"Ceux qui manifestent à Kiev ont envie d'Europe"
L'Ukraine s'embrase depuis mardi matin, la capitale ukrainienne est le théâtre de nouveaux affrontements entre policiers et manifestants hostiles au président Viktor Ianoukovitch avec en toile de fond l'Europe. Une tribune de Thierry Repentin et Michael Roth ministres des Affaires européennes français et allemand.
Publié le 19-02-2014 à 19h56 - Mis à jour le 21-02-2014 à 08h38
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Une opinion de Thierry Repentin et Michael Roth respectivement ministres des Affaires européennes français et allemand.
L'Europe a traversé, ces dernières années, une crise économique et sociale profonde. Les Européens en subissent encore les conséquences. Le taux de chômage, en particulier des jeunes, atteint des niveaux insupportables dans de nombreux pays de l'Union. Le doute s'est installé. Des mouvements populistes attisent les craintes de beaucoup de nos concitoyens. L'Europe est désignée, à tort, comme le bouc émissaire de tous nos maux.
En tant que ministres des affaires européennes et chargés de la coopération entre l'Allemagne et la France, nous ne nous résignons pas. Tout au contraire. L'Europe n'est pas le problème, elle est une des solutions. Nous avons besoin d'une Europe plus forte, plus solidaire, plus prospère et plus juste.
Nous devons redonner du sens et du souffle à l'Europe des solidarités. La solidarité, c'est à la fois un idéal et une valeur, une méthode et des politiques. Nous devons agir pour consolider ce qui fait l'unicité de l'Europe, ce lien insécable entre une union de valeurs et un modèle d'état social.
L'Europe sociale n'a longtemps été qu'un thème pour de beaux discours. Son ambition masquait mal la faiblesse de ses réalisations et des moyens qui lui étaient affectés. Aujourd'hui, nous devons renouer avec la croissance partout en Europe, mais avec une croissance solidaire, qui ne laissera personne au bord du chemin. Nous sommes engagés sur cette voie, avec le pacte de juin 2012 qui a remis la croissance et l'emploi au cœur du projet européen, avec l'union bancaire qui protégera les épargnants et responsabilisera les banques, avec l'inclusion d'une dimension sociale dans l'Union économique et monétaire, avec l'accord sur le détachement des travailleurs qui crée un juste équilibre entre libertés économiques et droits sociaux fondamentaux. La lutte contre le chômage des jeunes s'est traduite par une mobilisation personnelle des chefs d'État et de gouvernement, ainsi que par l'allocation, pour la première fois, d'un budget de 6 milliards d'euros en 2014 et 2015 pour lutter contre ce problème dramatique.
Nous devrons continuer à avancer dans les prochains mois. Nous serons mobilisés pour assurer une convergence économique et sociale par le haut. Nous serons naturellement très vigilants à ce que la dimension sociale ne soit pas le parent oublié de la construction européenne. Nous ferons campagne vis-à-vis de nos partenaires européens pour l'introduction de salaires minimums définis au niveau national. Nous avons besoin de plus d'ambition pour la cohérence sociale et sociétale.
Dans les périodes de crise économique et sociale, les risques de voir se fissurer les valeurs fondamentales sur lesquelles repose la société européenne sont aussi plus importants. Nous devons défendre ces valeurs sans relâche, car il en va de l'identité même de l'Europe. La dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'État de droit et l'universalité des droits de l'homme sont notre socle de valeurs. Chaque fois qu'elles sont attaquées, c'est la confiance des Européens dans leur projet commun qui s'érode, c'est la fonction de modèle que l'Europe joue pour son voisinage, à l'est comme au sud, qui s'altère. Il suffit de quitter l'Europe pour en prendre la mesure. Ceux qui manifestent sur la place Maïdan à Kiev comme ceux qui tentent, au péril de leur vie, de traverser la Méditerranée ont des « envies d'Europe ». Nos valeurs créent des aspirations. C'est aussi la raison pour laquelle nous sommes aussi ouverts à l'élaboration d'un mécanisme politique visant à assurer de façon plus efficace le respect de nos valeurs au sein de l'Union européenne, sans affaiblir les instruments existants.
L'Europe que nous portons ensemble, c'est à la fois une Europe des solutions concrètes et une Europe qui ne cède rien sur ses valeurs. Démocratie, croissance et solidarité, voilà le triptyque que nous entendons faire vivre pour relancer l'Europe, redonner confiance aux citoyens, et permettre à chaque génération de contribuer concrètement, en tant qu'Européens convaincus, à un monde meilleur. C'est cela, le rêve européen qui guide notre action.
Nous devons redonner du sens et du souffle à l'Europe des solidarités. La solidarité, c'est à la fois un idéal et une valeur, une méthode et des politiques.