, Didier de Quévy, cité par les quotidiens du groupe Sudpresse, l'homme nie être impliqué dans un projet d'attentat et s'être rendu en Syrie, expliquant sa présence sur les lieux par sa participation à un trafic de drogue.
Des comptes jihadistes sur Twitter ont identifié les deux hommes tués après avoir riposté à l'arme de guerre à l'intervention de la police. Il s'agirait de Radwan Haqawi et Tareq Jadoun. Le groupe Etat islamique n'a pas fait le moindre commentaire sur le sujet par ses canaux habituels.
Sudpresse cite pratiquement les mêmes noms --Redwane Hajaoui et Tarik Jadaoun--, en précisant qu'il s'agissait de deux jeunes de Verviers partis en Syrie et revenus dans leur ville à l'insu de leur famille. "Redwane Hajaoui serait bien l'une des victimes", écrit Sudpresse sur son site internet.
Les communications officielles au sujet de la perquisition
Le parquet fédéral a tenu une conférence de presse ce vendredi à 11h15. Voici les derniers éléments communiqués :
- 12 perquisitions ont été menées : 2 à Verviers, 6 à Molenbeek, 1 à Anderlecht, 1 à Bruxelles, 1 à Berchem,1 à Liedekerke.
- 13 personnes ont été privées de liberté : 1 à Ververs, 9 à Molenbeek, 2 à Bruxelles et 1 à Berchem.
- Éléments trouvés à Verviers : Armes de guerre dont des kalachnikovs, armes de poing, munitions, gsm, habits de policiers, talkie-walkie, documents falsifiés, une importante somme d'argent.
- Éléments trouvés à Molenbeek : gsm, armes, munitions.
- Cette opération avait pour but le démantèlement d'une cellule terroriste mais aussi d'une cellule logistique.
- Dans le cadre de ce dossier, deux Belges ont également été arrêtés en France où ils tentaient de fuir vers l'Italie. La Belgique va demander leur extradition.

Pas de lien avec Charlie Hebdo
Cette opération anti-terroriste avait pour but le démantèlement d'une cellule terroriste, sans lien avec le massacre de Charlie Hebdo.
Selon le Parquet, le but du groupe interpellé ce jeudi était de tuer des policiers sur la voie publique et dans les commissariats.
"Leur attention était surtout portée sur la police"
Depuis des semaines, les forces de sécurité et la police belges surveillaient de près un groupe de combattants revenus de Syrie et habitant Verviers. "C’était une cellule opérationnelle qui avait des plans pour des attaques. La semaine passée, le risque était à un point jamais atteint auparavant. Nous devions intervenir", a déclaré le procureur fédéral Eric Van Der Sypt, ce jeudi soir. L'attaque était "imminente". Elle "prévoyait des attaques sur l'ensemble de la Belgique". Certains suspects interpellés jeudi ont séjourné en Syrie, a confirmé le parquet.
L'assaut a été donné par les forces d'intervention de la police fédérale vers 17H45. Des policiers sont intervenus dans l'habitation pendant que des tireurs se trouvaient à l'extérieur et surveillaient les toits des maisons.
"Leur attention était surtout portée sur la police", poursuit Van Der Sypt. Le nouveau bâtiment de la police fédérale à Bruxelles était la cible. D’après des sources judiciaires proches du dossier, il y avait aussi un enlèvement planifié. "C'était une question d'heures peut-être, au maximum quelques jours". Nous ne savons pas ce qu’il va se passer dans les prochaines heures, jours et semaines."
L’identité de la victime visée n'a pas été dévoilée. Il est possible qu’il s’agisse d’une personnalité influente ou d’une personne de la police avec une fonction importante. "Le danger n’est pas écarté", alerte Eric Van Der Sypt.
Selon nos confrères du Laatste Nieuws, les deux jihadistes tués à Verviers avaient également dans l'optique de décapiter cette personnalité influente.
Un confrère de L'Echo citant une source gouvernementale affirme sur Twitter que "les présumés terroristes étaient des pros". Il prend en exemple les "changements de véhicules fréquents, les écoutes téléphoniques difficiles et l'arsenal important".
Une interpellation et cinq perquisitions menées à Molenbeek-Saint-Jean
Une personne a été interpellée jeudi soir à l'issue de cinq perquisitions menées à Molenbeek-Saint-Jean. Des mesures de renforcement des commissariats de la commune facilement accessibles ou non sécurisés ont été prises dans le courant de la soirée et sont toujours en vigueur ce vendredi, a indiqué Françoise Schepmans, bourgmestre de Molenbeek-Saint-Jean. Les cinq perquisitions ont été menées entre 18h00 et 00h30 par la police fédérale à Molenbeek-Saint-Jean. Selon la bourgmestre de la commune, elles se sont déroulées dans le calme. Des attroupements de badauds se sont formés lors de deux perquisitions et la police locale est venue en appui afin d'expliquer aux personnes présentes la nature des opérations en cours. Contrairement à ce qui a été affirmé dans certains médias, il n'y pas eu d'émeute sur le territoire de la commune.
Des mesures de renforcement de la sécurité des bâtiments de police de Molenbeek-Saint-Jean ont été adoptées. Elles concernent le commissariat central de la rue du Facteur ainsi que des antennes de police non sécurisées ou facilement accessibles au public, qui ont été fermées.
Un homme a aussi été interpellé un peu avant 10h00 vendredi matin sur la place Louise à Bruxelles dans le cadre de l'action anti-terroriste menée depuis jeudi soir, ont indiqué des sources policières à Belga. Il s'agirait du suspect au domicile duquel une perquisition a été menée jeudi. L'information n'a pas été confirmée par le parquet fédéral.
Les opérations antiterroristes "sur le terrain sont terminées"
Les opérations antiterroristes lancées en Belgique jeudi sont "terminées sur le terrain", a affirmé ce vendredi matin le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders. "Les opérations sont terminées sur le terrain. On exploite maintenant les données. On verra du côté de la police et des autorités judiciaires s'il y a d'autres initiatives à prendre", a déclaré M. Reynders sur la chaîne française i-Télé.
M. Reynders a souligné qu'un "très grand nombre de perquisitions" avaient été menées dans l'ensemble du pays. A Verviers, "les trois personnes de retour de Syrie ont ouvert le feu sur les forces de l'ordre, qui ont riposté, ce qui a entraîné des combats assez violents". Il a confirmé que la menace d'attentat "portait sur les forces de police". Il n'y a "pas de lien établi avec les attentats commis en France", a confirmé le ministre, en évoquant un "échange d'informations qui a été très utile". "Il n'y a pas de lien entre les attentats à Paris et ceux programmés en Belgique, pas entre les filières, mais il y a toujours une accélération des initiatives en fonction de la situation sur le terrain". "Les attentats à Paris ont fait accélérer des initiatives chez nous".
Une dizaine de perquisitions menées en Belgique
En tout, une dizaine de perquisitions ont été menées, à Verviers, en région bruxelloise ainsi qu'en Flandre. La bourgmestre de Molenbeek, Françoise Schepmans (MR), nous a confirmé ce jeudi soir que quatre perquisitions avaient eu lieu dans sa commune. Si ces perquisitions ont provoqué des rassemblements dans sa commune, elle confirme qu'il n'y a eu aucune émeute contrairement à ce qu'affirmaient certaines sources.
Selon De Standaard, deux suspects auraient été interpellés à Zaventem. L'opération de la police fédérale n'a en revanche aucun rapport, indique encore Mme Schepmans, avec l'homme surpris dans le métro Ribaucourt, en train de crier "Allahou Akbar", une arme à la main, et arrêté plus tôt dans la journée (lire en détails ici).
D'autres opérations ont également eu lieu à Bruxelles-Ville, à Schaerbeek et à Anderlect (dans un immeuble non loin de la rue Lieutenant Liedel).
Aucune perquisition ou ni aucun incident armé n'a eu lieu à Vilvorde, a indiqué son bourgmestre Hans Bonte (sp.a) sur les antennes de la VRT. Le commissariat de police de la localité fait désormais l'objet d'une surveillance particulière, dans une commune où la vigilance a été augmentée depuis un an et demi en raison de la problématique de la radicalisation. Quelque 28 personnes originaires de Vilvorde sont parties se battre en Syrie et en Irak sur une population totale de 42.000 habitants. Actuellement, huit combattants revenus du Moyen-Orient sont connus des services de la commune brabançonne. Pour surveiller une personne à temps plein, ce sont 24 équivalents temps-plein qui sont nécessaires, a expliqué le bourgmestre.
Une seconde intervention à Verviers
Alors qu'un premier assaut ayant eu lieu dans la soirée à Verviers s'était soldé par la mort de deux suspects, les policiers sont de nouveau intervenus dans cette ville, dans une habitation située rue du Palais. L'opération menée par la police fédérale a toutefois pris fin vers 22h. Marcel Simonis, le chef de corps de la zone Vesdre, a précisé que des mesures de sécurité seront maintenues, voire accrues, tandis que de nouvelles mesures seront prises. Quatre kalachnikovs ont été découvertes, ainsi que des produits destinés à fabriquer des bombes et des vêtements policiers.
Réunion de crise terminée pour Michel, Geens et Jambon
Le Premier ministre Charles Michel et les ministres de l'Intérieur Jan Jambon et de la Justice Koen Geens ont tenu une réunion de crise jeudi soir à la suite des différentes actions anti-terroristes menées durant la journée afin de déjouer des attentats d'envergure planifiés contre la police. "Les ministres ont suivi l'évolution du dossier de près durant toute la soirée avec les services de sécurité", a expliqué Olivier Van Raemdonck, porte-parole du ministre Jambon, à l'issue de cette réunion.
Le porte-parole n'a pas pu s'exprimer sur l'enquête judiciaire en cours. Il a toutefois confirmé que le niveau de la menace avait bien été élevé pour tout le pays à un niveau de trois sur une échelle de quatre, "bien qu'il n'existe pas de nouveaux éléments de menace". Il s'agit d'une mesure "de prudence", a-t-il laissé entendre.

"J'ai vu deux jeunes courir"
D'après Yilmaz, 41 ans, une Verviétoise habitant près de la rue du Palais, après les détonations, deux hommes se sont enfuis vers le quartier de l'abattoir. "J'étais en face du Palais de Justice de Verviers. J'ai entendu deux détonations. Je suis partie, puis j'ai vu deux jeunes courir - entre 25 et 30 ans, de type arabe - qui dévalaient en noir avec un bonnet sur la tête. Ils sont allés en direction du quartier des Pakistanais et des Afghans. J'ai téléphoné à la police", dit-elle à La Libre Belgique.
